La loi de Moore - le nombre de transistors dans une puce double environ tous les deux ans tandis que les coûts sont réduits de moitié - semble avoir oublié les mainframes. Dans le monde des mainframes, l’IT est de plus en plus chère, tout simplement parce que les clients n’ont pas eu d'autre choix. Jusqu'à aujourd'hui, du moins. Après avoir ignoré pendant des années les applications mainframe, le cloud commence à empiéter sur le dernier bastion des fournisseurs. FedEx a annoncé que, d'ici à 2024, elle fermera ses datacenters et les mainframes qui s’y trouvent pour se tourner vers le cloud (probablement Microsoft Azure, d’après ses choix antérieurs). Outre une plus grande agilité, FedEx prévoit d'économiser 400 millions de dollars après ces fermetures. De plus en plus d'entreprises vont prendre ce chemin, ce qui signifie que les fournisseurs de cloud doivent également s'engager sérieusement à les aider à déplacer leurs charges de travail des mainframes. Reste à convaincre les décideurs informatiques… De manière très concrète, l’idée, pour y parvenir, est de rendre la décision à la fois très fastidieuse et très sécurisante pour les DSI.
Fastidieux et ennuyeux
La perspective de sortir avec une personne ennuyeuse, ou de regarder un film qui ne l'est pas moins est rarement séduisante. Mais un DSI ne rechignera pas à acheter une technologie ennuyeuse, bien au contraire. Car, une technologie « ennuyeuse » signifie aussi qu'elle fonctionne tout simplement correctement en garantissant de ne pas être dérangé en permanence par des alertes. À tort ou à raison, pendant des décennies, le mainframe a été synonyme d'ennui. Malheureusement, les mainframes sont de plus en plus ennuyeux dans le mauvais sens du terme, essentiellement parce qu’ils manquent de dynamisme, et c'est le défaut de tous les mainframes. Alors même que le monde s'oriente vers les microservices et le « tout en tant que service », les mainframes figent les entreprises dans leur infrastructure existante. Ils les obligent à fonctionner à une vitesse relativement lente. Mais ce côté terne et inintéressant ne les rend pas plus sûres.
Certains fournisseurs de mainframes ont essayé, sans succès, de convaincre le marché et leurs clients de faire évoluer leur mentalité de mainframe vers le cloud. Mais leur approche n’était pas la bonne. Á force de prétendre que leurs revenus provenant des mainframes sont en fait des revenus du cloud a fait obstacle au changement et maintenu les clients dans des systèmes hérités sans avenir. Comme l'a déclaré Charles Fitzgerald, investisseur et ancien cadre de Microsoft et de VMware, « cela fait un bail que les clients de mainframes n'ont pas profité d’incitation de prix de la part des fournisseurs de mainframes. Heureusement que le cloud arrive enfin. Chaque client devrait se tourner vers AWS ou Azure pour migrer une charge de travail de leur mainframe vers le cloud ».
Une charge de travail à la fois
Si, comme le suggèrent certaines estimations, 50 % ou plus des données d'entreprise se trouvent encore sur des mainframes, l'abandon des mainframes ne sera ni facile, ni rapide. Comme l'a souligné Rob Carter, le DSI de FedEx, le passage au cloud ne s'est pas fait du jour au lendemain. Cela fait une décennie que la migration a commencé, en supprimant les applications monolithiques les unes après les autres. Comme le laisse entendre M. Fitzgerald, la solution est peut-être aussi simple : commencer avec une seule charge de travail, puis se renforcer et acquérir les bonnes pratiques et la discipline nécessaires pour poursuivre à plus grande échelle. Mais le temps passe : Les employés qui ont les compétences requises (par exemple, la programmation Cobol, etc.) atteignent l’âge de la retraite et quittent le marché du travail. De plus, chaque dollar dépensé dans les mainframes est un dollar de moins pour l'innovation. Pour FedEx, le delta entre le cloud et les mainframes est de 400 millions de dollars, sans compter les autres avantages que l’entreprise tirera de l'abandon des mainframes, comme l'agilité commerciale. De plus, si le cloud favorise l’innovation, les mainframes la retarde.
La bonne nouvelle, c'est que les grands fournisseurs de cloud s'intéressent enfin sérieusement à la modernisation des mainframes. AWS, Microsoft et Google disposent tous d'outils et de processus pour aider les entreprises à migrer les applications mainframe vers leurs clouds respectifs. Ces outils devraient faciliter un processus parfois laborieux. Mais les fournisseurs de cloud ont besoin de quelque chose de plus, et c'est peut-être moins facile pour AWS ou Google que pour Microsoft : Ils doivent faire pression sur les DSI comme l'ont fait pendant des décennies les fournisseurs de mainframes. Si je mets Microsoft un peu à part, c’est que cela fait des lustres que l'entreprise est proche des DSI, ce qui est moins le cas d'AWS et de Google, toujours engagés dans une stratégie d'entreprise « old-school », un domaine où AWS a d’ailleurs une avance significative. Cette approche et le marketing à l'ancienne - tasses à café et golf - pourraient bien donner aux DSI le courage nécessaire de ne plus se plier à une marche forcée pour mettre à niveau leurs mainframes et s’engager dans un avenir cloud plus innovant.
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