Il y a un an, un plan quantique de 1,1 milliard d’euros sur 5 ans était annoncé par le président de la République Emmanuel Macron. « Cet effort inédit de R&D intensif dans les trois grands piliers du calcul et de la simulation quantique, la communication, les capteurs et la métrologie quantiques, doit permettre d’identifier les pistes technologiques susceptibles d’aboutir à un marché dans les 5 ans à venir », a exposé hier Frédérique Vidal, ministre de la Recherche et de l’Innovation. Lors d’une intervention par visioconférence, elle a annoncé officiellement le lancement d’une plateforme nationale de calcul quantique hybride qui sera mise à la disposition d’une communauté de chercheurs, de scientifiques et de start-up engagées dans le quantique.
La définition et la mise en oeuvre de cette plateforme qui associera des supercalculateurs et des accélérateurs quantiques a été confiée au CEA, à Genci, à l’Inria, en lien avec le CNRS et la conférence des présidents d’universités. « C’est un budget de plus de 72 M€ que l’Etat engagera au titre de l’acquisition et de la mise à disposition des dispositifs de calcul quantique mais aussi au titre de la diffusion des usages des calculs quantiques, des travaux de R&D, industriels ou académiques, avec un effet levier au titre du financement de 100 M€ supplémentaires par les industriels, l’Europe et les collectivités », a précisé la ministre.
Deux simulateurs quantiques de 100 Qbits de Pasqal
Cette plateforme est aussi une aventure européenne puisque ses fondations vont reposer sur le projet commun HPCQS (notamment présenté sur Teratec 2021), financé par l’entreprise commune européenne Euro HPC. C’est cette dernière qui va déployer et opérer « d’une part le premier embryon d’une infrastructure pan-européenne hybride HPC quantique et fédérer d’autre part deux simulateurs quantiques de 100 Qbits de la jeune pousse française Pasqal, respectivement avec le supercalculateur français Joliot Curie et le supercalculateur de Juliers », a indiqué Frédérique Vidal. Cette infrastructure sera en outre mise en oeuvre dans la perspective de la création d’un cloud quantique. « Elle permettra aussi d’intégrer d’autres sites européens comme l’Italie ou la Finlande ainsi que de nouvelles technologies quantiques. »
Cette plateforme sera hébergée au Très Grand Centre de Calcul du Commissariat à l’Energie atomique, direction des applications militaires, a indiqué par la suite Florence Parly, ministre des Armées, après l’intervention de Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique, qui a appelé à ce que cette plateforme soit un levier pour le développement de cas d’usage. « D’ici mi-2022, nous ouvrirons une procédure pour l’achat des deux à trois hardwares quantiques qui sont intégrés dans la plateforme », a annoncé le secrétaire d'Etat au Numérique. « Deux autres appels d’offres seront prévus au cours des trois prochaines années et un ambitieux programme de R&D sera mis en place en 2022 pour se concentrer sur l’intégration fine des hardwares dans les systèmes informatiques quantiques ». La prise de parole des ministres s’est faite en milieu de journée, à l’issue d’une matinée consacrée à la présentation des travaux mis en oeuvre dans le quantique par la communauté scientifique à l’échelle européenne (accessible en replay).
Le quantique, stratégique pour les armées
« La France est déterminée à maîtriser ces technologies quantiques », a affirmé Florence Parly en rappelant la feuille de route ambitieuse pour le réaliser en toute souveraineté. « Les forces armées françaises savent l’importance de la souveraineté dans le domaine technologique », a souligné la ministre en pointant l’intérêt « absolument stratégique pour la protection des Français » que représentent les technologies quantiques. Depuis de nombreuses années, le ministère des Armées s’y intéresse donc de près. Entre autres exemples, il a soutenu des projets de R&D portés par des PME présentant des applications militaires avec des retombées pour le secteur civil. « Je pense notamment aux projets des sociétés Syrlinks et Muquans spécialisées dans les capteurs quantiques », a précisé Florence Parly. « Nous avons lancé en 2020 un appel à projets sur les capteurs quantiques au profit de la défense, en partenariat notamment avec l’Agence nationale de la Recherche ». Par ailleurs, le fonds innovation défense est entré au capital de deux start-ups du quantique, Pasqal et Quandela (photonique quantique).
Les capteurs quantiques, qui « permettront d’améliorer considérablement les performances de détection de nos systèmes d’armes ou de pouvoir disposer de systèmes de navigation de très haute précision », font partie des trois domaines à fort enjeu cités par la ministre pour les applications militaires. Le 2ème porte sur les communications et la cryptographie quantique et post-quantique, et le troisième étant le calcul quantique qui pourrait « traiter en un temps record des milliards de données, par exemple à des fins de renseignement ». La ministre évoque ce que cette « capacité de calcul phénoménale » apportera aux « travaux extrêmement sensibles menés dans le domaine de la dissuasion par la direction des applications militaires du Commissariat à l’Energie Atomique, mais aussi dans les combats de demain ». Concernant en particulier l’amélioration de l’efficacité des systèmes composés de milliers de véhicules ou de satellites, elle donne en exemple l’optimisation « de l’ensemble des trajectoires tout en tenant compte de leurs dynamiques individuelles ».
Pour Frédérique Vidal, la plateforme nationale hybride de calcul quantique qui se prépare constituera une « formidable opportunité pour de jeunes entreprises d’acquérir une visibilité mais aussi de promouvoir l’apprentissage de ces technologies », a souligné la ministre. « C’est une vision pour l’avenir. Le plan France 2030 incarne cet optimisme et veut donner toutes ses chances à notre pays d’être un acteur majeur du monde de demain ». Car au niveau mondial, sur ce terrain stratégique majeur, les Etats-Unis et surtout la Chine ont pris de l'avance dans le financement de l'informatique quantique. Et d'autres pays comme la Russie investissent également, notamment dans le domaine de la cryptographie post-quantique.
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