Pour le grand public, l'intelligence artificielle est encore pleine de mystère. Et l'histoire de cette grand-mère britannique très polie qui agrémente toutes ses recherches Google de « S'il vous plaît » et de « Merci », reprise la semaine dernière par plusieurs sites d’actualités, en est une des meilleures illustrations. « Pouvez-vous, s'il vous plaît, traduire ces chiffres romains MCMXCVIII ? Merci », a ainsi demandé May Ashworth à Google. Le tweet posté par son petit-fils sur Twitter est devenu viral. « Je pensais qu’une personne s’occupait de ma recherche, et je voulais la remercier », aurait expliqué la mamie anglaise. « Pour être honnête, je ne sais pas comment ça fonctionne. Cela reste un mystère pour moi ». Cette histoire touchante, qui a même fait l’objet d’une réponse spéciale de Google, est un bon exemple du mystère qui continue de planer autour de l’Intelligence artificielle. « La plupart des gens ne savent pas comment cela fonctionne. Ils sont émerveillés et ils se demandent ce qui pourrait arriver ensuite », a déclaré Scott D. Phoenix, co-fondateur de la start-up Vicarious spécialisée en IA.
Mais ce dernier pense que les potentialités de l’intelligence artificielle vont bientôt apparaître au grand jour. Après un long hiver, « c’est maintenant l’été de l’IA », a-t-il déclaré. « On peut déjà trouver de nombreux indices de cette émergence ». C’est le cas par exemple de la « masse de plus en plus importante de données disponibles », mais aussi de la baisse des prix du stockage, de la mémoire et de la puissance de calcul, « proches de zéro », explique Scott D. Phoenix. Ensuite, on reconnaît aujourd’hui que certaines améliorations, même résiduelles, ont été obtenues grâce à l’IA. On sait par exemple que l’augmentation de 1/10 % du taux de clics dans la publicité est imputable à l’intelligence artificielle. On sait aussi que ce maigre pourcentage peut avoir un effet important sur les recettes. « Aujourd’hui, ce moteur est en marche, et nous savons que cela compte », a-t-il déclaré. « La demande du marché est devenue stable ». Selon lui, la prochaine étape consiste à travailler sur les compétences nécessaires pour améliorer la technologie. « Nous avons observé quelque chose de similaire au début du logiciel, et aux débuts de l'Internet », a expliqué le co-fondateur de Vicarious. « Et l’IA entre désormais dans cette période d’évolution rapide ».
Une start-up encore très secrète sur ses travaux sur l'IA
Curieusement, la start-up elle-même reste assez discrète sur son activité. Fondée en 2010, Vicarious espère emmener l’IA au-delà des usages actuels – par exemple, porter l’IA utilisée par Google pour le jeu Go vers un usage plus général. Mais, pour l’instant, la start-up garde toutes ses cartes en main et ne dévoilera rien de ses projets, tant qu’elle ne sera pas prête à lancer un produit. « Nous cherchons à développer une architecture algorithmique unique, unifiée, qui serait capable de reproduire des performances équivalentes à celle de l’homme dans plusieurs domaines, comme la vision, le langage, et la commande motorisée », a précisé Scott D. Phoenix. « Nous nous intéressons particulièrement au prototypage », a-t-il ajouté. « On apprend beaucoup de choses dans un corps qui interagit avec le monde ». Pour atteindre ses objectifs, Vicarious va chercher dans les neurosciences, les architectures profondes, et les modèles probabilistes génératifs. La startup espère parvenir à créer une IA dont « les ordres de grandeur demandent moins d’entraînement que les techniques traditionnelles d'apprentissage machine ». En 2013, Vicarious a annoncé que sa technologie était capable de résoudre de manière fiable les derniers systèmes de validation Captcha, franchissant ainsi un obstacle utilisé comme une sorte de test de Turing par de nombreux sites. À ce jour, la startup a levé environ 70 millions de dollars. Dans sa liste d’investisseurs, on trouve Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, Elon Musk, CEO de Tesla Motors, Jeff Bezos, CEO d'Amazon, Marc Benioff, CEO de Salesforce, et Aaron Levie, CEO de Box.
L’entreprise de Scott D. Phoenix pourrait créer une IA plus proche de l'intelligence humaine, c’est à dire capable d'apprendre et de généraliser. Mais le co-fondateur n’est pas inquiet par le remplacement, souvent prédit, de l’homme par l’IA. « Certes, les dernières révolutions technologiques - l’automatisation des usines, les logiciels, le PC - ont détruit de nombreux emplois, mais les emplois n’ont pas pour autant disparu », a-t-il déclaré. « Le poste que j’occupe aujourd'hui n'existait pas à l'époque, d'autres emplois étaient très différents ». Selon lui, l’IA va permettre de faire plus de choses qu’avant, les emplois vont donc changer, mais pas disparaître. « L’affirmation que l'emploi humain va se raréfier, au moins à court terme, est un peu excessive », a déclaré Scott D. Phoenix. « L’IA va déboucher sur la création d’un grand nombre de nouveaux emplois ». Il suffit de regarder autour de soi pour voir qu’« il y a énormément de choses à faire, à inventer, pour améliorer nos sociétés », a-t-il ajouté. « Il y a tellement de choses que nous pourrions faire si nous avions des systèmes plus intelligents. Il y a toujours plus à faire et des objectifs plus ambitieux à atteindre ».
Commentaire