« Je suis partisan d'aller le plus tôt possible en production, y compris à blanc », lance Stéphane Boulanger, le directeur des systèmes d'information et des opérations de PMU. Dans les locaux du premier opérateur hippique d'Europe, dans le 15ème arrondissement de Paris, les réunions s'enchaînent en ce jeudi 29 juin. Une journée clef pour les 250 collaborateurs de l'entreprise en charge des projets de transformation IT. Chaque trimestre, 25 équipes agiles chargées de mettre en oeuvre le futur de l'opérateur, des équipes organisées en deux branches distinctes appelées trains, se réunissent pour synchroniser et prioriser leurs efforts. Au sein de la méthode Safe, c'est ce qu'on appelle le PI Planning, qui se déroule sur deux jours et va rythmer la vie des équipes pour le trimestre qui vient. Un trimestre lui-même séquencé en six sprints.
L'équipe en charge du futur moteur de prise de paris est mise sur le grill par le DSI et le RTE, le Release Train Engineer, chargé des livraisons en production et de la gestion des risques. « Là, on a l'impression qu'on va réaliser beaucoup de choses, mais que ce n'est qu'à la fin qu'on verra où on atterrit réellement », pointe Ludovic Mainfroid, le RTE du train dit PPO (pour prises de paris et opérations), poussant l'équipe à définir des jalons intermédiaires. D'autant que le sujet est central pour une société qui génère 90% de son activité avec les courses hippiques.
Ludovic Mainfroid (en polo gris), le TRE du train PPO, discute des objectifs que s'est fixée l'équipe en charge du moteur de prise de paris. Objectif : la pousser à fixer des jalons intermédiaires dans le courant du trimestre. (Photo : R.F.)
En concertation avec la direction métier correspondante, représentée par Alexandra Efé, la directrice de la transformation commerciale, Stéphane Boulanger donne une note de priorité sur 10 aux différents objectifs que vient de présenter l'équipe. « Celui-là, c'est coeur business donc c'est 10. On a hâte de voir les prochaines démos ! », tranche le DSI avant de rejoindre l'équipe en charge de Kiwi, le terminal de prise de paris actuellement déployé dans les points de vente, puis celle en train de développer Mango, le futur modèle de bornes dont les premiers exemplaires seront en production fin août. Si ce galop d'essai est concluant, ce sont 10 000 à 15 000 bornes Mango qui seront, à terme, mises en service.
PI Planning : un rituel sur deux jours
Dans chaque réunion, le Product Owner, à la tête d'une team agile (la plupart comptent entre 7 et 9 collaborateurs), défend les objectifs que son équipe s'est fixé. Des objectifs discutés et réévalués. « La supervision du parc de bornes en production, je lui donne un 8/10 car on en a besoin pour la prochaine étape », lance Alexandra Efé. En cette seconde journée du 13ème PI Planning rythmant la refonte en profondeur des systèmes du PMU, la plupart des objectifs ressortent à des niveaux élevés. « Nous sommes sur une refonte lourde des systèmes d'information, en pleine période critique, avec des enjeux réels », observe le DSI.
L'équipe agile en charge terminal de prise de pari Kiwi, le modèle actuellement déployé dans les points de vente (au premier plan), est réunie pour présenter les objectifs de son plan pour le trimestre qui vient. (Photo : R.F.)
Les deux journées du PI Planning obéissent à un rituel désormais bien installé au sein du PMU. « Tout commence par un mot des sponsors de ce programme de transformation. Avec le Comex, nous réaffirmons les priorités de l'entreprise. C'est important, car nous intégrons en permanence de nouveaux salariés », reprend le DSI. En pleine logique de réinternalisation des compétences technologiques, l'IT de PMU s'est donné pour objectif de recruter 96 collaborateurs en 2023 (fin juin, une soixantaine d'entre eux avaient déjà rejoint l'opérateur hippique). Puis, la matinée se déroule sur le principe des poupées russes. Avec d'abord la vision des directions métiers (les Business Owners), puis celle des responsables produits (les Product Managers). « Ceux-ci déroulent leur feuille de route sur 9 mois pour donner suffisamment de visibilité. Sur le premier trimestre, ce plan est assez fermé, car un PI Planning se prépare. Puis, sur le second et surtout sur le troisième trimestre, le niveau de confiance baisse, car les fonctions décrites n'ont pas encore bénéficié d'un travail de conception détaillé et d'une analyse des dépendances et complexités », détaille le DSI.
Réunion d'arbitrage et agrégation des objectifs dans un plan global
Ce premier tour d'horizon permet à chaque équipe produit d'affiner sa feuille de route, pour proposer, à l'issue du premier jour, un plan à trois mois. « Le soir même, ces plans sont revus par les directions métier, responsables des trains et sponsors du programme. Un comité d'arbitrage qui suggère des ajustements », explique le DSI. « Dans ce comité, nous nous obligeons à raisonner collectif, et à isoler les points de contention », ajoute Christophe Gorgeot, le directeur technique du train PPO. Ces arbitrages sont ensuite communiqués aux équipes produit, afin qu'elles ajustent leurs orientations au cours de la matinée de la seconde journée.
Ces objectifs du trimestre à venir sont ensuite discutés, équipe par équipe, afin d'être priorisés par le sponsor IT et métier. Avant, à la fin du second jour, d'être agrégés dans une modélisation de chaque train (gérée dans le logiciel Miro), chaque équipe associant alors une note sur 5, matérialisant sa confiance dans le cap fixé. « Si cette note est inférieure à 3, ce plan peut être retravaillé. D'ailleurs, le PI Planning peut s'étirer sur un troisième jour en cas de besoin, une option que nous n'avons jamais utilisée jusqu'à présent », indique le DSI. Entre deux PI Plannings, ces objectifs servent à mesurer la performance du delivery, au travers d'indicateurs déclinés équipe par équipe (sur la vélocité, la part d'objectifs atteints, le nombre de fonctionnalités livrées). « Ce qui nous permet d'améliorer la prédictibilité de nos résultats vis-à-vis des attentes des métiers », précise Stéphane Boulanger. Actuellement, la DSI tient plus de 85% des objectifs sur les deux trains.
Le secret des trains qui arrivent à l'heure
Chaque train possède sa propre équipe chargée de la coordination. Sur PPO, un sujet central pour le PMU qui entend remplacer sa production aujourd'hui basée sur un patrimoine Cobol par un tout nouveau système hébergé par AWS (voir encadré), les rênes sont confiées à Christophe Gorgeot, un ancien de la Stime (le DSI des Mousquetaires), comme Stéphane Boulanger. Ce dernier peut s'appuyer sur un RTE, un System Architect - qui dirige l'équipe d'architecture embarquée dans le train afin de traiter les questions de performance et de sécurité au plus tôt dans le processus de développement - et un responsable du delivery, en charge des plans de mise en production. Signalons que le train PPO s'avère particulièrement complexe puisqu'il doit à la fois gérer le fonctionnement quotidien sur le système Legacy et la mise sur pied du nouvel environnement sur le cloud, soit un budget de construction de plusieurs millions d'euros.
Lors du second jour du PI Planning, Stéphane Boulanger, le DSI, passe auprès de chaque équipe agile avec le sponsor métier, afin de discuter des objectifs qu'elle propose et de les arbitrer, en leur attribuant une note de priorité. (Photo : R.F.)
« Le secret des trains qui fonctionnent tient dans la force des binômes métier-IT qui sont constitués, assure Christophe Gorgeot. Et le secret des trains qui durent réside dans la capacité à se ménager un sprint tampon, car la démarche demande beaucoup d'énergie aux équipes. » Au sein du PMU, cette respiration a été baptisée B.API (prononcez 'be happy'). Placé à la fin de chaque trimestre de production, ce sprint est consacré à l'absorption des retards, à la formation et à l'innovation. Autre élément essentiel pour éviter de voir les trains dérailler selon le directeur technique : l'outil de planification matérialisant l'enchaînement des tâches et les dépendances entre les produits et développements. « Car, au fil du trimestre, nous allons passer notre temps à nous adapter à partir de ce plan de départ », note Christophe Gorgeot.
« Gérer les adhérences entre équipes »
Vue en interne comme un atout pour recruter, la méthodologie Safe a été proposée par Stéphane Boulanger dès son arrivée au sein du PMU. Avec un premier train, PPO, qui s'est lancé dès septembre 2020, rejoint par le second (dédié à l'expérience client et aux partenaires), qui a démarré en janvier de l'année suivante. « La méthodologie est une boîte à outils qu'il faut adapter à l'entreprise », dit Ludovic Mainfroid. Le PI Planning n'étant qu'un outil parmi d'autres. « Il sert avant tout à gérer les adhérences entre les équipes. Le plan qui en sort n'est pas figé. La méthodologie prévoit d'autres cérémonies qui ont chacune leurs objectifs propres », reprend le RTE, qui est lui-même formateur Safe. Même si cet événement trimestriel reste fédérateur à l'échelle de l'entreprise. « La direction générale me parle régulièrement du PI Planning », glisse Stéphane Boulanger.
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