L'intersyndicale d'Alcatel-Lucent a été reçue à Matignon, mercredi 3 janvier, pour demander en urgence que l'Etat engage des moyens financiers pour contrer cet accord. Il porte sur un prêt de 1,615 milliard d'euros (*), négocié par la direction de l'équipementier auprès de Goldman Sachs et du Crédit Suisse. Expliqué ainsi l'accord a l'air « normal ». Sauf que Goldman Sachs pose trois conditions draconiennes.
D'abord, la banque prête au taux de 9,6% ! Ensuite, elle demande des gages (les brevets et des filiales). Enfin, elle veut faire signer à la direction un « covenant » financier. Derrière ce nom barbare se cache un mécanisme redoutable. Goldman Sachs veut vérifier chaque trimestre, par des tests financiers, l'état de l'entreprise. Si la situation n'est pas conforme à ce que la banque demande, elle peut exiger de vendre certaines activités. « Cet accord nous met une pression terrible, souligne François Schmetz, coordinateur CFE-CGC Groupe Alcatel-Lucent, pour remplir les objectifs et s'ils ne le sont pas pour savoir qui sera concerné par le démantèlement. Ce sont des prédateurs. »
Le déblocage est surement politique
Il y a urgence. L'accord signé en décembre doit entrer en vigueur fin janvier. Entre noël et le jour de l'an, l'intersyndicale a donc demandé à être reçue par Matignon. En effet, plusieurs ministères sont concernés par le dossier : le numérique avec Fleur Pellerin, le redressement industriel de Montebourg, les finances (plus particulièrement la direction du trésor), la défense (tout dossier télécoms concerne la défense), le travail (pour l'aspect social). L'intersyndicale a voulu, étant donné l'urgence et la portée de ce dossier, aller au plus haut, chez le 1erMinistre, la question étant autant technique que politique et le déblocage étant surement politique. Ils ont été reçus par le directeur de cabinet de Jean Marc Ayrault, Christophe Chantepy, une de ses adjointes, Odile Renaud-Basso (qui semble bien connaître le dossier) et trois conseillers.
Le cabinet du 1er Ministre travaille à une solution alternative et suit plusieurs pistes de montages financiers. En tenant compte évidemment de la législation européenne. Mme Renaud-Basso étant directrice adjointe du cabinet du président de la commission européenne avant d'intégrer Matignon, possède tous les éléments. L'intersyndicale souhaite un règlement rapide semblable à celui intervenu sur le dossier PSA. Pour sa part, la CFE-CGC demande même à l'Etat de prendre 25% du capital du groupe pour peser sur ses décisions. Matignon devrait indiquer dans les quinze jours si le gouvernement peut engager une solution.
Un Comité central d'entreprise de trois jours
D'autres dossiers inquiètent l'intersyndicale. Les licenciements (5 000 dans le monde, dont 1 350 en France), dont elle souhaite évidemment faire baisser le nombre et surtout maintenir les conditions obtenues pour les plans sociaux précédents (**). Actuellement se tient un Comité central d'entreprise de trois jours (après celui du 20 décembre où fut présenté l'accord avec les banques) où la direction déroule son plan. Cette dernière ne cache plus vouloir vendre deux divisions : entreprises (Alcatel-Lucent Enterprise, ALE) et câble sous-marins (Alcatel-Lucent Sub-Marine Networks, ASN). Pour les câbles sous-marins, Matignon indique qu'il faut une autorisation du gouvernement pour cette session. Le FSI (Fond stratégique d'investissement) serait intéressé pour piloter l'opération avec des investisseurs privés (***). Cette filiale serait valorisée entre 600 et 700 millions d'euros.
Dernier dossier, la cybersécurité, mercredi 3 janvier toujours, les syndicats rencontraient Jean-Marie Bockel, auteur d'un Livre Blanc sur le sujet. L'intersyndicale souhaite que la France et l'Europe protègent leurs réseaux télécoms en sélectionnant autrement les équipementiers (en clair en excluant les chinois). Elle demande l'application du rapport Bockel et prendra des initiatives en ce sens dans les mois à venir. Là encore la pression est mise sur le gouvernement, au plus haut niveau, « Fleur Pellerin est très compétente » note François Schmetz, mais la décision doit se prendre au niveau du 1er Ministre. Aujourd'hui,la décision est politique».
(*) Cet emprunt se répartit en 3 parts : 1,275 milliard de dollars sur 6 ans, 250 millions d'euros sur 6 ans, 500 millions de dollars sur 3,5 ans. Le taux de 9,6% entraînera 500 millions d'euros de frais. C'est Alcatel Lucent USA qui est l'emprunteur car ce sont eux les plus endettés et les banques prêteuses sont américaines. La société ne peut plus emprunter sur les marchés classiques ou alors à 15% selon la CFDT et de toute façon avec nantissements d'actifs.
(**) Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin se sont contentés sur ce sujet des licenciements chez Alcatel Lucent d'un communiqué, le 18 octobre dernier, demandant un dialogue social exemplaire, mais sans autre pression sur la direction du groupe :
http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/13380.pdf
(***) Le Ministère des finances envisagerait également de créer un consortium de valorisation des brevet d'Alcatel-Lucent, accueillant des industriels privés français et américains, mais permettant au groupe de rester co-propriétaire des 27 000 brevets.
L'avenir d'Alcatel-Lucent se joue désormais dans les ministères
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Réaction
Les syndicats d'Alcatel-Lucent sont pressés. D'ici fin janvier, l'accord signé entre la direction du groupe et Goldman Sachs va entrer en vigueur. A la clé, un risque de démantèlement du groupe. Mais que fait le gouvernement ?
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