La technologie au secours des urgences hospitalières ? C’est en tout cas ce que l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) espère prouver aux côtés de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Elle soutient ainsi l’initiative Urge, un projet de recherche qui vise à optimiser les prises en charge des patients par les équipes hospitalières au sein des structures d’urgences, en créant notamment un simulateur de flux des urgences.
« La fréquentation des services d’accueil des urgences (SAU) a presque doublé au cours des vingt dernières années et dépassait 20 millions de passage par an ces dernières années ». Partant de ce constat, l’Inria et l’AP-HP veulent apporter une solution concrète à ce besoin urgent. Le projet est coordonné par Youri Yordanov (AP-HP, fédération hospitalo-universitaire IMPEC et Sorbonne université) et Xavier Allamigeon (Inria et École polytechnique) dans le cadre du laboratoire commun Daniel Bernoulli. Pour comprendre comment ce projet a vu le jour, il convient cependant de rappeler quelques éléments.
URGE, lauréat de l'appel à projets du Bernoulli Lab
L’Inria et l’AP-HP travaillent en collaboration depuis plusieurs années et ont souhaité renforcer leur partenariat fin 2020 avec la création du laboratoire commun Daniel Bernoulli (également connu sous le nom de Bernoulli Lab), afin de rapprocher les experts des deux institutions. Jean-Frédéric Gerbeau, directeur général délégué à la science d’Inria, le décrit comme « la rencontre de la médecine et des sciences et technologies du numérique » et parle d’une révolution du traitement des données de santé. Fort de ce partenariat, les deux institutions veulent favoriser les travaux conjoints entre experts pour stimuler la recherche et accélérer le transfert d’innovations vers le secteur hospitalier.
En avril 2022, l’AP-HP et l'Inria ont lancé à travers le Bernoulli Lab un appel à propositions pour un projet de recherche collaboratif d’envergure en santé numérique sous la dénomination « Défi Commun Bernoulli Lab ». Un processus de sélection en deux phases a donc eu lieu, et à l’issue d’une audition le 5 juillet dernier par un jury AP-HP – Inria, le projet URGE a été désigné lauréat du Défi Bernoulli Lab. Il profite ainsi d’un financement conséquent – de l’ordre de 500 000 € (hors contributions supplémentaires de partenaires extérieurs éventuels), en fonction des besoins exprimés – pour une durée-type de 4 ans. Avec ces ressources, l'équipe lauréate peut réaliser son projet sans la barrière du financement du projet et peu compter sur l’expertise de plusieurs équipes Inria et AP-HP, et éventuellement d’un ou quelques partenaires externes, publics ou privés, qui sont dans ce cas invités à contribuer à son financement.
(De gauche à droite) Youri Yordanov (AP-HP, fédération hospitalo-universitaire IMPEC et Sorbonne université) et Xavier Allamigeon (Inria et École polytechnique) ont donné un aperçu du projet URGE soutenu par le laboratoire commun de l’AP-HP et de l’Inria, Bernoulli Lab. (Crédit : Hélène Coulonjou / APHP)
Un projet au service de l’hôpital
Officiellement lancé ce 10 octobre, le projet URGE mobilise des outils numériques avancés, tels que la modélisation mathématique et la visualisation, associés aux données de douze services d’accueil des urgences (SAU) de l’AP-HP. Cela « permettra d’établir une analyse fine des parcours patients afin d’identifier les étapes où la prise en charge se trouve ralentie » indiquent les deux organisations dans un communiqué. Pour réussir, le projet URGE se fixe un triple objectif.
Tout d’abord, développer un outil de simulation des flux dans les structures d’urgence, qui soit à la fois générique, personnalisable et avec un haut niveau de confiance ; tester différentes organisations, adaptations ou solutions dans un environnement sans risque pour les patients ; enrichir les opinions d’experts par des résultats objectivés par l'analyse mathématique, dès l’étape initiale de la prise en charge du patient. Pour Jean-Frédéric Gerbeau, « le projet URGE s’inscrit pleinement dans cette dynamique en s’attaquant au difficile sujet de l’organisation des services d’urgence, avec des approches méthodologiques radicalement nouvelles, dans l’espoir d’un bénéfice pour les patients et les professionnels de santé ».
Réunir et croiser des compétences d'horizons variés
Un point de vue que partage le Pr Catherine Paugam-Burtz, directrice générale adjointe de l’AP-HP : « L’originalité du projet URGE est qu’il unit les forces et les données de nombreuses structures d’urgence d’Ile-de-France, rassemblées en fédération hospitalo-universitaire, et les compétences en sciences du numérique des équipes de recherche Inria. L’organisation des flux de patients est depuis longtemps clé pour le fonctionnement des urgences hospitalières, et avec cette approche par la donnée, on a un projet à fort impact potentiel ». Soulignant les perspectives concrètes de ce projet, le Pr Catherine Paugam-Burtz mise beaucoup sur cette initiative.
Le projet URGE regroupe ainsi un nombre conséquent d’institutions et de professionnels. Collaborent notamment à cette initiative les services d’urgence franciliens de la Fédération Hospitalo-Universitaire (FHU) IMPEC IMProving Emergency Care2, la plateforme de recherche Est Parisien, l’Observatoire Régional des soins non programmés et plusieurs équipes-projets Inria : Tropical (commune avec l’Ecole polytechnique IPP et le CNRS, au centre Inria de Saclay), Aviz (commune avec l’Université Paris-Saclay et le CNRS, au centre Inria de Saclay) et Dyogene (commune avec l’ENS PSL et le CNRS, au centre Inria de Paris).
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