En économie, les concepts de biens publics et de biens communs datent de plusieurs décennies et présentent des similitudes avec l'open source. Les biens publics et les biens communs sont ce que les économistes appellent des biens non exclusifs, ce qui signifie qu'il est difficile d'empêcher les gens de les utiliser. Par exemple, tout le monde peut bénéficier des lieux de pêche, qu'il contribue ou non à leur entretien. En termes simples, ces types de bien sont libre d’accès.
Les biens communs induisent une rivalité : si un individu attrape un poisson et le mange, un autre ne pourra pas. En revanche, les biens publics n’induisent pas cette concurrence : quelqu'un qui écoute la radio n'empêche pas les autres de l'écouter.
Non-exclusivité et non-rivalité
On pourrait croire que les projets open source sont des biens publics. Tout le monde peut utiliser des logiciels open source (non-exclusivité), et quelqu'un qui utilise un projet au code ouvert n'empêche pas quelqu'un d'autre de l'utiliser (non-rivalité). Cependant, à travers le prisme des entreprises, ces projets sont également des biens communs. Tout le monde peut utiliser des logiciels open source (non-exclusivité), mais lorsqu'un utilisateur final devient client de la société A, il est peu probable que ce dernier devienne client de la société B (rivalité).
La distinction entre « les logiciels open source étant des biens publics » et « les clients open source étant des biens communs » peut être étendue au problème du parasite. Nous définissons les parasites de logiciels comme ceux qui utilisent le logiciel sans jamais contribuer en retour, et les parasites de clients (ou preneurs) comme ceux qui recrutent des clients sans donner en retour.
Les subtilités des projets open source
Toutes les communautés open source devraient encourager le parasitisme des logiciels. Parce que le logiciel est un bien public (non-rivalité), un utilisateur non-contributeur n'exclut pas les autres d'utiliser le logiciel. Par conséquent, il est préférable d'avoir une personne qui utilise votre projet open source plutôt que le logiciel de votre concurrent. De plus, un parasite de logiciels rend plus probable que d'autres personnes utilisent votre projet open source (grâce au bouche-à-oreille ou autre). Ce type d’utilisateur peut donc avoir des effets de réseau positifs sur un projet.
Cependant, lorsque le succès d'un projet open source dépend largement d'un ou plusieurs sponsors, la communauté open source ne doit pas oublier ou ignorer que les clients sont un bien commun. Parce qu'un client ne peut pas être partagé entre plusieurs entreprises, c'est très important pour un projet de ce genre de savoir ce client se retrouve. Lorsque ce dernier s'inscrit auprès d'un fournisseur, un certain pourcentage des revenus qu’il apporte sera réinvesti dans le projet open source. Lorsqu'un utilisateur final s'inscrit auprès d'un preneur, le projet ne peut en bénéficier. En d'autres termes, les communautés open source devraient trouver des moyens d'acheminer les clients vers les fournisseurs.
Les individus n’agiront pas pour réaliser leur intérêt commun
Des centaines de documents de recherche et d'ouvrages ont été écrits sur la gouvernance des biens publics et des biens communs. La « tragédie des biens communs » de Garrett Hardin et les travaux de Mancur Olson sur l'action collective comptent parmi les recherches les plus instructives. Tous deux concluent que les groupes ne s'auto-organisent pas pour maintenir les biens communs dont ils dépendent. « À moins que le nombre d'individus ne soit assez faible, ou à moins qu'il n'y ait coercition ou tout autre dispositif spécial pour obliger les individus à agir dans leur intérêt commun, les individus rationnels et intéressés n'agiront pas pour réaliser leur intérêt commun ou collectif », écrit Mancur Olson dans son livre, « The Logic of Collective Action ».
En accord avec le dilemme du prisonnier, Garrett Hardin et Mancur Olson montrent que les groupes n'agissent pas selon leurs intérêts communs. Les membres sont découragés de cotiser lorsque d'autres membres ne peuvent pas être exclus des avantages sociaux. Il est rationnel, sur le plan individuel, que les membres d'un groupe profitent librement des contributions des autres.
Un agent externe nécessaire
Des dizaines d'universitaires soutiennent qu'un agent externe est nécessaire pour résoudre le problème du parasite. Les deux approches les plus courantes sont la centralisation et la privatisation. Lorsqu'un bien commun est centralisé, le gouvernement prend en charge le maintien du bien commun. Le gouvernement ou l'État est l'agent extérieur. Lorsqu'un bien public est privatisé, un ou plusieurs membres du groupe reçoivent des avantages sélectifs ou des droits exclusifs sur ce bien commun en échange de son entretien continu. Dans ce cas, une ou plusieurs sociétés agissent en tant que prestataires externes.
La plupart des pays ont largement suivi les conseils très répandus visant à centraliser et à privatiser les biens communs. Aujourd'hui, la gestion des ressources naturelles est généralement assurée soit par le gouvernement, soit par des entreprises commerciales, mais plus directement par ses utilisateurs. Par exemple, les transports publics, les services d'eau, les zones de pêche, les parcs et bien d'autres choses encore.
Une troisième voie
Pendant des années, on a longtemps cru que la centralisation et la privatisation étaient les seuls moyens de résoudre le problème du parasite. Elinor Ostrom a observé qu'une troisième solution existait. Elle a recensé des centaines de cas où les biens communs sont gérés avec succès par leurs communautés, sans la supervision d'un agent externe. Ses exemples vont de la gestion des systèmes d'irrigation en Espagne à l'entretien des forêts de montagne au Japon, toutes autogérées avec succès par leurs utilisateurs. Bon nombre de ces projets ont également une longue durée de vie. Les exemples les plus récents étudiés par Elinor Ostrom avaient plus de 100 ans, et les plus anciens dépassaient 1 000 ans.
Mme Ostrom a étudié les raisons pour lesquelles certains efforts d'autonomie gouvernementale ont échoué et pour lesquelles d'autres ont réussi. Elle a résumé les conditions du succès sous la forme de principes de conception de base. Son travail l'a menée à remporter le prix Nobel d'économie en 2009. A noter que tous les biens communs étudiés par la chercheuse et gérés avec succès sont passés de l'accès libre à l'accès fermé à un moment donné. Comme elle l'écrit dans son livre « Governing the Commons » : « Pour qu'un utilisateur ait un intérêt minimal à coordonner les schémas d'appropriation et de fourniture, certains utilisateurs doivent être en mesure d'exclure d'autres utilisateurs des droits d'accès et d'appropriation. »
Tout est dans le contrôle
Ostrom utilise le terme « appropriateur » pour désigner ceux qui utilisent ou se retirent d'une ressource. Par exemple, les pêcheurs, les irrigants, les éleveurs, etc. - ou les entreprises qui tentent de transformer les utilisateurs de logiciels open source en clients payants. En d'autres termes, la ressource partagée doit être rendue exclusive (dans une certaine mesure) afin d'inciter les membres à la gérer. Dès qu'il y a une incitation, ceux qui sont des preneurs participent.
Une fois l'accès fermé, des règles explicites doivent être établies. Dans tous les biens communs gérés avec succès, les règlements précisent d’abord qui a accès à la ressource ; puis comment la ressource est partagée ; comment les responsabilités en matière d'entretien sont partagées ; ensuite qui assure le respect des règles ; quelles amendes sont imposées à quiconque les enfreint, comment les conflits sont résolus et enfin un processus pour faire évoluer collectivement ces règles.
Le fond de l'article est très intéressant.
Signaler un abusMais il est dommage que les énonomistes :
1) aient choisis des termes aussi proches que "commun/public" qui ne contiennent pas en eux-mêmes d'indication claire sur ce qui les séparent, induisant une confusion dans les esprits.
2) que dans le raisonnement, l'article place sur le même plan une gestion par l'Etat, une entreprise privée, ou une communautés d'utilisateurs.
Si j'ai bien compris la conclusion: d'après les études universitaires, il faudrait donc pour une meilleure organisation et pérénité des projets (au sens très large), les transformer de biens publics (c-à-d accessibles sans rivalité) en biens communs (accès exclusifs). Et, plus spécifiquement dans cet article, faire donc de même pour les projets open source.
Autrement-dit : même il existe des ressources publiques dont la consommation peut se faire sans rivalité, il serait bon de renoncer à cette non rivalité en les transformant en ressources communes dont l'entretien sera confié à tiers : Etat, entreprise privée, ou communauté constituée d'utilisateurs privilégiés. Et, par définition, il sera une erreur à l'avenir d'envisager de créer une ressource publique.
Où cela mène-t'il ?
a) On pourra promouvoir le développement de "ressources comnmunes", ce que tout le monde applaudira sans comprendre qu'il s'agit en fait de ressources privées. Avec ce raisonnement, Apple ou Microsoft deviennent de fait des "bien communs".
b) A mettre sur le même plan ce qui serait géré par l'Etat et l'appropriation par un groupe restreint du contrôle des biens communs (ou publics, mais on a vu qu'il faut les transformer en "communs")
c) Je pourrai continuer longtemps sur les conséquences.
Ce que je crains, c'est l'application systématique d'un même raisonnement à toutes les échelles et pour toutes les questions, une simplification qui donne raison systématiquement à ceux qui savent et veulent profiter, puisqu'elle promeut la possibilité de profit là où il n'y en avait pas ou très peu.
J'ai le sentiment qu'il y a quelque chose d'erroné à vouloir renoncer à la notion de biens publics tels que définis ici à cause de quelques profiteurs (ou "parasites"), comme par exemple, renoncer à l'effet d'échelle d'une santé publique dont la privatisation ne démontre pas qu'elle fonctionne mieux.
Dans l'open source, mais aussi dans le bénévolat, le temps donné à une association, les actes "gratuits", il y a bien la volonté de vivre un instant en dehors de l'appropriation et le profit au détriment des autres. La dépense sans contrepartie est un paradoxe que peut gérer l'âme humaine, qui y trouve son compte, mais qui n'entre peut-être pas dans les équations.
Se l'interdire au nom de l'optimisation est - peut-être - aussi une erreur.
Ceci-dit, l'article pose les bases d'une discussion très intéressante, et je comprend qu'il ne pouvait pas faire dix pages pour entrer dans tous les détails, je ne viens pas accuser le rédacteur d'être un affreux ultra libéral froid et sans coeur, mais j'ai le déplorable réflexe d'envisager toujours le revers des médailles, mea culpa.
Visiteur12527, PRÉSIDENT! Visiteur12527, PRÉSIDENT!!!
Signaler un abusEntièrement d'accord avec toi, le parallèle peux parfaitement être fait dans d'autre domaine que l'informatique, dans les associations, ....
Pour que les utilisateurs puissent participer et apporter quelque chose à une communauté ,il est impératif que tous les membres de cette communauté accueillent avec bienveillance des points de vue extérieur qui ne font pas à priori partie de la culture de cette communauté.
Signaler un abusIl est même vraisemblable que plus un point de vue dérange plus il soit possiblement utile ; c'est là que l'on rencontre de plein fouet la résistence au changement.
Or je constate que pratiquement tous les groupes de travail prennent le temps de bien préciser sous quelle forme ils daigneront éventuellement prèter une oreille mais qu'ils stipulent surtout les modes d'expression qui auront pour seule conséquence une censure nette et immédiate .
Par cette attitude ces groupes créent en réalité un "cercle d'admiration mutuelle" en leur sein qui s'ils n'y prennent garde caniballisera bientôt toute l'énergie tranformant le groupe de travail en une secte pure et simple.
Je caricature ici ce qui est ressenti par le nouvel arrivant dans le but d’attirer l’attention sur les préjugés apparents concernant l’accueil d’éventuelles bonnes volontés extérieure au groupe.
Il me semble obligatoire si l’on souhaite partager des efforts de consentir à prendre le temps d’examiner ce que pourraient apporter d’éventuels candidats sans le moindre préjugé et en prenant aussi le temps de définir quels sont les domaines dans lesquels des manques sont constatés.
S’engager dans une charge mérite d’être pris en considération et l’histoire fourmille de cas où c’est le petit dernier , ou même l’idiot du village qui a trouvé la solution à un problème sur lequel on avait le nez depuis une éternité mais qu’on prenait par le mauvais bout.
Personne n’atteint sa vitesse de croisière immédiatement et il est important d’admettre les faiblesses d’un nouveau coopérateur si l’on veut élargir le cercle et diminuer la charge de travail par unité.
Dans toutes les entreprises compétitives on commence par faire un tout du propriétaire au nouvel arrivant …
C’était ma participation.