Ce n'est pas la première fois mais cette fois ci sera peut-être le coup mortel. La Cour de Cassation vient en effet de remettre en cause un élément essentiel du portage salarial. L'audience date de février 2015 pour un litige né en 2006 mais la publication de l'arrêt vient d'avoir lieu. La sécurité juridique du portage salarial, montage bien pratique pour les informaticiens indépendants et leurs commanditaires, est sérieusement remise en cause, surtout au détriment de leurs « employeurs ». Le risque de voir les missions transformées en CDI classique devient dès lors très important. Rappelons tout d'abord ce qu'est le portage salarial. Un indépendant se fait embaucher par une structure dédiée en tant que salarié vacataire. Mais il est convenu entre la structure de portage et l'indépendant que ce dernier, le porté, est seul responsable du démarchage de ses clients et qu'il récupérera en salaire ce qu'il aura réussi à faire facturer, moins les charges et frais. L'objectif est de bénéficier du régime général de la sécurité sociale et des allocations chômage en cas de cessation d'activité.
Mais, pour tout le monde, il est clair que le contrat de travail conclu entre le porté et l'entreprise de portage est une fiction. Pour l'entreprise ayant recours aux services de l'indépendant porté, c'est très simple. Elle conclut un contrat classique de prestation avec l'entreprise de portage. Toutes les démarches et implications de l'existence d'un contrat de travail ne la concerne plus, notamment pour la fin de mission. Or, juridiquement, il s'agit bien d'un contrat de travail bien réel. Ce contrat implique donc un lien de subordination, une rémunération et une série de missions bien précis. On a donc une contradiction entre le contrat formel et la réalité désirée sur le terrain. La Cour de Cassation vient de faire se rejoindre les deux, au détriment de l'entreprise de portage.
Le portage reste un contrat de travail, pour le meilleur et pour le pire
Dans le cas d'espèce, un consultant n'ayant pas réussi à facturer un montant suffisant de prestations s'est fait licencier par son entreprise de portage. Appréciant peu de perdre ainsi son outil administratif, le porté a attaqué son porteur aux prud'hommes.
La Cour de Cassation vient de confirmer toutes les implications du contrat de travail, notamment que la société de portage devait garantir du travail à ses portés, l'absence de missions confiées ne pouvant pas être en lui-même un motif de licenciement. Le licenciement a donc été jugé sans cause réelle et sérieuse. La société de portage a donc été condamnée, condamnation confirmée par la Cour de Cassation. Cette remise en cause du modèle même des sociétés de portage risque bien d'être fatal au système. D'autant que ce n'est pas la première fois que le portage salarial est recadré par la Cour de Cassation sous divers motifs, malgré l'existence d'un article dédié dans le Code du Travail. Parfois, la fiction, même juridique, se fait rattraper par la réalité.
Le PEPS, syndical patronal des sociétés de portage salarial, n'a pas réagi à nos demandes de commentaires.
Commentaire