La jurisprudence autour du droit à l'oubli se peaufine petit à petit. Et c'est encore Google qui fait les frais de cet ajout. La Cour de justice de l’Union européenne vient de décider que le groupe devra supprimer les résultats de recherche erronés. Dans un arrêt de la Cour dans l’affaire C-460/20 impliquant la firme américaine et deux dirigeants d’un groupe de sociétés d’investissement, l'institution indique dans un communiqué que « l’exploitant du moteur de recherche doit déréférencer des informations figurant dans le contenu référencé lorsque le demandeur prouve qu’elles sont manifestement inexactes ». L’affaire a été initialement portée devant la justice par deux dirigeants d’un groupe de sociétés d’investissements qui ont demandé à Google de déréférencer des résultats lors d’une recherche effectuée à partir de leurs noms, reprenant des liens vers certains articles qui présentent de manière critique le modèle d’investissement de ce groupe.
Les deux représentants de la société font valoir que ces articles contiennent des allégations inexactes. De plus, ils demandent à Google que des photos d’eux, affichées sous la forme de vignettes (thumbnails), soient supprimées de la liste des résultats d’une recherche d’images effectuée à partir de leurs noms. Cette liste n’affichait que les vignettes en tant que telles, sans reprendre les éléments du contexte de la publication des photos sur la page Internet référencée. Autrement dit, le contexte initial de la publication des images n’était ni indiqué ni autrement visible lors de l’affichage des vignettes. Google a refusé de donner suite à ces demandes, en renvoyant au contexte professionnel dans lequel s’inscrivaient ces articles et photos et en arguant qu’elle ignorait si les informations contenues dans les articles sont exactes ou non.
Le droit à l’effacement dit « droit à l’oubli » pointé du doigt
Ni une ni deux, la Cour fédérale de justice allemande, saisie de ce litige, a demandé à la Cour de justice d’interpréter le RGPD, qui régit notamment le droit à l’effacement (« droit à l’oubli »). Dans son arrêt du 8 décembre 2022, la Cour rappelle ainsi que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu mais doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux. Ainsi, le RGPD prévoit expressément que le droit à l’effacement est exclu lorsque le traitement est nécessaire à l’exercice du droit relatif, notamment, à la liberté d’information. Elle ajoute que les droits de la personne concernée à la protection de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel prévalent, en règle générale, sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à l’information en question.
Dans le cas présent, les deux demandeurs du déréférencement ont présenté des éléments de preuve pertinents et suffisants, aptes à étayer leur demande et établissant le caractère manifestement inexact des informations figurant dans le contenu référencé. De facto, Google est tenu de faire droit à cette demande. S’agissant de l’affichage des photos sous la forme de vignettes, la Cour précise que cela constitue « une ingérence particulièrement importante dans les droits à la protection de la vie privée et des données à caractère personnel de cette personne ». Reuters précise : « Google a déclaré que les liens et les vignettes en question n'étaient plus disponibles via la recherche sur le Web et la recherche d'images et que le contenu était hors ligne depuis longtemps ».
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