Avec plus de 99 % de services publics disponibles en ligne, l'Estonie est devenue la société numérique la plus avancée du monde. Si les services publics de l'ancienne république soviétique sont alimentés par une vaste infrastructure informatique, Andrus Kaarelson, directeur des systèmes d'information de l'État, a expliqué que le rapide développement numérique de son pays n'est pas dû uniquement à sa technologie. « La technologie n'est qu'un catalyseur », a déclaré M. Kaarelson lors de la conférence Digital Government 2019 organisée le 22 mai dernier à Londres. « Il faut une volonté politique pour que le changement se produise ». Andrus Kaarelson, dont l'équipe est responsable du développement et de l'exploitation des services centraux d'e-Estonia et de la coordination de sa cybersécurité, attribue une grande partie du mérite au soutien que lui a accordé le gouvernement et à ses nombreuses initiatives en matière de numérique.
Par exemple, une carte d'identité nationale permet d'accéder à tous les services numériques gouvernementaux d'Estonie et de X-Road, un système d'échange de données sécurisé qui signe et chiffre numériquement toutes les données sortantes et authentifie et enregistre toutes les données entrantes. Depuis, le système a été exporté de l'Islande à l'Équateur, et l'Estonie a également créé avec la Finlande un écosystème X-Road fédéré qui permet aux pays d'échanger et de consommer des données en toute sécurité à travers leurs frontières. « Cette solution est extrêmement efficace contre les cyberattaques et fait preuve d'une grande technique, car il n'y a pas de composants centraux : pas de hubs, pas de bases de données centrales », a expliqué Andrus Kaarelson. « Par exemple, en 2007, quand nous avons été ciblés par de puissantes cyberattaques menées par notre grand voisin, la Russie, nous avons constaté que 1 % seulement des services avaient été impactés sur 1000 ».
Démocratie numérique
L'introduction du vote en ligne pour les 1,3 million de citoyens du pays a constitué une étape clé dans le développement d'e-Estonia. « Par le passé, la météo avait un impact manifeste sur les taux de participation aux élections. C'est pour cette raison qu'en 2005, nous avons mis en place un système de vote par Internet en Estonie », a encore déclaré Andrus Kaarelson. L'Estonie a même été le premier pays à organiser des élections générales juridiquement contraignantes sur Internet. Aux élections législatives de 2015, 30,5 % des votes ont été effectués en ligne. Et M. Kaarelson pense que la moitié des électeurs utiliseront le vote électronique pour les élections au Parlement européen.
Selon le directeur des systèmes d'information de l'État, cette adoption rapide est liée à la facilité d'utilisation des services et leur accessibilité à distance 24/7. Les services obéissent au principe de « l'unique », ce qui signifie que l'État ne peut demander deux fois la même information aux citoyens. C'est le cas notamment du système de déclaration d'impôts en ligne qui, selon le gouvernement, est utilisé pour 98 % des déclarations, tous impôts confondus, et le temps de « dépôt » ne dépasse pas trois minutes. « Les Estoniens adorent faire leur déclaration d'impôts, parce qu'ils espèrent toujours récupérer de l'argent », affirme M. Kaarelson.
Un écosystème de start-ups
Grâce à ce développement numérique, le secteur technologique estonien est florissant, au point que le pays figure dans le top 20 du classement Ease of Doing Business de la Banque mondiale. Les revenus des entreprises IT comptent actuellement pour 7 % du PIB de l'Estonie et elles emploient 4 % de la main-d'oeuvre du pays. Cet environnement a produit quatre licornes au cours des dix dernières années : l'application de télécommunications Skype, la société de jeux Playtech, la société de transfert d'argent Transferwise, et l'application Taxify.
Les données de dealroom.com et le rapport 2018 sur l'état de la technologie européenne indiquent que l'Estonie compte plus de jeunes entreprises par habitant et par unité de PIB que tout autre pays d'Europe. Collectivement, elles sont qualifiées - de manière peu flatteuse - de mafia estonienne. Dans ce support à l'économie numérique de l'Estonie, il faut également citer le registre du commerce électronique qui facilite les démarches administratives de création d'entreprise. Andrus Kaarelson l'a testé lui-même : il a pu créer une entreprise en 20 minutes environ et soumettre sa déclaration d'impôt sur le revenu en deux minutes.
Une carte électronique pour les résidents étrangers
L'enregistrement peut être finalisé avec une carte de séjour électronique estonienne, également disponible pour les étrangers qui souhaitent créer une entreprise dans le pays. « Espérons que vous puissiez rester dans l'UE, mais si le Brexit a réellement lieu, vous pourrez toujours devenir un e-Résident estonien, créer une entreprise de droit estonien et entrer à nouveau sur le marché européen », a déclaré en souriant Andrus Kaarelson à nos confrères de Computerworld UK.
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