Après une première mise en demeure en mars dernier, Moscou entend désormais interdire la messagerie chiffrée fondée en 2013 par deux ressortissants russes, les frères Nicolas et Pavel Durov, prudemment exilés à Londres et Dubaï. Le CEO Pavel Durov dénonce d’ailleurs régulièrement le fait que sa société serait basée en Russie. « Nous n'avons pas de serveurs, de développeurs, de sociétés, de comptes bancaires ou de bureaux dans ce pays », a-t-il encore souligné sur Twitter le 11 janvier dernier pour rassurer les utilisateurs. « Nous sommes actuellement basés à Dubaï, mais nous ne le considérons pas comme notre base permanente. Il est peu probable que nous considérions un jour un endroit comme étant notre base permanente ». Rappelons que les deux Russes, opposants notoires à Vladimir Poutine, désiraient à l’origine développer une plateforme de communication échappant aux grandes oreilles du FSB.
C’est en fait l’agence russe de régulation des télécommunications, la Roskomnadzor, qui a sommé l’entreprise Telegram de lui fournir « toutes les clés de chiffrement » des messages envoyés et reçus par ses utilisateurs russes avec sa plateforme Messenger. Le CEO a refusé ce qui a donc entrainé une demande d'interdiction de la messagerie sur tout le territoire russe. Rappelons que Telegram Messenger utilise de deux manières différentes son algorithme de chiffrement maison MTProto (chiffrement symétrique sur base AES-256) avec ses services de messagerie et de tchat. La première assure la sécurité de tous les messages (texte, photos, vidéo, sons ou Gifs animés) transitant sur les serveurs de l’entreprise. Ils sont conservés tant que l’utilisateur ne les a pas détruit et donc théoriquement déchiffrables avec les bonnes clefs. La seconde manière concerne les messages instantanés chiffrés de bout en bout entre deux utilisateurs ou un groupe d’utilisateurs. Il s’agit ici de conversations secrètes puisque le trafic ne transite pas par les serveurs de Telegram qui ne stockent donc pas les échanges ni les clefs de chiffrement. L'invitation et l'acceptation d’une discussion scellent l'envoi automatique des clefs. Il est également possible d’utiliser une fonction autodestruction avec ces tchats secrets.
La sécurité relative – et surtout la simplicité d’utilisation de la plateforme – a séduit un grand nombre d’hommes politiques français (Nicolas Sarkozy, François Fillon mais aussi Emmanuel Macron ou encore Jean-Luc Mélenchon) mais également des djihadistes liés à l’état islamique. C’est d’ailleurs ce qui a incité les gouvernements français et allemand à demander une action européenne pour accéder aux messageries chiffrées utilisées en Europe. Avec Telegram dans le viseur.
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