En guerre contre les sites de partage de vidéo depuis deux ans, l'humoriste Jean-Yves Lafesse vient de perdre une bataille. Le tribunal de grande instance de Paris a en effet éconduit, le 24 juin, le comédien dans sa demande de réparation après que plusieurs extraits de ses oeuvres avaient été mis en ligne sur Google Video sans son consentement. Un jugement important pour la valeur juridique de l'adresse IP. Au-delà de l'issue de cette affaire, ce sont les éléments sur lesquels se sont appuyés les magistrats qui méritent une attention particulière. En particulier, le jugement vient rappeler le régime de responsabilité s'appliquant à un hébergeur, tel que l'a prévu la loi pour la confiance dans l'économie numérique. Celle-ci dispose, comme l'ont rappelé les juges, que l'hébergeur n'a pas d'obligation générale de surveillance des contenus qu'il accueille, mais qu'il doit retirer promptement tout élément illicite dès lors qu'il lui a été signalé. Il doit en outre prendre les mesures nécessaires pour que les éléments litigieux ne réapparaissent pas et conserver des données permettant d'identifier les utilisateurs indélicats. Parmi les reproches formulés par Jean-Yves Lafesse à Google, figurait notamment le maintien en ligne des vidéos soumises au droit d'auteur et l'absence de collecte de données permettant d'identifier les auteurs des mises en ligne. Deux griefs que les juges ont balayés en se basant, pour la première récrimination, sur le fait que Lafesse n'avait pas indiqué précisément les faits litigieux. Surtout, sur le manquement à l'identification des auteurs, le tribunal a rejeté le recours de l'humoriste en soulignant que Google avait bel et bien collecté les données relatives aux internautes auteurs des mises en ligne en récoltant leurs adresses IP. Selon les magistrats, « l'adresse IP est une donnée personnelle puisqu'elle correspond à un numéro fourni par un fournisseur d'accès à Internet identifiant un ordinateur connecté au réseau [...] Au regard de la technique existante, cette adresse apparaît être le seul élément permettant de retrouver la personne physique ayant mis en ligne le contenu. » La jurisprudence française éloignée des positions européennes Ce dernier point est d'une importance majeure dans le droit français puisqu'il vient s'inscrire en contradiction avec une jurisprudence constante établissant que l'adresse IP ne saurait être considérée comme une donnée personnelle. Les jugements des 27 avril et 15 mai 2007, par exemple, ont permis à la cour d'appel de Paris de poser le principe selon lequel « l'adresse IP ne permet pas d'identifier la ou les personnes qui ont utilisé [un] ordinateur » et que « cette série de chiffres ne constitue en rien une donnée indirectement nominative relative à la personne dans la mesure où elle ne se rapporte qu'à une machine ». En janvier dernier, c'était au tour de la Cour de cassation de confirmer cette position et d'affirmer que l'adresse IP n'est pas une donnée personnelle dès lors que sa collecte n'est pas réalisée à l'aide d'un traitement automatique. En se posant en contradiction avec ces principes, pourtant édictés par des autorités judiciaires de degrés supérieurs, le TGI de Paris se rapproche des positions soutenues par les juridictions européennes. En 2007, le G29 (rassemblement des Cnil européennes) rendait ainsi un avis allant dans le sens d'une reconnaissance du caractère personnel à l'adresse IP. L'année suivante, la Cour de justice des communautés européennes, dans son arrêt Musicae, reprenait cette position et même la Commission européenne peut être considérée comme un soutien du caractère personnel de l'adresse IP dans une directive de 1995.
La justice française tente de reconnaître l'adresse IP comme une donnée personnelle
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