Après les échecs ou encore le jeu de go, c'est dans le domaine du bridge qu'une intelligence artificielle vient une fois de plus de montrer sa supériorité par rapport à l'humain. Dans le cadre d'un challenge organisé ces jeudi 24 et vendredi 25 mars 2022, l'IA élaborée par la start-up française Nukkai est en effet sortie vainqueur haut la main des 480 parties menées contre 8 champions du monde de ce jeu. Plus précisément, cette intelligence artificielle est parvenue à gagner 83% des parties jouées et a dépassé les meilleurs joueurs humains dans une phase de jeu, considérée comme essentielle, se situant après celle des enchères lorsque l’équipe qui joue le contrat doit remporter au minimum le nombre de levées qu’elle s’est engagée à faire.
Les champions humains, Bénédicte Cronier et Thomas Bessis (France), Brad Moss et Roy Welland (Etats-Unis), Nevana Senior (Royaume-Uni), Sabine Auken (Allemagne), Anna Gulievich (Russie) et Mikael Rimstdedt (Suède) ont ainsi dû s'incliner face à la puissante IA de Nukkai. Contrairement aux échecs ou au go, le bridge était jusqu'à présent plus « résistant » à l'IA de par son caractère multi-joueurs, à information incomplète et dont les règles imposent d'expliquer la stratégie employée pour gagner. « Nukkai a été capable de montrer aux joueurs humains en quoi leur stratégie était inférieure à la sienne ce qui est tout à fait inédit », nous a expliqué Véronique Ventos, présidente et co-fondatrice de Nukkai.
Le supercalculateur du CNRS Jean Zay à contribution
Dans le cadre de son projet d'IA, Nukkai s'est appuyée sur les capacités du supercalculateur Jean Zay mis à disposition par le CNRS. Il s'est particulièrement distingué par sa capacité à fournir une performance nécessitant 200 000 fois moins d'énergie que celui utilisé lors de la compétition de go ayant vu s'affronter des humains face à la technologie Deepmind de Google.
Jean Baptiste Fantun (directeur général de Nukkai) et Véronique Ventos (présidente de Nukkai) ont co-fondé Nukkai en 2018. (crédit : Nukkai)
Nukkai a été co-fondée par Véronique Ventos et Jean Baptiste Fantun en 2018. Après une première expérimentation en 2021, la société a engrangé les succès en remportant plusieurs concours dont celui de l'Edup récompensant les projets les plus innovants dans l'Education Nationale, avec sa solution Kartoon utilisée pour détecter les lacunes des élèves dans le domaine des sciences cognitives et en particulier les mathématiques. Comptant aujourd'hui une vingtaine d'employés, Nukkai prévoit d'être à l'équilibre financier d'ici deux ans. La société est par ailleurs parvenue à lever 2 M€ depuis sa création dont 1 million d'euros via le fonds deep tech de Bpifrance.
Un débouché dans la cybersécurité
Outre Kartoon, Nukkai compte par ailleurs surfer sur la notoriété apportée grâce à ce challenge de bridge pour aller investir des marchés BtoB comme ceux de la défense, de l'aéronautique ou encore de la cybersécurité. « Notre IA intéresse les acteurs de la cybersécurité qui cherchent une technologie pour automatiser le classement et le nommage des logs et s'appuyer sur nos méthodologies pour construire des oncologies cybersécurité », nous a expliqué Jean Baptiste Fantun, directeur général de Nukkai.
Cette "IA" ne fait pas les annonces (phase initiale du jeu de bridge où les joueurs déterminent le "contrat" à faire suite à des échanges codifiés). Il y a encore un peu de boulot, c'est une étape où l'évaluation du bénéfice/risque ainsi que la compréhension des "dialogues" entre les joueurs est primordiale.
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