Echappant à tout contrôle des instances bancaires et financières traditionnelles, les cryptomonnaies ne bénéficient pas du même niveau de confiance - ou de défiance - suivant les régions du globe. Alors que la Chine et la Corée du Sud ont clairement pris leurs distances vis à vis des monnaies virtuelles, aux Etats-Unis le Chicago Board Options Exchange n'a pas hésité à se jeter dans le bain en lançant le premier marché à terme Bitcoin. D'un naturel méfiant, l'Europe et la France ont - comme à leurs habitudes -dégainé experts et rapporteurs pour tenter de définir la meilleure ligne de conduite à adopter face à l'effervescence autour des cryptomonnaies, avec en point de mire leur régulation.

Au dernier G20 en février dernier, le ministre de l'Economie et es Finances Bruno Le Maire et son homologue allemand Peter Altmaier ainsi que le gouverneur de la banque centrale française François Villeroy de Galhau et le président de la Banque fédérale allemande Jens Weidmann ont convergé pour un alignement réglementaire des cryptomonnaies. En début d'année, Bruno Le Maire avait par ailleurs également missionné l'ancien sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, afin d'évaluer les risques de spéculation et les possibles détournements financiers liés à l'une des plus célèbres cryptomonnaie, le Bitcoin.

Des risques avérés de piratage de portefeuilles électroniques

En tant qu'acteur au premier rang concerné, la Banque de France vient de publier un rapport concernant les enjeux, risques et perspectives relatifs à l'émergence du bitcoin et des autres « crypto-actifs ». Rappelant que du point de vue juridique ces derniers ne sont pas reconnus comme monnaie ayant courd légal ni comme moyen de paiement, l'institution n'a pas manqué de pointer du doigt les risques liés aux usages des cryptomonnaies. « L’anonymat qui caractérise les mécanismes d’émission et de transfert de la plupart des crypto‑actifs favorise avant tout un risque d’utilisation de ces actifs à des fins criminelles (vente sur internet de biens ou services illicites) ou à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme », indique la Banque de France. « En France, l’organisme Tracfin identifie l’utilisation de crypto‑actifs, notamment le bitcoin, comme étant à l’origine d’un risque spécifique en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. »

Evoquant par ailleurs l'existence de risques avérés de piratage de portefeuilles électroniques permettant de stocker ces crypto-actifs, la Banque de France précise qu'en cas de vol par des pirates informatiques, leurs détenteurs n'ont aucun recours. « Une réglementation des activités liées aux crypto-actifs est souhaitable pour quatre motifs principaux : la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme – qui apparaît hautement prioritaire –, la protection des investisseurs, la préservation de l’intégrité des marchés, y compris face au cyber risque, et enfin, en cas de poursuite de l’essor de ces activités, les préoccupations de stabilité financière », peut-on lire dans le rapport. Parmi les préconisations avancées : la mise en place d'un statut de prestataires de services en crypto-actifs, l'interdiction des activités de dépôts et de prêts en crypto-actifs ainsi qu'un strict encadrement des placements.

Identifier les problèmes des actifs cryptographiques au niveau européen

« Compte tenu du caractère dématérialisé des crypto-actifs et de l’utilisation de technologies liées au monde de l’internet qui facilitent la fourniture de services de façon transfrontalière, l’hétérogénéité des réglementations nationales pourrait empêcher une pleine maîtrise des risques induits. Ainsi, il apparaît nécessaire aujourd’hui de porter le débat sur la régulation des crypto-actifs au niveau international », poursuit la Banque de France. Un message qui semble avoir été reçu 5 sur 5 du côté de la Commission Européenne qui a annoncé deux jours après la publication du rapport de l'institution française, un plan d'action pour créer un marché unique numérique dans lequel l'encadrement des cryptomonnaies a toute sa place. « La Commission a déjà créé un Observatoire-forum des chaînes de blocs de l'UE. Elle présentera, dans le courant de l'année 2018, un rapport sur les problèmes et les potentialités des actifs cryptographiques et elle élaborera une stratégie globale en matière de technologie des registres distribués et de chaînes de blocs, couvrant tous les secteurs de l'économie. »