Réunissant 150 parmi les plus grands comptes français, publics et privés, le Cigref (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises) veille à défendre l'idée d'un numérique responsable. Depuis toujours, cela passe par une informatique au service du business. Depuis un peu plus d'un an, cela passe aussi par la « sobriété numérique », objet d'un colloque en ligne organisé par le club le 26 novembre 2020. Comme le président de l'association, Bernard Duverneuil, l'a rappelé en ouverture, le numérique représente aujourd'hui environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre, quantité qui s'accroît de 8 % par an. En termes d'énergie, la dépense de l'IT augmente de 9 % chaque année. Le respect des objectif de la COP21 est tout simplement impossible dans ces conditions.
Or le numérique doit prendre sa part des efforts. Cela fait bien sûr partie des engagements sociétaux des entreprises. Et, très concrètement, l'image donnée en la matière a un impact fort sur le recrutement des jeunes talents comme sur celui de clients. Pour Bernard Duverneuil, il est indispensable que le numérique soit plus sobre, que son impact environnemental soit moindre. Cette « sobriété numérique », c'est, comme il l'a déclaré, d'abord « s'en tenir à ce qui est porteur de valeur pour l'entreprise ou la société ». En pratique, des initiatives multiples s'accumulent : réduire les impressions, les mails et les stockages inutiles de données (ce qui peut être utile en matière de conformité réglementaire d'ailleurs) mais aussi, à l'inverse, accroître la durée de vie des solutions (tant matérielles que logicielles) et ainsi éviter la course à la gourmandise en ressources. Depuis un an, le Cigref a un groupe de travail sur ce sujet qui a abouti à la publication d'un guide pour la sobriété numérique intitulé « Sobriété numérique : une démarche d'entreprise responsable ».
Nouveau pacte Cigref/Syntec
Administratrice du Syntec Numérique, le syndicat professionnel des fournisseurs IT, en plus d'être co-présidente de la SSLL Alterway, Véronique Torner a, au cours du colloque, présenté l'initiative Planet Tech'Care dont elle est en charge. Celle-ci fait partie des nombreuses collaborations entre Cigref et Syntec, rejoints ici par une dizaine de partenaires, une précédente étant le Pacte pour le Numérique. Si le numérique transforme notre vie quotidienne, tant personnelle que professionnelle, depuis des décennies, le changement s'est accéléré avec la crise sanitaire Covid-19. Désormais, même des secteurs qui résistaient, comme le commerce de proximité, sont obligés de se transformer pour survivre. « Même s'il ne peut pas y avoir de transition écologique sans transition numérique, le numérique est à la fois poison et potion » a martelé Véronique Torner. Se voulant une dynamique pour un numérique éco-responsable, ce programme a été inauguré et soutenu par deux membres du gouvernement, le secrétaire d'État au numérique, Cédric O, et la ministre à la Transition Ecologique, Barbara Pompili. A ce jour, sur la plate-forme en ligne de l'initiative Planet Tech'Care, 154 entreprises ou acteurs de la formation ont signé la charte Planet Tech'Care.
Le colloque a bien sûr été l'occasion de revenir sur le rapport « Sobriété numérique : une démarche d'entreprise responsable » ainsi que sur le groupe de travail qui en est à l'origine, réunissant des représentants très impliqués de 45 entreprises. Celui-ci poursuit d'ailleurs ses réflexions, toujours avec une vision pragmatique pour orchestrer en pratique la sobriété numérique dans les entreprises. L'initiative sur la sobriété numérique du Cigref est représentée à l'élection du Stratège IT de l'année au travers du copilote du groupe de travail, Christophe Boutonnet.
Des pratiques nécessaires et pas seulement pour l'écologie
Toujours soucieux de défendre ses membres, le Cigref profite bien sûr de l'occasion des travaux sur la sobriété numérique pour rappeler son attachement à la lutte contre les dépenses inutiles. L'obsolescence programmée des solutions numériques, matérielles comme logicielles, est à la fois un désastre écologique et un désastre économique pour les entreprises utilisatrices. En période de crise économique majeure, rappeler que l'économie et l'écologie font naturellement bon ménage n'est jamais perdu. Plusieurs entreprises (La Poste L'Oréal, Air France, Axa...) ont rappelé que la sobriété numérique devait aussi s'inscrire dans la politique d'achat IT. Muriel Barnéoud, directrice de l'Engagement Sociétal au sein du Groupe La Poste, a ainsi soutenu que « la puissance d'achat est aussi là pour changer le monde ». Il faut savoir ajouter des clauses adéquates dans les appels d'offres.
Véronique Torner a rappelé qu'il n'était plus temps d'attendre : « face aux urgences d'agenda, notamment les échéances réglementaires européennes, il faut se demander comment accélérer et, déjà, mesurer. » Or la mesure n'est pas simple. Les études s'accumulent et se contredisent. Envoyer un e-mail « vaut »-il 20 grammes ou 0,3 gramme de CO² ? Or, c'est bien connu, on ne pilote bien que ce que l'on mesure bien. Le défi est donc très loin d'être gagné.
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