Pour la Mutualité sociale agricole (MSA), soit le régime de protection sociale des professions agricoles, le mouvement de la DSI vers l'agilité est né d'un audit de la direction de l'organisme. Mené en 2019, il fait ressortir l'insatisfaction des utilisateurs en caisses, la longueur des projets et les surcoûts qu'ils engendrent. « Cet audit témoignait du silotage de l'organisation et d'une forme d'éloignement entre les utilisateurs et l'informatique », souligne Jacques Bouldoires, le directeur général de iMSA depuis début 2020. Derrière cet acronyme se cache le GIE informatique du régime, précisément né des conséquences de l'audit. La structure, qui regroupe environ 1 000 personnes (auxquelles s'ajoutent des prestataires), est venue agréger les MOA aux équipes orientées production IT et MOE, « pour constituer une BU orientée utilisateurs ».

Une proximité d'autant plus nécessaire que les utilisateurs des services de iMSA ne se limitent pas aux 35 caisses régionales de la Mutualité, mais s'étendent à la dizaine de caisses des régimes spéciaux (SNCF, RATP, Assemblée Nationale...). Et le GIE participe aussi à la construction du système d'information de la Sécurité Sociale, certain de ses services étant exploités par la CNAV (Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse) ou la CNAM (Caisse Nationale d'Assurance Maladie). Les systèmes conçus par iMSA couvrent ainsi une large palette fonctionnelle, la retraite évidemment, mais aussi la famille, la maladie, le recouvrement ou la complémentaire santé. « Nous sommes concernés par toute les réformes sociales, observe Jacques Bouldoires. L'ensemble de la législation - hors famille - est d'ailleurs géré sous un moteur de règles en interne. »

2% de la masse salariale en formations à l'agilité

En plus du regroupement des MOA et MOE, iMSA a amorcé, dès 2020, une transformation massive vers l'agilité à l'échelle, basée sur la méthodologie Safe. Avant même la naissance du GIE, la MSA avait lancé un premier 'train agile' en 2017 et 2018, composé de plusieurs équipes couvrant l'évolution du front-office et des téléservices. L'initiative s'inspirait de ce qui avait été précédemment fait chez Pôle Emploi. « Après l'audit, nous avons bénéficié de moyens supplémentaires pour diffuser les méthodes agiles. Avec la création d'une direction de la transformation, comptant une quinzaine de coachs spécialisés ainsi que des compétences sur la maîtrise des risques et la qualité. Ou encore avec un effort massif en termes de formation, 2% de la masse salariale étant consacré à la montée en compétences sur les méthodes agiles », détaille le DG du GIE. Avec, en particulier, de nombreuses certifications à Safe.

Jacques Bouldoires, le directeur général de iMSA : « Nous avons rattrapé le retard réglementaire dans à peu près tous les domaines. »

Cet « effort considérable », selon les mots de Jacques Bouldoires, a permis de structurer l'activité du GIE autour de 15 trains agiles, traversant tous les départements de iMSA (un pour chaque grande catégorie de back-office, un pour le front-office, un pour la data et, enfin, un pour l'environnement de travail). Chaque train compte une dizaine d'équipes agiles en moyenne. « Certains trains sont plus petits, comme celui dédié au portail des droits sociaux, qui compte une trentaine de personnes. Là où d'autres montent à 120 personnes. De même, les niveaux de maturité peuvent être différents dans l'exécution », précise le responsable.

Safe dans des équipes mixtes, embarquant une autre caisse

Selon Jacques Bouldoires, cette réorganisation selon les principes de Safe a permis de remonter le niveau de satisfaction des utilisateurs en caisses, surtout vis-à-vis des nouvelles solutions. « Nous avons rattrapé le retard réglementaire dans à peu près tous les domaines, notamment en matière de cotisations des entreprises ou de mesures spécifiques au monde agricole, ajoute le directeur général de iMSA. Par ailleurs, nos refontes sont mieux maîtrisées. Citons celle concernant la gestion des saisonniers agricole : le projet a été mené en un an, dans les délais et les coûts prévus, avec des utilisateurs satisfaits. »

Pour le responsable, la transformation Safe, menée en 4 ans, est encore un facteur d'attractivité pour iMSA. « Et ce n'est pas qu'une transformation de l'informatique, souligne Jacques Bouldoires. Beaucoup de directions métiers ont mûri avec nous sur des notions comme le MVP (Minimum Viable Product), même si le jargon très anglophone de Safe a généré quelques difficultés que nous n'avions pas anticipées. » La transformation de iMSA est d'ailleurs portée par le patron de iMSA bien-sûr, mais également par la direction des opérations de la Mutualité et par un directeur de caisse régionale.

Lors du PI Planning du train liquidation et paiement des retraites, délocalisé dans les locaux de la Caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF. (Photo : iMSA)

Récemment, iMSA a diffusé les pratiques Safe dans une équipe mixte, constituée avec la Caisse de prévoyance et de retraite (CPR), qui gère le régime spécial des cheminots. « La CPR faisait face à une contrainte : leur outil de liquidation des retraites tourne sur un mainframe GCos dont la maintenance doit s'éteindre en 2025 », relate Jacques Bouldoires. Une urgence qui pousse la MSA à revoir ses principes, consistant à développer des solutions d'abord pour ses besoins propres avant de les mettre à disposition des caisses des régimes spéciaux. « Nous avons inversé les priorités et décidé de consacrer le premier jalon du projet de refonte de la solution de liquidation et de paiement des retraites à la CPR », reprend le responsable.

Un processus budgétaire Safe en cours d'installation

Cette priorisation des besoins de la caisse des cheminots pousse les deux organismes à réétudier l'équilibre des coûts. « La CPR a contribué au projet via la mise à disposition de ressources, qui sont venues s'intégrer complétement dans nos processus agiles. Nous sommes donc passés dans une logique de co-construction », résume le directeur général. Symboliquement, fin 2023, le PI Planning - soit la cérémonie la plus importante de Safe permettant aux équipes agiles de prioriser et synchroniser leurs efforts - de ce train embarquant environ 120 personnes s'est tenu à Marseille, au siège de la CPR. Six équipes agiles sur les onze du programme sont composées à la fois de compétences iMSA et CPR. Le produit qui doit résulter de cet effort de développement est aujourd'hui en MVP et en test dans quelques caisses MSA. Il doit entrer en production début 2025.

Le premier PI Planning du train Famille, le dernier constitué au sein de iMSA, s'est tenu fin mai. Il a réuni une cinquantaine de personnes. (Photo : iMSA)

Si le référentiel Safe est devenu la norme par défaut au sein de la iMSA, le GIE travaille encore à quelques ajustements. Comme une meilleure intégration des processus de gestion du changement et de gestion des incidents dans les trains. Ou comme un approfondissement du processus budgétaire associé à Safe (et appelé Lean Portfolio Management). « Cette approche se met peu à peu en place depuis l'an dernier », dit Jacques Bouldoires. Ce dernier s'interroge aussi sur la pertinence de l'approche agile pour le périmètre IT relevant de progiciels. Et milite enfin pour une poursuite de la réinternalisation des activités informatiques.

25 ETP en plus pour limiter l'externalisation

Aujourd'hui, iMSA affiche un taux d'externalisation moyen de 43%, mais celui-ci peut atteindre 55 ou 60% sur certaines fonctions. « Nous revendiquons une internalisation plus poussée. Cette année, nous avons obtenu 25 ETP supplémentaires au sein de nos équipes, en plus des recrutements prévus », souligne le DG. Ce dernier est également en train de restructurer les contrats qui lient iMSA avec les ESN, des accords hier basés uniquement sur l'assistance technique. « Nous avons mûri sur l'usage des compétences externes au sein des trains Safe, par exemple en intégrant des équipes entièrement externalisées au sein des trains », dit le directeur général.