Les phénomènes d'obsolescence logicielle et matérielle pénalisent de plus en plus les organisations utilisatrices du numérique, aussi bien en termes de sécurité, de maîtrise des coûts, de limitation des impacts environnementaux que de préservation des ressources. Ce constat a incité le Cigref à lancer une task force confiée à Olivia Bertout, en charge du programme de responsabilité sociétale du groupe Adeo. Ce groupe de travail vient de publier deux livrables, l'un contenant des recommandations pour les entreprises utilisatrices, l'autre regroupant 29 recommandations destinées aux fournisseurs.
L'obsolescence, définie comme la dépréciation d'un matériel ou d'un équipement avant son usure matérielle, traduit une perte prématurée de valeur d'usage, et donc économique. « La prise de conscience actuelle de l'impact environnemental du numérique force à questionner cette perte de valeur, dont une partie provient du renouvellement (trop) fréquent des matériels et des logiciels », écrit Olivia Bertout en introduction des deux livrables. Face à ces enjeux, il est temps pour le Cigref d'ouvrir une base de réflexion commune, afin d'oeuvrer aussi bien du côté des utilisateurs que des fournisseurs à réduire ces phénomènes d'obsolescence aux lourds impacts.
Revoir la mesure de la performance économique des logiciels et matériels
Le rapport destiné aux organisations utilisatrices présente ensuite un ensemble de recommandations destinées en premier lieu aux directions achats et DSI. Elles visent tout d'abord à mettre en place des politiques d'achats numériques responsables, par exemple en sélectionnant les fournisseurs les plus engagés ou en prévoyant des critères de durabilité, de réparabilité ou d'écoconception et frugalité, selon les typologies d'achats. Ensuite, elles s'intéressent à la sensibilisation des équipes IT et incitent à questionner les manières d'opérer au sein des DSI. Pour lutter contre l'obsolescence logicielle, il s'agit par exemple de disposer des compétences techniques permettant de maintenir les applications dans le temps ou d'établir des standards de conception lors du développement. Face à l'obsolescence matérielle, le rapport préconise entre autres de privilégier le reconditionné au neuf, de systématiser la maintenance préventive et de développer le réemploi interne. Enfin, le rapport destiné aux utilisateurs propose de revoir la façon de mesurer la performance économique des logiciels et matériels, en réalisant par exemple une analyse de coût du cycle de vie complet et multicritères lors de la phase d'achats, ou en pondérant les bénéfices financiers du renouvellement de matériel en fonction du temps humain nécessaire, du poids DEEE (impact RSE, bilan carbone) et du bénéfice métier.
Le second livrable contient quant à lui 29 propositions pour les fournisseurs, organisées autour de quatre grands axes. Le premier concerne la limitation des effets d'interdépendance logiciel - matériel. Il s'agit par exemple de baisser l'exigence matérielle pour les montées de versions logicielles, un point sur lequel le Cigref, conjointement avec trois autres associations européennes d'utilisateurs, a récemment interpellé Microsoft. Le deuxième axe porte sur l'allongement des durées de supports techniques et des mises à jour de sécurité, des exigences qui figurent également dans la proposition de loi Chaize, ainsi que dans le projet de réglementation européen « Ecodesign ». Pour le Cigref, assurer la sécurité des applications dans le temps et dissocier le prérequis de sécurité des mises à jour évolutives des logiciels deviennent une nécessité environnementale. Le troisième axe vise à développer l'autonomie des utilisateurs, en redonnant notamment à ces derniers la maîtrise sur l'installation et la configuration de logiciels et fonctionnalités qui ne lui sont pas indispensables. Enfin, le dernier vise plus spécifiquement les constructeurs et fabricants d'équipements, en appelant ces derniers à développer des services de reprise, réparabilité et recyclage. Le rapport les invite également à élaborer un système de traçabilité permettant de s'assurer que la chaîne de recyclage est respectée et réellement vertueuse, à afficher un indice de durabilité ainsi qu'un taux de recyclabilité, ou encore à informer l'utilisateur a minima de l'empreinte carbone issue de la fabrication des matériels, et idéalement de l'empreinte globale.
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