Quelle est la maturité des organisations françaises en matière d'usages de la donnée ? C'est ce que tente de mesurer une étude menée par Odoxa pour Opendatasoft. Dévoilée à l'occasion de l'inauguration des nouveaux locaux de l'éditeur français, spécialiste du partage de données, cette étude montre à la fois le volontarisme des décideurs interrogés, mais aussi les difficultés rencontrées dans ce qui apparaît comme une transformation de la culture de la plupart des entreprises.
85% des décideurs interrogés affirment ainsi que l'utilisation des données est un axe de développement important de leur organisation. 39% y voient même un enjeu prioritaire. Et trois quarts des répondants ou davantage associent aux usages avancés des données des bénéfices clairs : accélération de la transformation numérique, innovation, amélioration des performances des collaborateurs, transparence, prises de décision plus éclairées. En toute logique, l'organisation des entreprises et administrations s'est adaptée pour intégrer des compétences à même de répondre à cette priorité accordée à la donnée : 76% d'entre elles ont recruté des responsables chargés de l'accès et de la diffusion de la donnée, 68% en ont fait de même pour établir les règles de gouvernance entourant les usages et 65% ont embauché un responsable de la diffusion de la culture data. Des proportions qui sont même supérieures de plusieurs points à la moyenne si on se focalise sur les seules organisations de plus de 5000 personnes.
Des décisions basées sur les données : 20% des entreprises seulement
Mais, si les intentions sont là, la mise en pratique patine, souligne Odoxa. Moins d'un tiers des organisations estiment disposer des ressources nécessaires pour encourager les usages de la donnée. Et le partage de données lui-même reste lacunaire : seuls 35% des décideurs affirment que leur organisation partage toutes ses données avec ses collaborateurs. Par ailleurs, la culture de la data peine à réellement se diffuser. Illustration : seuls 20% des décideurs estiment que les décisions prises au sein de leur organisation sont systématiquement fondées sur une analyse des données à disposition. Plus souvent, c'est la perception des dirigeants qui prévaut.
Si la transformation est donc loin d'être achevée, près de trois décideurs sur quatre entendent poursuivre les efforts entrepris, et visent un fonctionnement au sein duquel les décisions seraient exclusivement prises sur la base de données partagées dans l'organisation. Les principaux leviers pour y parvenir ? Insister sur la formation des collaborateurs, faire preuve de pédagogie et... recruter encore des spécialistes des usages de la donnée.
Se focaliser trop tôt sur le ROI ? Une erreur
Chief Data Officer (CDO) de Schneider Electric depuis trois ans et demi, Aurélie Bergugnat voit dans le virage vers la donnée une forme de réinvention des activités de sa société : « Et, en 150 ans d'existence, Schneider Electric a déjà su se réinventer un certain nombre de fois. Pour y parvenir, nous devons construire des ponts entre des métiers très différents. » Également responsable de la performance groupe, la CDO et ses équipes ont bâti des références communes pour les différents métiers. « Mettre en place une gestion cohérente de la donnée entre des activités très éloignées - industrie, services, logiciel - masque de réelles complexités, souligne-t-elle. Nous avons fait le choix d'un Data Office central avec un agenda et des incitations partagés. Mais la contextualisation de la donnée est laissée aux métiers. » Un modèle hybride donc, au sein duquel la donnée est rattachée à la gouvernance groupe. « Nous sommes une des rares entreprises du CAC 40 à avoir fait ce choix », souligne la CDO.
Et cette transformation nécessite à la fois des investissements et du temps. « Être trop court-termiste et focalisé sur le ROI serait une erreur », plaide Nouamane Cherkaoui, auteur en 2022 d'un ouvrage sur l'entreprise Data Driven (Le nouvel horizon de la transformation digitale : 9 piliers pour développer une stratégie Data Driven, chez Dunod) et par ailleurs directeur de la transformation de BPCE Solutions Informatiques. « Il faut avoir conscience qu'il y a un minimum d'investissements nécessaire afin de poser les fondations. L'enjeu, c'est que les utilisateurs puissent avoir confiance dans les données partagées », reprend Aurélie Bergugnat. Sans toutefois aller forcément jusqu'à la perfection en la matière. « A chaque fois que nous avons visé 100% de données parfaites, nous avons rencontré des difficultés, observe Samuel Tajtelbom, directeur de l'immobilier au sein d'ICF Habitat, un bailleur social appartenant à la SNCF. Désormais, nous nous efforçons de faire correspondre le niveau de services aux usages. »
Globalement, Odoxa estime dans son étude que seules 21% des organisations peuvent être décrites comme Data Centric. « Autrement dit, comme des entreprises qui utilisent la donnée pour définir leur stratégie. A ne pas confondre avec les entreprises Data Driven, où c'est la donnée elle-même qui établit la stratégie », explique Nouamane Cherkaoui.
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