« Avant d'accélérer, il faut mesurer » a insisté Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques, en ouvrant sa présentation du plan d'accélération de la transformation numérique de l'État et des territoires, le 23 octobre 2020. C'est le rôle de l'Observatoire de la qualité des démarches en ligne. Deux millions de Français, à l'aise ou non avec le numérique, avec une bonne ou une mauvaise connexion, urbains ou ruraux, etc. ont donné leur avis au cours des douze derniers mois. 71 % ont des avis positifs, ce qui est au dessous de l'objectif de 80 %. Mais le recueil, détaillé, permet à l'État de savoir où s'améliorer, en fonction des attentes réelles (et non pas supposées) des citoyens.
Le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés sur un objectif ambitieux à atteindre avant 2022 : que 250 démarches administratives du quotidien soit réalisables en ligne. Pour la ministre, il est en effet incompréhensible que l'on puisse tout faire en ligne sauf réaliser certaines démarches administratives courantes. « Numériser, c'est rendre accessible partout et tout le temps des démarches du quotidien » a-t-elle relevé, avant d'ajouter : « mais il s'agit bien d'accroître l'accès aux services publics, pas de remplacer les autres canaux. Les agents pourront être repositionnés sur du contact à valeur ajoutée », laissant les démarches basiques des citoyens autonomes au canal numérique. A ce jour, 182 démarches sont déjà en ligne, soit une atteinte à 72,8 % de l'objectif. Mais cela implique que le numérique soit pris au sérieux dès le départ, pas comme une modalité technique à la fin du projet. Amélie de Montchalin en a conclu : « nous devons remonter les DSI ministériels au niveau stratégique, pas qu'on les appelle à la fin, sinon nous n'avancerons pas. »
500 M€ dont 208 pour les conditions de travail des agents publics
Au sein d'un plus vaste programme d'un milliard d'euros, le Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques dispose d'un budget propre de 500 millions d'euros pour la part qui relève de sa compétence. 208 millions sont destinés à améliorer les outils de travail des agents publics (mise à niveau des outils pour permettre le télétravail, amélioration du débit du Réseau Interministériel de l'État, formations...). Et la ministre a précisé que le terme « agents publics » ne se limite pas aux seuls fonctionnaires statutaires ou aux seules administrations d'État. Il sera possible de mobiliser ce fonds en faveur d'agents de la CNAM ou de Pôle Emploi. La ministre a ainsi constaté : « l'administration, c'est aussi derrière le guichet. Si on a du numérique devant mais, ensuite, un traitement papier, on a perdu l'intérêt du numérique. » 88 millions sont destinés à soutenir la transformation des collectivités locales. Enfin, 204 millions sont destinés directement à la transformation numérique de l'État. Cette dernière part concerne bien sûr la numérisation des démarches mais aussi le soutien aux bonnes pratiques issues du terrain, la transformation « en profondeur » des pratiques internes (de back-office) et le partage des données. « La crise sanitaire a montré les difficultés rencontrées pour remonter de l'information du terrain » a ainsi expliqué la ministre. Les ministères, collectivités, etc. qui souhaiteront bénéficier de ce fonds devront passer par le guichet unique du ministère. Les candidatures peuvent déjà être collectées même si les fonds seront disponibles au 1er janvier.
Certains ministères sont déjà très bien placés dans la course à la numérisation, d'autres nettement moins bien. Les Services du Premier Ministre, le Ministère de l'Economie, des Finances et de la Relance, celui de l'Agriculture et de l'Alimentation et celui de la Transition Ecologique affichent ainsi un superbe « 100 % » de démarches réalisables en ligne contre 30 % pour la Justice, 45 % pour la Cohésion des Territoire et 58 % pour la Culture. Mais le taux de satisfaction est aussi très variable : 80 % à la Justice ou aux Affaires Etrangères contre 65 % à l'Economie et 60 % à la Culture. Amélie de Montchalin a nuancé des chiffres qui peuvent paraître brutaux : « les difficultés techniques, de complexité, de sécurité... comme le nombre de démarches sont très variables d'un ministère à l'autre. Porter plainte en ligne, ce n'est pas demander un permis bateau. »
Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre en charge des Personnes handicapées, est intervenue en vidéo-conférence
La satisfaction des citoyens varie également fortement selon les thèmes. Si la facilité à contacter une assistance satisfait 75 % des usagers, au sein d'une satisfaction globale de 71 %, si la disponibilité et la réactivité des sites web satisfont 67 %, deux points méritent de sérieux progrès. 47 % des sites, ainsi, ont une véritable prise en compte du « dites-le-nous-une-fois ». Cette approche consiste à d'abord récupérer les informations disponibles dans d'autres administrations (si l'usager l'accepte) avant de redemander des informations ou des documents. Cela implique un vrai travail de connexions voire d'API. L'identification mutualisée France Connect, de la même façon, n'est pour l'heure utilisée que dans 60 % des cas (l'objectif est de 100%).
Et le pire est l'accessibilité : 12 % des services satisfont les usagers en termes de prise en compte des différents handicaps. 21 % des services ont fait l'objet de la publication d'une déclaration d'accessibilité depuis moins de trois ans. Le référentiel réglementaire en la matière est le RGAA (Référentiel général d'accessibilité pour les administrations). Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre en charge des Personnes handicapées, s'est offusquée : « l'accessibilité est un enjeu auquel nous ne renonçons pas. Mais nous sommes toujours en rattrapage car nous n'avons pas encore de création native de démarches accessibles. » Le vrai problème, en la matière, est le déficit élevé de webmasters formés à l'accessibilité. Pour les deux membres du gouvernement, former de telles webmasters est une opportunité économique.
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