C’est un travail titanesque auquel la branche informatique de Salesforce va se livrer. En effet, les équipes vont migrer 200 000 serveurs de CentOS vers RHEL (Red Hat Enterprise Linux) et vont bénéficier d’une aide non négligeable : l’IA générative. Selon Tyson Lutz, vice-président senior en charge de l’ingénierie logicielle au sein du spécialiste du CRM cloud, le déploiement par Salesforce de LLM propriétaires à partir de sa plateforme d’IA générative est au cœur de la réussite de la migration. Celle-ci doit se dérouler au cours de 18 prochains mois.
La migration vient à peine de commencer. « La plateforme précédente basée sur CentOS a été retirée du marché et, compte tenu de sa croissance très vigoureuse, l’entreprise souhaitait se concentrer sur un OS plus sûr, flexible, conforme et mieux supporté commercialement pour son infrastructure as a service mondiale en pleine expansion », précise Tyson Lutz. Si la décision de migration a été prise en décembre dernier, les évènements autour de CentOS ont certainement accéléré cette opération.
Des LLM en propre
Mais l'aspect le plus convaincant de la migration est que le processus sera facilité par le Data Cloud de Salesforce et sa propre plateforme d'IA générative. La société « a récemment réarchitecturé son Data Cloud et son framework d'IA Einstein pour introduire la plateforme Einstein 1, laquelle propose aux utilisateurs de Salesforce (et à son propre service IT) de connecter n'importe quelles données pour créer un profil unifié de leurs clients, puis d'infuser de l'IA, de l'automatisation et de l'analyse dans chaque charge de travail ou expérience client ». Selon Tyson Lutz, dans le cadre de la migration, l'équipe IT de Salesforce exploitera l'IA générative pour l'automatisation et les scripts de base, mais elle déploiera également une IA générative de plus haut niveau basée sur un LLM pour gérer la santé et la télémétrie de l'infrastructure en temps réel.
Dans cette optique, l'équipe IT a formé les LLM aux journaux d'événements afin que le système puisse prédire et analyser avec plus de précision les logs en temps réel. Auparavant, les humains passaient beaucoup de temps à parcourir les journaux pour essayer de comprendre ce qui se passait avant d'aller de l'avant. Désormais, ces tâches sont prises en charge par l'IA. L'approche novatrice de Salesforce en matière d'utilisation de l'IA dans ses opérations d'infrastructure permettra à l'équipe IT de Salesforce « d'intégrer l'intention humaine dans la gestion des machines », a expliqué le responsable. « Nous sommes à la pointe du progrès dans nos opérations », a-t-il ajouté. « Nous utilisons l'IA générative pour examiner les journaux, comprendre le contenu et fournir des données dans un format lisible par l'homme ».
Une mise à niveau pour un meilleur support
« La migration RHEL de Salesforce fait partie d'« Hyperforce », une réarchitecture de l'infrastructure de l'entreprise débutée en 2020 », poursuit Tyson Lutz. L'objectif d'Hyperforce était de garantir que tous les aspects du service, y compris Customer 360, Sales Cloud, Service Cloud, Marketing Cloud, Commerce Cloud et Data Cloud, seront fournis sur une plateforme offrant les plus hauts niveaux de sécurité, de fiabilité et de support commercial. « Au cours des quatre dernières années d'Hyperforce, Salesforce a modifié les modalités de développement de ses produits conteneurisés, pour qu’ils soient « prêts pour les tiers », et rendre le déplacement des charges de travail plus flexible non seulement au sein des différentes régions AWS, mais aussi vers d'autres fournisseurs de cloud », a ajouté le dirigeant. « Le passage à RHEL accordera également à l'entreprise d'offrir un maximum de flexibilité, de sécurité et de fiabilité », précise-t-il. Juan Perez, DSI de Salesforce, a réitéré ce point par mail, ajoutant que l'objectif de la migration est de s'assurer que Salesforce est prêt à faire face à n'importe quel workload.
Dans la course au cloud, de nombreux fournisseurs de SaaS ont construit leurs offres sur des plateformes open source largement disponibles comme CentOS, mais tous ne fournissent plus de support commercial. Tyson Lutz estime qu'il s'agit là d'un « signal d'alarme » que les fournisseurs de SaaS et de services cloud doivent prendre en compte pour s'assurer que leurs offres sont construites sur des plateformes hautement sécurisées, fiables, flexibles et supportées. « Les entreprises commencent à se rendre compte qu'elles doivent agir immédiatement et passer à un système d'exploitation prêt pour la production et bénéficiant d'un bon support », poursuit-il.
Garantir une infrastructure de niveau entreprise
Selon les analystes, Salesforce a coché deux cases importantes : d’abord, en s'assurant que la plateforme sous-jacente est sécurisée, flexible, évolutive et supportée, mais qu’elle est aussi améliorée avec une IA générative sophistiquée qui, il faut l’espérer, élaborera la meilleure plateforme pour les charges de travail des clients. « À mesure que les environnements cloud se développent, les entreprises se tournent de plus en plus vers l'IA pour gérer et sécuriser les applications et l'infrastructure. L’injection de l'IA dans les opérations cloud peut améliorer l'efficacité, identifier les problèmes de configuration et automatiser la remédiation », a déclaré Dave McCarthy, vice-président de la recherche pour les services d'infrastructure cloud et edge chez IDC. « Pour convaincre les DSI de passer au cloud, les fournisseurs de SaaS doivent s'appuyer sur une infrastructure de niveau entreprise avec des accords de niveau de service pour la protection des données et la résilience », a ajouté le consultant. « Même si les développeurs apprécient les logiciels open source soutenus par la communauté pour le prototypage, ces applications doivent être transférées vers des solutions soutenues par les fournisseurs quand elles sont en production ».
Selon Tyson Lutz, la fusion des deux - la migration de centaines de milliers de serveurs vers un autre système d'exploitation avec l'IA - va changer radicalement la donne en termes d'Opex et sur les activités de Salesforce. « L'IA générative va nous aider, à nous ingénieurs et humains, d'avoir une vision compréhensible de ce qui se passe beaucoup plus rapidement », a-t-il expliqué. « Il y a là un énorme potentiel pour avoir une compréhension plus précise ainsi qu'un contrôle et une gestion plus serrés de l'infrastructure, ce qui n'a jamais été le cas auparavant ».
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