« La valeur commerciale du cloud est énorme ! » C’est ce que répètent à l’envi les fournisseurs de cloud et leurs partenaires lors de chaque conférence sur le cloud. Ils ne diront jamais que le cloud est toujours la bonne solution ni d'ailleurs, la mauvaise. Depuis plus de 20 ans que je suis expert dans le cloud, je ne me suis jamais rangé aveuglément du côté des pionniers ou des adeptes du cloud. Comme toute autre tendance ou catégorie technologique, le cloud doit être envisagé au cas par cas. Cette approche équilibrée m'a peut-être coûté quelques amis et quelques emplois aussi, mais, de mon point de vue, en 2024, cette approche est toujours la bonne façon d'envisager les déploiements cloud. Dans une récente enquête de McKinsey réalisée auprès d'une cinquantaine de leaders européens du cloud, ces derniers estiment ne pas avoir encore profité des avantages de la migration vers le cloud. En d'autres termes, les migrations dans le cloud ne sont pas aussi universellement bénéfiques que ce que l’on a été amené à croire. De plus, ce constat n’a rien de nouveau, pour qui que ce soit.
Pour les entreprises, l'agilité, la réduction des coûts et l'innovation étaient les principales promesses du cloud. Cependant, selon l'étude de McKinsey, seul un tiers des entreprises européennes surveillent activement les bénéfices non IT de leur migration vers le cloud, ce qui laisse entrevoir un tableau moins optimiste. En outre, 71 % des entreprises ont mesuré l'impact de l'adoption du cloud uniquement à travers le prisme des améliorations opérationnelles de l’IT plutôt qu'à travers les avantages pour leur activité. Ce déséquilibre appelle à une question essentielle : les départements techniques sont-ils les principaux bénéficiaires de la migration vers le cloud, plutôt que les entités commerciales plus globales qu'ils sont censés renforcer ? La technologie cloud est souvent associée à l'agilité de l'entreprise et à la génération de nouveaux revenus, mais seulement 37 % d'entre elles font état d'économies de coûts en dehors de l’IT. Seules 32 % d'entre elles déclarent avoir généré de nouveaux revenus, alors qu’elles ont investi des centaines de millions de dollars dans le cloud. Il n'est donc pas surprenant de voir le potentiel de transformation du cloud remis en question. Les unités commerciales agiles prêtes à explorer de nouveaux marchés ne sont peut-être qu'un mirage. Même si 95 % des entreprises européennes affirment tirer profit du cloud, le phénomène reste isolé et à petite échelle, loin de la révolution généralisée attendue.
ROI du cloud et IA
McKinsey souligne la nécessité d'intégrer de l'IA générative dans les parcours d'adoption du cloud. Mais, pour chaque domaine d'activité migré, il faudrait un retour sur investissement jusqu'à sept fois plus élevé. Et ce, dans un contexte dans lequel seule une fraction des entreprises fait état d'un retour sur investissement satisfaisant de leurs projets cloud.
Les principales questions à se poser sont les suivantes :
- L'IA peut-elle conduire à une augmentation significative de l'utilisation des fournisseurs de cloud ?
- Les entreprises doivent-elles continuer à approuver des investissements dans le cloud public sans y avoir mûrement réfléchi ?
- Est-il préférable de ne déployer que des systèmes d'IA ou des cas d’usage qui présentent des analyses de rentabilité claires et justifiables ?
Personne ne sera surpris de lire que je prêche pour la prudence. Malgré les avancées technologiques introduites par les déploiements dans le cloud, 13 % des entreprises interrogées ont déclaré que le rendement des investissements dans le cloud devait être augmenté. Il me semble que le retour sur investissement devrait être beaucoup plus élevé, mais je suis également conscient que les entreprises ignorent la valeur réelle de leurs déploiements dans le cloud. Plus inquiétant encore, 55 % des entreprises se disent satisfaites de leurs investissements dans le cloud. Ce résultat met en évidence un écart entre la satisfaction et la valeur commerciale réelle. En d'autres termes, la course à l'expansion de l'IA est à l'origine de mauvaises décisions en matière de configuration technologique, car la valeur perçue du cloud est surévaluée. Cette enquête et d'autres du même type constituent un signal d'alarme crucial pour les entreprises, qui doivent réévaluer leurs stratégies en matière de cloud. Les promesses du cloud doivent être examinées de façon critique, ce qui aurait dû être fait depuis le début.
Cependant, aucun mouvement de fond ne semble émerger pour maîtriser la situation. Au lieu de cela, je vois que la tendance à plus de déploiements cloud persiste sans qu’il y ait une bonne compréhension de la valeur commerciale qui devrait en résulter. L'accent mis sur le retour sur investissement du cloud doit passer des simples améliorations opérationnelles de l’IT à des résultats commerciaux tangibles. Cela signifie qu'il faut penser différemment et concevoir de meilleurs systèmes d’évaluation. Nombreux sont ceux qui ont peut-être déjà compris que la valeur commerciale du cloud n'était pas au rendez-vous, mais personne ne veut être le messager de mauvaises nouvelles. Je crois fermement qu'il faut reconnaître ses erreurs, surtout quand la vérité peut sauver l'entreprise. Ce n'est qu'en mesurant le succès de la migration vers le cloud au-delà de l’IT que les entreprises peuvent espérer libérer tout le potentiel du cloud. Le chemin à parcourir est semé d'embûches, mais aussi d'opportunités pour ceux qui sont prêts à remettre en question, à s'adapter et à voir autrement ce que le cloud peut réellement offrir. Pour ma part, je pense qu'il est temps. Et vous ?
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