Personne ne doute que la transformation numérique du secteur public et des services publics est en cours. L'ampleur de cette transformation, les budgets qui y sont consacrés et les conséquences importantes tant financières qu'humaines justifient que l'un des deux tomes du Rapport Public Annuel 2020 de la Cour des Comptes soit entièrement consacré à ce sujet. Et même dans le premier tome, la transformation numérique reste un sujet.
Ainsi, le premier tome comporte un chapitre « Le service postal face à la baisse du courrier : des transformations à poursuivre ». La Cour s'y réjouit que La Poste a développé des adaptations importantes de sa branche courrier-colis-services, notamment en développant des services, mais que plusieurs améliorations mériteraient d'être apportées. Le bilan social annuel de cette branche devrait ainsi comporter des données spécifiques sur la population des facteurs, celle dont le métier est le plus impacté par la transformation en cours. La Cour appelle à accroître l'interactivité avec les usagers pour faciliter la remise des objets suivis ainsi qu'à développer des outils numériques d'assistance sur le terrain visant à simplifier et accélérer les tournées des facteurs.
Un satisfecit avec des réserves
Le rôle de la Cour étant de veiller au meilleur emploi possible des deniers publics, même les satisfecits sont accompagnés de recommandations et de pistes d'améliorations. « Plusieurs chapitres [du Rapport Public Annuel] montrent qu'un bon usage du numérique peut améliorer sensiblement l'efficacité des acteurs publics » note ainsi la Cour. Dématérialisation, intelligence artificielle, téléprocédures, Internet des Objets, Big Data, Open Data... allègent les tâches bureaucratiques des agents, ce qui permet de déployer ceux-ci sur des travaux à meilleure valeur ajoutée, et permettent de mettre en oeuvre de nouveaux services.
Mais des difficultés demeurent. La Cour observe ainsi : « l'équilibre reste difficile à trouver pour les acteurs publics entre protection de la vie privée et ouverture des données », pointant des conformités au RGPD pas toujours parfaites. Côté ressources humaines, la Cour maintient qu'il existe des « carences en personnel qualifié [des] services informatiques », même dans les administrations les plus prestigieuses, le cadre rigide de la Fonction Publique restant l'une des explications. Enfin, la Cour rappelle que la transformation numérique ne saurait se limiter à une simple informatisation de l'existant : la refonte des procédures est malheureusement parfois insuffisante pour que le numérique puisse donner tous ses fruits. Ces lourdeurs inutiles ont, par exemple, été à l'origine de la « crise des cartes grises ».
Les programmes importants font les échecs importants
La transformation numérique repose beaucoup sur de grands programmes d'investissements massifs, tant en matériels qu'en logiciels. Mais la Cour souligne la nécessité de ne pas négliger la maintenance des outils existants, parfois très anciens (notamment à Pôle Emploi et la DGFiP), qui assurent l'essentiel des tâches massives. Certains programmes se caractérisent par une ergonomie pour le moins perfectible qui peut être particulièrement préjudiciable aux citoyens les moins à l'aise avec le numérique (par exemple la numérisation de la demande de logement social). Enfin, certains investissements pourraient être mieux consolidés, ce point particulier étant un sujet d'attention déjà identifié par la DINUM et les différentes DNum ministérielles.
Enfin, tout un chapitre est consacré au projet SIRHEN dont le titre est parlant : « Le système d'information des ressources humaines de l'Éducation nationale : une modernisation dans l'impasse ». Un budget initial de 60 millions d'euros qui a dérivé jusqu'à 400 millions pour un projet finalement abandonné : la Cour n'est pas la seule à s'étouffer. Dès 2016, elle avait pourtant lancé une procédure de référé pour alerter le ministère concerné des dérives de ce projet mal piloté. Il a fallu consolider en catastrophe les systèmes historiques après douze années d'échecs. Et la Cour recommande de poursuivre la consolidation des SIRH pour éviter un désastre, sans oublier la nécessité de définir une nouvelle trajectoire de modernisation.
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