« Une demande record pour une offre limitée ». Voilà comment JLL - la société de services immobiliers et de gestion d'investissement américaine – résume l’état du marché dans son rapport sur les datacenters en Amérique du Nord pour la première moitié de l'année. « Le premier semestre 2023 a connu une croissance robuste sur le marché des centres de données ; cependant, la plupart des marchés principaux et secondaires sont aux prises avec un déséquilibre entre l'offre et la demande, ce qui entraîne une pénurie d'espace de colocation et une hausse des prix. Les marchés secondaires devraient prendre en charge le trop-plein des marchés primaires limités. La majeure partie de l'offre qui devrait être livrée dans la seconde moitié de 2023 et 2024 a été pré-louée ou fait l'objet d'une exclusivité, ce qui limite les options pour les utilisateurs » indique JLL en introduction. Et le fautif est tout trouvé : l'IA.
Il s’avère que les principaux fournisseurs de services cloud se développent rapidement pour répondre aux exigences de l’IA et au besoin d'une plus grande puissance de calcul. Résultat, il est plus difficile de trouver de l’espace et de la puissance pour des besoins plus modestes sur de nombreux marchés. En conséquence, JLL note dans son rapport une poussée significative de la location au deuxième trimestre 2023, avec une demande croissante de capacité pour répondre aux exigences de datacenter à plus haute densité pour le développement de l'IA. « À mesure que les exigences de l’IA augmentent, les opérateurs de centres de données doivent adapter leur infrastructure pour accueillir des clusters de serveurs à haute densité de puissance » note l’entreprise. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ces exigences sont importantes.
Une augmentation significative des besoins
Lorsque l’on regarde de plus près le continent nord-américain, on s’aperçoit que ce sont deux zones - Phoenix et le Nord-Ouest - qui sont en train de dépasser le plus grand marché du datacenter, la Virginie du Nord, sur la capacité énergétique proposée avec respectivement 194,5 MW et 185,9 MW pour le premier semestre 2023. « Les principaux marchés et la plupart des marchés secondaires ont atteint un état de déséquilibre entre l'offre et la demande - l'offre actuelle et à court terme n'est pas en mesure de satisfaire la demande » poursuit JLL, avant d’ajouter que « les marchés primaires disposent d'un inventaire limité d'espaces de colocation, ce qui a conduit les opérateurs à augmenter leurs prix de 20 à 30 % d'une année sur l'autre ». Ainsi, ce déséquilibre se répercute sur les marchés secondaires, notamment Columbus, Salt Lake City, Reno et Austin, qui prendront en charge le trop-plein de ces marchés primaires limités.
JLL observe une accélération des besoins en données pour l'entraînement des différents modèles d'IA. (Crédit : JLL)
La banque d'investissement TD Cowen a récemment indiqué que 2,1 GW de baux de centres de données américains ont été signés au deuxième trimestre 2023. Les engagements récents comprennent 600 MW pour un fournisseur de cloud public au Texas, 420 MW à Leesburg, VA, et 360 MW à Dallas liés à la demande en matière d'IA, comme le rapporte l'établissement financier. De même, la création de données s'accélère rapidement, car chaque LLM nécessite davantage de lieux pour être entraîné. D'ici 2030, les données synthétiques dépasseront complètement les données réelles dans les modèles d'IA, selon Gartner. Avec l'appétence pour l'IA, les opérateurs de centres de données doivent installer des infrastructures pour accueillir des clusters de serveurs haute performance, certains besoins importants entraînant des densités de 50 à 100 kW par rack. Des chiffres qui ont du mal à coller avec les objectifs de durabilité des hyperscalers et des fournisseurs de colocation.
Une demande qui restera forte jusqu’en 2024
Ainsi, si dans un sens, l’intelligence artificielle amène à un plus grand remplissage des datacenters, elle entraîne également une trop forte demande en un laps de temps très court. Ainsi, il y a fort à parier que les utilisateurs, pour contrer les délais prolongés de mise à disposition, continueront à être sur le marché de la capacité bien avant la date de mise en service qu'ils souhaitent. JLL prévoit donc que les conditions de marché resteront tendues jusqu'en 2024, avec une grande partie de l'offre prévue pour l’année prochaine qui sera également pré-louée, limitant de facto les options pour les utilisateurs qui ne se sont pas positionnés sur le marché bien avant la date de mise en service souhaitée.
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