Dans les années 1990 et jusque dans les années 2000, si vous aviez des applications critiques qui n'acceptaient aucun temps d'arrêt, mais de la résilience, des basculements et de hautes performances, et sans utiliser de mainframe, Unix était la solution à privilégier. Si votre base de données, ERP, RH, paie, comptabilité et autres applications métier n'étaient pas exécutées sur un mainframe, il y a de fortes chances qu'elles l'aient été sur le système Unix d’un des quatre principaux fournisseurs : à avoir Oracle/Sun Microsystems, HP, IBM et SGI. Chacun avait sa propre saveur Unix et son processeur RISC personnalisé. Les serveurs utilisant une puce x86 étaient au mieux utilisés pour les serveurs de fichiers et d'impression ou peut-être les serveurs départementaux bas de gamme.
Aujourd'hui, c'est le duo x86 et Linux, avec une certaine présence de Windows Server, qui domine le marché. Pratiquement tous les supercalculateurs du Top 500 utilisent une version de Linux et des processeurs x86. Ce qu’il restait de SGI a été absorbé par HPE. Sun a résisté un certain temps mais Solaris est désormais dans le giron d’Oracle, et en 2017 l’éditeur californien a indiqué qu’il n’y aurait pas de Solaris 12. HP Enterprise n'expédie que quelques serveurs Unix par an, principalement sous forme de mises à niveau pour les clients existants avec d'anciens systèmes. Seul IBM est encore dans le jeu, fournissant toujours des systèmes Power et des mises à jour de son système d'exploitation AIX.
Un déclin continu d'Unix depuis 10 ans
Si les variantes libres et open source d’Unix comme FreeBSD, qui est né du projet Berkeley Software Development (BSD) à l'Université de Californie, Berkeley et GNU, sont toujours florissantes, c’est loin d’être le cas des versions commerciales. Le déclin d'Unix est « plus un artefact du manque d'attrait marketing que de l'absence de présence », explique Joshua Greenbaum, analyste principal chez Enterprise Applications Consulting. « Plus personne ne commercialise d'Unix, c'est une sorte de terme mort. Il existe toujours, mais il n'est pas construit autour de la stratégie d'innovation haut de gamme de qui que ce soit. Il n'y a pas d'avenir, et ce n'est pas parce qu'il y a quelque chose qui cloche en soi, c'est juste que tout ce qui est innovant va dans le cloud. »
« Le marché Unix est en déclin inexorable », déclare pour sa part Daniel Bowers, directeur de recherche pour les infrastructures et les opérations chez Gartner. « Seulement 1 serveur sur 85 déployés cette année utilise Solaris, HP-UX ou AIX. La plupart des applications sous Unix qui peuvent être facilement portées sous Linux ou Windows ont déjà été déplacées. » La plupart de ce qui reste aujourd'hui sur Unix sont des charges de travail personnalisées et critiques dans des domaines tels que les services financiers et les soins de santé. Parce que ces applications sont coûteuses et risquées à migrer ou à réécrire, Daniel Bowers s'attend à un déclin à long terme sous Unix qui pourrait durer 20 ans. « En tant que système d'exploitation viable, il a au moins 10 ans parce qu'il y a cette longue queue. Même dans 20 ans, les gens voudront toujours l'exploiter », dit-il.
IBM AIX : le dernier Unix debout
Gartner ne suit pas la base installée mais seulement les nouvelles ventes, et la tendance est à la baisse. Au premier trimestre de 2014, les ventes d'Unix ont totalisé 1,6 milliard de dollars. Au premier trimestre de 2018, les ventes s'élevaient à 593 M$. En termes d'unités, les ventes d'Unix sont faibles, mais elles se présentent presque toujours sous la forme de serveurs haut de gamme, lourdement équipés et beaucoup plus gros qu’un serveur x86 à deux sockets typique.
Il est remarquable de constater à quel point les gens gardent les lèvres serrées au sujet de la santé d'Unix. Oracle et HPE ont refusé de commenter le sujet, tout comme plusieurs clients d'IBM. Big blue est toujours dans le jeu, mais Daniel Bowers note : « Je vois IBM investir 34 milliards de dollars dans Red Hat, mais je ne vois pas IBM investir 34 milliards de dollars dans AIX. » Steve Sibley, vice-président des offres de systèmes cognitifs chez IBM, reconnaît l'évidence, mais dit que big blue aura encore un nombre important de clients sur AIX dans dix ans, la majorité d'entre eux étant de grandes entreprises du Fortune 500. Il ajoute aussi qu'il y aura un nombre stable de clients dans le segment milieu de gamme, car d'une certaine façon, ils ne désirent pas investir pour quitter AIX ».
Un marché captif
Rob McNelly, architecte senior des solutions AIX chez Meridian IT, fournisseur de services et grand utilisateur d'AIX, affirme qu'il existe une règle des 80/20 pour les applications développées pour AIX : 80% des clients n'augmentent pas leur périmètre AIX, mais les 20% restant développent encore sur AIX. « Parce que ces 20 % concernent avant tout de grandes entreprises, il s'agit d'un segment très important. Le domaine de la santé, et de nombreux environnements de production de niveau 1 continuent d'investir et bénéficient de la stabilité et de la sécurité d'AIX. Les systèmes ERP établis et intégrés font de même à tous les niveaux », explique M. McNelly.
Beaucoup de nouvelles applications partent sur Linux, ce qui provoque une certaine migration hors d'AIX, alors que les environnements statiques et non-modifiables restent stables sur AIX, ajoute-t-il. « Certaines applications vont vers Linux, mais la plupart des applications bas de gamme ont déjà été déplacées. Pensez au mainframe ; les utilisateurs existants restent parce qu'il a une grande valeur, mais peu de nouveaux clients migrent vers le mainframe ».
La banque fidèle à Unix
La finance, les soins de santé et la grande industrie manufacturière sont les principales industries qui restent attachées à Unix, explique M. Bowers. Les entreprises bancaires sont souvent en mesure de se permettre ces grands systèmes, tandis que les soins de santé ont des exigences réglementaires strictes qui poussent ces entreprises à rester sur la plate-forme Unix.
« Personne n'achète une plate-forme pour la plate-forme », souligne M. McNelly. « Ils achètent une application. Tant que la prise en charge des applications est maintenue pour certaines plates-formes clefs, il est difficile de battre la valeur d'AIX [sur IBM Systems Powers]. Bien souvent, après que les entreprises aient fait des analyses, [et considéré] la stabilité actuelle et l'effort de migration [il] n'est pas logique de sortir de quelque chose qui est parfaitement fonctionnel et supporté et qui a une feuille de route solide pour l'avenir. »
Unix est le nouveau mainframe
La plus grande plainte que M. Bowers entend à propos de Linux n'est pas l'OS lui-même, mais le matériel sur lequel il fonctionne. Beaucoup de systèmes Unix ont ce qu'on appelle le hard partitioning qui est comme les machines virtuelles, mais qui met en place des partitions physiquement séparées sur le système. Le hard partitioning dur présente de nombreux avantages. Il permet par exemple de limiter de nombre de processeurs pour la machine virtuelle en associant des processeurs virtuels à des processeurs physiques. Ce qui est très utile avec le mode de licence d’oracle qui repose sur le nombre de cœurs CPU. Autre exemple, M. Bowers note que dans certains cas, les fournisseurs de logiciels d'entreprise (Oracle en est un exemple) vous accorderont une remise si vous utilisez le hard partitioning. C'est une solution matérielle que seuls les systèmes Unix offrent aujourd'hui.
Alors qu'Unix est en déclin et qu'il ne reste plus qu'un seul fournisseur commercial, les deux autres propositions resteront dans les parages pendant un certain temps. Oracle a peut-être annoncé la fin du développement de Solaris, mais l’éditeur s'est engagé à supporter Solaris jusqu'en 2034. HPE indique de son coté qu'il accompagnera ses différents serveurs HP-UX cinq ans après leur date d'obsolescence, qui varie. L'IRIX de SGI n'est plus sur le marché et n'est plus pris en charge depuis 2006. M. Sibley indique que la tendance qu'observe IBM est que les clients se concentrent moins sur la transition vers AIX et davantage sur la façon d'étendre et de migrer à l'avenir. « La grande majorité des clients prolongent ce qu'ils font avec AIX et ne cherchent pas à s'en sortir », dit-il.
Une survie prolongée grâce à IBM
La principale raison pour laquelle les clients quittent AIX est qu'ils craignent qu'il n'y ait plus les compétences nécessaires pour les supporter dans l'avenir, parce que les utilisateurs croient qu'AIX est en train de mourir. « C'est ce qui attire l'attention des clients. Tant qu'ils auront confiance que nous serons là pour longtemps, et que nous avons de nouvelles sorties chaque année, il n'y a aucune raison de s'en aller », assure M. Sibley.
Ainsi, Unix survivra au moins sous la forme d'AIX grâce à l'engagement d'IBM, même si les autres s'évanouiront dans les décennies à venir. Personne ne s'attend à une implosion de type supernova. Juste un long et lent fondu enchaîné. « Unix ne mourra jamais. Aucune recherche n'essaie de trouver un nouveau système d'exploitation pour remplacer Unix ou Linux », explique M. Greenbaum. « Il ne mourra pas comme les systèmes mainframe ne sont pas morts. Ils sont toujours utilisés. Mais ce système disparaît parce qu'il perd de sa valeur stratégique. »
Unix survit dans le grand public
« D'ici 2020, Unix représentera 3 % du chiffre d'affaires total des serveurs, contre 8 %, aujourd'hui », déclare M. Bowers. « Il n'y aura pas de ruée vers la sortie. Unix disparaîtra. » En fin de compte, le plus grand succès d'Unix ne sera probablement pas sur le marché des serveurs d'entreprise mais en tant qu'option pour les produits grand public. MacOS et iOS d'Apple sont tous deux dérivés de FreeBSD - et cette base installée n’est pas encore prête à disparaitre.
Unix est bien vivant au travers des distributions linux (ainsi que macos). Et avec l'intégration du noyaux linux à windows 10, on peut difficilement conclure qu'il est mort.
Signaler un abusSeule les déclinaison propriétaire d'unix sont morte.