Toutefois, plusieurs faiblesses sont listées. D'abord la France est en retard parmi les pays de l'OCDE sur ce dossier. Le rapport Fourgous porte un diagnostic, très intéressant, en expliquant cette faiblesse en termes d'usages, de formation des enseignants (*) et de passerelles entre l'école et la vie active.
La fracture numérique s'est déplacée, ce n'est plus une question d'argent mais d'usage et de pratiques. En clair, les familles sont passées à Internet et leurs enfants avec, l'éducation aussi, mais les parents ne peuvent pas toujours accompagner leurs enfants dans des usages pédagogiques et les enseignants n'ont pas non plus les capacités pédagogiques pour utiliser ces outils. Le rapport souhaite « un plan massif de formation initiale et continue, pour les enseignants et leurs cadres, faire évoluer les pratiques pédagogiques traditionnelles vers des pratiques « innovantes ».... Valoriser, accompagner, redonner confiance aux enseignants ».
Favoriser le local
Le rapport préconise de créer un référentiel de compétences numériques, des accompagnants pédagogiques. Il souhaite le regroupement dans une seule agence, ou de plusieurs organismes comme le CNDP (documentation pédagogique), le CNED (enseignement à distance) et veut que l'Etat et les collectivités territoriales travaillent mieux ensemble sur ce sujet. Les collectivités territoriales sont effectivement celles qui décident des budgets d'équipement des écoles et disposent pour certaines de politiques d'équipement numérique pour l'éducation.
Franchir une nouvelle étape devient donc plus délicat. « La situation n'est pas la même en région parisienne et dans les grandes régions développées que dans les autre » assure Pierre-Yves Thivent, président du groupement de revendeurs France TICE. Par ailleurs, si le marché s'est effectivement beaucoup développé ces dernières années, il se ralentit, peut être à l'approche des élections période émolliente dans le secteur public, mais aussi pour des raisons de fond, l'appropriation des outils et des usages n'est pas suffisante.
(*) La Commission Fourgous a commandé une enquête sur les pratiques de formation à l'utilisation des Tice, réalisée par le cabinet Strat-up avec un sondage auprès de 2016 personnes, dont 4440 enseignants, 28 directeurs d'IUFM 1548 étudiants.
Le numérique à l'école cherche un second souffle
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Réaction
Le député Jean-Michel Fourgous publie une deuxième édition de son rapport sur le numérique à l'école, deux ans après le précédent. Si beaucoup d'avancées sont enregistrées et d'autres projetées, le développement n'est pas le même partout et bloque sur des questions d'usage.
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Pour une approche globale du numérique à l'Ecole
Signaler un abusQuand on parle du numérique à l'Ecole, il est important de situer la réflexion dans une approche globale qui distingue les différents « statuts » éducatifs de l'informatique. Le débat gagne alors en clarté.
L'informatique est un outil pédagogique dont on connaît bien les multiples usages et potentialités. L'informatique fait évoluer les objets et les méthodes des autres disciplines (voir par exemple les enseignements techniques et professionnels ou les sciences expérimentales avec l'ExAO et la simulation). Ce deuxième statut n'a rien avoir avec le précédent. Il relève de l'« obligation » d'enseigner les disciplines scolaires telles qu'elles sont devenues alors que, dans le système français, la règle est la « liberté pédagogique », l'enseignant étant maître de ses méthodes, de ses outils et de ses ressources. L'informatique est aussi un outil de travail personnel et collectif des enseignants et des élèves, de la communauté éducative. Statut différent encore : on connaît des enseignants qui utilise l'ordinateur pour préparer leurs cours mais pas en classe pour différentes raisons.
Mais l'informatique est aussi (redevient) discipline scolaire, modalité pédagogique incontournable pour donner à tous les élèves l'indispensable culture générale en la matière. Un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et Sciences du numérique » en Terminale S entrera en vigueur à la rentrée 2012. Cette création est une première réponse, qui en appelle d'autres, à la question de la culture générale scientifique et technique au 21è siècle (1).
En effet, concernant l'enseignement de l'informatique, le rapport Stratégie nationale de recherche et d'innovation, SNRI, faisait en 2009 le constat que « la majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines. » La « réindustrialisation » suppose une forte compétence globale en informatique. Les débats de société sur les transformations qu'elle engendre se multiplient : Hadopi, libertés numériques, neutralité du Net... Il y a donc un triple enjeu : former l'homme, le travailleur et le citoyen, à savoir les missions traditionnelles de l'Ecole.
Si les sciences physiques sont devenues discipline scolaire c'est parce qu'elles sous-tendent les réalisations de la société industrielle. Dans les débats sur l'énergie nucléaire ou les OGM, le citoyen peut s'appuyer sur ce qu'il a appris au collège et au lycée en sciences physiques et en SVT. Lors des votes sur la transposition de la directive européenne DADVSI et de la loi Hadopi, s’il fut abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle, de modèles économiques…, ce fut sur fond d’interopérabilité, de DRM, de code source, de logiciels en tant que tels. Dans un cas comme dans l’autre on n’a pu que constater un sérieux déficit global de culture informatique largement partagé. L'informatique est l'une des grandes sciences contemporaines. Le monde devient numérique...
La conséquence en est que l'informatique (re)devient, et doit devenir davantage, discipline en tant que telle, composante de la culture générale scolaire. En effet, l'approche pédagogique selon laquelle on peut donner une culture informatique par les utilisations dans les autres disciplines enseignées par le B2i), d'une manière exclusive, s'est révélée être un échec (2). Un échec prévisible d'ailleurs : imaginons que l'on supprime le cours de mathématiques et qu'alors les entiers relatifs soient traités en histoire à l'occasion de l'étude de la période avant-après JC, et les coordonnées en géographie quand on parle de longitude et de latitude ! Et pourtant c'est ce que l'on a fait avec l'informatique.
Notons enfin que les statuts éducatifs de l'informatique sont complémentaires et se renforcent mutuellement.
Jean-Pierre Archambault
Président de l'association Enseignement Public et Informatique (EPI)
http://www.epi.asso.fr
16-04-2012
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(1) Lors du débat du 5 avril 2012, Fleur Pellerin a indiqué que le Parti socialiste souhaite « étendre l’option informatique » prévue à la rentrée en terminale S « à toutes les filières, avec une généralisation d’abord de préférence dans les ZEP puis sur tout le territoire ».
Sur cette question de l'enseignement de l'informatique on pourra se référer aux réponses de plusieurs candidats dans l'éditorial d'EpiNet numéro 144, « L'informatique en campagne » :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1204a.htm
(2) Toujours dans le débat du 5 avril 2012, Philippe Meirieu (EELV) a dit qu'il fallait « travailler sur l’apprentissage du numérique par les élèves » car « le B2i et le C2i sont un peu figés, un peu obsolètes, il faut les revisiter selon une approche plus globale », Cela suppose implicitement que la B2i aurait été à un moment actuel et/ou moderne, ce qu'il n'a jamais été.