Convaincue de l’importance des outils numériques pour intégrer les déficients visuels dans l’emploi et le monde du travail, la Fondation Valentin Hauÿ a créé l’incubateur de projets Access’Lab. Son étude menée en 2021 auprès d’entreprises et d’employés handicapés a confirmé l’intérêt de ses outils, mais aussi l’importance de la formation.
Pour aider les déficients visuels à trouver et garder un emploi, la Fondation Valentin Hauÿ mise sur les solutions numériques à leur disposition. Pour cela, elle a créé Access’Lab, un incubateur de projets dédié. La vocation de la fondation née en 2012 est en effet l’inclusion sociale et professionnelle des personnes handicapées visuelles. « Nous sommes convaincus que le numérique est un des principaux moyens d’apporter de l’aide aux déficients visuels dans le travail », insiste Karine Moisan, directrice du développement. La fondation alloue un budget annuel total d’environ 500 000 euros aux projets sélectionnés, et met à disposition de leurs porteurs, l’expertise de ses membres à la fois sur le handicap et sur les technologies existantes. Pour accompagner sa démarche, la fondation a réalisé début 2021 une étude sur le handicap visuel, l’emploi et le numérique auprès d’équipes RH et de collaborateurs déficients visuels en entreprise.
Quatre premiers projets incubés
Access’Lab incube déjà 4 projets. Intégra11y est une formation au métier d’intégrateur web, en téléprésentiel et accessible, créé par l’école O’Clock et l’éditeur Tanguru. N-Vibe est un bracelet GPS vibrant créé par deux ingénieurs. Plus atypique, le projet ActifsDV est un service d’accompagnement élaboré par l’association apiDV qui comprend un volet de promotion de solutions numériques accessibles. Enfin, Access’Lab a lui-même démarré un projet de sensibilisation au handicap visuel par la réalité virtuelle, qui simule différentes pathologies.
« En France, il est difficile de savoir combien de personnes sont déficientes visuelles ou quel est le niveau de gravité de leur handicap », regrette cependant Christian d’Aboville, directeur de la fondation. Plusieurs raisons à cela. Pour commencer, la collecte de ce type d’informations n’est pas autorisée en France. ¨Par ailleurs, par peur d’être stigmatisés dans le monde du travail, nombre de déficients visuels ne s’identifient pas en tant que tels. Si l’on en croit la fondation, le pays compterait entre 2 et 6 millions de handicapés visuels en fonction des sources, dont un peu plus de 207 000 personnes aveugles. Et la moitié des déficients visuels adultes seraient demandeurs d’emploi.
Une enquête qualitative auprès de 57 entreprises
Pour tenter de mieux cerner la situation au moins d’un point de vue qualitatif, la fondation Valentin Hauÿ a réalisé en 2021 une enquête sur le handicap visuel, l’emploi et le numérique, auprès de 36 membres d’équipes DRH (dont 22 missions handicap) et de 21 collaborateurs déficients visuels. Les sondés sont issus de 57 entreprises parmi lesquelles Radio France, la région Île-de-France, Accenture, Cap Gemini, Essilor, IBM, Malakoff Humanis, Crédit Agricole, Air Liquide, Nestlé, Yves Rocher, Engie, ou Prisma Média. Tous les répondants ont été interrogés par téléphone durant plus d’une heure.
Une formation insuffisante aux technologies
83% des déficients visuels sondés considèrent les technologies comme un facteur d’intégration qu’il s’agisse du grossissement de l’écran avec des solutions comme ZoomText, de la synthèse vocale ou plus généralement des fonctions sur smartphone comme le guidage Audiospot, la navigation en ligne du Localisateur ou le bracelet N-Vibe. Le tout va de pair avec un clavier et un téléphone adaptés, un environnement en lumière tamisée éloigné d’une vitre et calme.
Cependant, l’étude fait aussi apparaître plusieurs bémols importants. En l’absence de formation, par exemple, les technologies peuvent paradoxalement devenir des freins à l’employabilité. 58% des répondants à l’étude se disent pourtant intéressés par une formation. Et 72% sont bel et bien accompagnés, mais par une association et non leur entreprise. La Fondation Valentin Hauÿ considère aussi l’alternance comme un moyen idéal pour intégrer les personnes souffrant d’une déficience visuelle. 26% des répondants estiment qu’un stage ou une alternance constituent effectivement un atout.
Peu de sensibilisation aux handicaps visuels dans les entreprises
Les sociétés interrogées pointent aussi les difficultés d’interfaçage des logiciels comme SAP par exemple. Pour Laurent Dordain, responsable mission handicap et délégué général Fape (Fondation Agir pour l’Emploi) Engie, « les mesures de sécurité imposées par les DSI empêchent aussi parfois de connecter facilement les outils personnels des déficients visuels, comme les claviers Braille ou la synthèse vocale. » Pour Karine Moisand, il s’agit aussi de la conséquence d’une trop faible implication de directions transverses comme la DRH ou la DSI.
Selon l’étude de la fondation, 61% des missions handicap consultées avouent d’ailleurs ne disposer d’aucune démarche spécifique sur le handicap visuel. Laurent Dordain pointe effectivement le déficit de formation sur le sujet dans les entreprises. « Certaines entreprises comme Total ou Engie entament des démarches de sensibilisation, note-t-il néanmoins. Nous avons par exemple des ambassadeurs déficients visuels qui sont les interlocuteurs de nos employés sur toutes les questions qu’ils auraient. » Parmi les témoignages recueillis dans l’étude, le responsable de la mission handicap du groupe La Poste évoque la formation en e-learning conçue par l’entreprise pour donner en particulier aux managers de premières clés sur le sujet.
La peur de la stigmatisation dès la formation initiale
La formation initiale est considérée dans 62 % des réponses comme un facteur favorisant l’entrée dans la vie professionnelle. « Beaucoup de jeunes déficients visuels renoncent pourtant à entamer des cursus poussés, quels qu’ils soient, explique Karine Moisand, toujours par crainte de ne pas y arriver et d’être stigmatisés. » Et selon Laurent Dourdin d’Engie, les déficients visuels ne représentent que 1% aux niveaux M1 et M2. « Pour mieux comprendre le phénomène, notre prochaine enquête l’an prochain portera sur ces sujets et sera menée auprès des 18-25 ans. »
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