La semaine dernière, Microsoft a ajouté à son portefeuille Windows 10 une variante Windows 10 Pro destinée aux postes de travail haut de gamme, couramment dénommées stations de travail. « Cette version Windows 10 Pro pour workstations doit répondre aux besoins d’utilisateurs avertis qui font tourner leurs machines dans des contextes exigeants et critiques », a annoncé il y a une semaine Klaus Diaconu, un responsable du groupe Windows et Devices de Microsoft. Selon l’analyste Michael Cherry, de Directions on Microsoft, ce nouveau Windows 10 pourrait séduire certains clients, mais il estime que cette version reste « un produit de niche ». Il se demande aussi pourquoi l'éditeur de Redmond a voulu ajouter une autre version à son portefeuille, alors qu'il peine déjà à tirer tous les utilisateurs de Windows 7, et même de Windows 8.1, vers Windows 10. « Ils veulent réduire le nombre de versions et élargir le nombre d’éditions. C'est contradictoire », a déclaré l’analyste. « Cette stratégie soulève un grand nombre de questions. De plus, l’éditeur omet de donner des détails sur les prix, les licences et les modalités de mise à jour », constate-t-il.
Contrairement au lancement de Windows 10 S début mai, qui avait mobilisé Terry Myerson, l’un des plus importants responsables Windows de l’entreprise, l’annonce de Windows 10 Pro pour workstations, limitée au seul blog de Klaus Diaconu, a été pour le moins discrète. Dans son message, ce dernier met en évidence quatre domaines qui distinguent cette nouvelle mouture de l’édition Windows 10 Pro standard. Premièrement, la prise en charge de machines intégrant jusqu'à quatre processeurs - Windows 10 Pro est limité à deux - et jusqu'à 6 To de mémoire (contre à peine 2 To pour la version Pro standard), ainsi que le support des puces serveurs Xeon d'Intel et Opteron d'AMD. Deuxièmement, le support du système de fichiers ReFS, dont la caractéristique principale est la résilience à la perte et à la corruption des données. Introduit pour la première fois dans Windows Server 2012, ReFS est uniquement adapté aux données, il ne peut pas être utilisé pour stocker les fichiers système de Windows.
Lancé avec Fall Creators Update
Troisièmement, Windows 10 Pro supporte la mémoire non volatile NVDIMM-N (Non-Volatile Dual In-line Memory Module). Le « N » indique la présence de mémoire hybride, DRAM traditionnel et stockage flash, sur le même module physique, en général un périphérique de stockage. En raison du composant non volatile - le contenu reste dans la mémoire en l’absence d’alimentation électrique - un périphérique de stockage équipé de mémoire NVDIMM-N peut sauvegarder presque instantanément le contenu de la RAM normale en cas de coupure électrique. Enfin, quatrièmement, Windows 10 Pro prend en charge des adaptateurs réseau plus rapides via « SMB Direct », une autre fonction de Windows Server 2012. « Pour les charges de travail de type Hyper-V ou Microsoft SQL Server, ce support permet à un serveur de fichiers distant d’être reconnu comme système de stockage local », indique Microsoft.
Windows 10 Pro pour Workstations devrait être lancé en même temps que la mise à jour Windows 10 Fall Creators Update, alias 1709 selon la nomenclature aa/mm de Microsoft. La mise à jour sera vraisemblablement téléchargeable à partir du 9 septembre.
Les incohérences de Windows 10 Pro
Selon Michael Cherry, de Directions on Microsoft, l’annonce de cette édition souffre de nombreuses incohérences. « Microsoft affirme vouloir offrir une édition très fiable, mais en même temps, il ne dit pas à quel cycle de support elle sera soumise », a déclaré l’analyste, en référence aux différents cycles de mises à jour proposés aux clients pour accéder aux nouvelles fonctionnalités de Windows 10. « Cette édition tournera sur des machines équipées de mémoire non volatile et d’une carte d'interface réseau à haute vitesse, mais Microsoft va-t-il annoncer aux clients que cette version doit être mise à jour tous les six mois ? Si c'est le cas, c'est incohérent », estime-t-il.
Actuellement, Microsoft propose trois programmes de mise à jour pour Windows 10 : un programme Insider, qui permet aux utilisateurs de tester les fonctionnalités des versions builds en cours de développement, un programme dit Semi-annual Channel, avec un déploiement de mises à jour tous les six mois et un programme LTSC ou Long-Term Service Channel, réservé aux clients Windows 10 Enterprise. Les utilisateurs de cette version de Windows 10 sous licence LSTC ont la possibilité de sauter toutes les mises à jour de fonctionnalités et d’appliquer uniquement les correctifs de sécurité pendant 10 ans. Michael Cherry fait plusieurs remarques à ce sujet. Tout d'abord, les machines exécutant Windows 10 Pro ne peuvent pas bénéficier de la licence LTSC, et subiront des mises à jour forcées tous les six mois. Dans le meilleur des cas, elles pourront ignorer une seule de ces mises à jour par an. Mais dans ses arguments - fiabilité et stabilité - pour défendre Windows 10 Pro pour workstations, Microsoft semble préconiser le programme LTSC à long terme, et non le programme Semi-Annual Channel. « Je ne comprends pas comment ça va fonctionner », a déclaré l’analyste.
Monétisation continue de Windows
Michael Cherry se demande également comment les systèmes exécutant Windows 10 Pro pour Workstations s’harmoniseront avec les services d'abonnement les plus complets de Microsoft, comme Windows Defender Advanced Threat Protection (ATP). Ce service est réservé aux abonnements de niveau E5 et nécessite Windows 10 Enterprise. « Sera-t-il possible de relier cette édition à un abonnement E5? », s’interroge l’analyste.
Mais ce qui émerge surtout, c’est une incohérence fondamentale dans l’approche. « Microsoft n’a pas cessé de dire qu’il y avait trop de versions de Windows, que cette diversité impliquait trop d’efforts en terme de support et de maintenance », pointe Michael Cherry. Selon lui, cette édition Windows 10 Pro pour Workstations ne se justifie que d’une seule façon. « Elle s’inscrit dans le système de monétisation continu de Windows ».
Commentaire