Le marché des semi-conducteurs est régulièrement marqué par la sortie et l’entrée de nouveaux acteurs : 3Dfx, Transmeta, ARM, Mips ou encore Alpha. Et à l’avenir, il faudra peut être aussi compter avec le français Kalray qui vient de réussir une levée de fonds de 10 millions d’euros avec le concours de Definvest, le bras armé de Bpifrance pour le compte du Ministère des Armées, et Alliance Ventures, le véhicule capital-risque de Renault-Nissan-Mitsubishi, et des actionnaires existants. Pour quoi un tel assemblage pour financer le développement de puces dédiées aux charges de travail massivement parallélisables (256 cœurs à 600 MHz et 128 coprocesseurs dédiés au chiffrement pour la puce MPPA 2-256 Boston de seconde génération) – mais très économe en énergie (5 watts en moyenne).
Depuis plusieurs années, Transmeta au début des années 2000 ou encore ARM 10 ans après, des fournisseurs se sont penchés sur la maitrise de la consommation des processeurs avec comme objectif annoncé : faire mieux qu’Intel et AMD sur le marché x86 (applications commerciales et HPC). Celui des terminaux mobiles est aujourd'hui largement dominé par ARM qui tente pourtant depuis plusieurs années de percer sur celui des serveurs, avec l’aide de Qualcomm et Texas Instruments, mais sans succès pour l’instant faute de véritable écosystème logiciel (distribution, SDK et programmes 64 bits). Reste les systèmes embarqués et le HPC, où les puces ARM ont marqué des points notamment dans l’automobile où les processeurs, DSP et autres ASIC se sont multipliés pour assurer des fonctions de sécurité, de conduite assistée et de d’infodivertissement. Le monde du calcul haute performance n’est pas en reste même si aujourd’hui ce sont les GPU qui ont le vent en poupe grâce aux efforts constants de Nvidia dans ce secteur.
Un compilateur pour porter les applications en C
Fondée en 2008 (une émanation du CEA en fait), en redressement judiciaire en aout 2013 et remis sur les rails par ACE Management, CEA Investissement et des investisseurs privés (dont Eurekap) en 2014, Kalray est aujourd’hui installée près de Grenoble à Montbonnot et emploie une soixantaine de personnes. La société arrive avec sa troisième génération de puces baptisé MPAA3 Coolidge qui repose sur la microarchitetcure MPPA Manycore associée au compilateur MPPA Accesscore pour porter des applications écrites en C sur une distribution Linux adaptée. Pour percer sur les marchés du chiffrement, du contrôle industriel, des systèmes embarqués (automobile et aéronautique), de l’apprentissage machine ou encore du calcul intensif, Kalray compte sur sa dernière puce gravée en 16 nm chez TCMC (contre 28 nm pour les Bostan de 2e génération). La Coolidge intègre 64 ou 128 cœurs 64 bits, épaulés par 60 ou 160 coprocesseurs destinés à accélérer les algorithmes de chiffrement, d’apprentissage machine ou de reconnaissance optique. La vitesse d’horloge des puces Coolidge devait attendre 1,2 GHz pour offrir une puissance de calcul de 5 teraflops et 9 Tops, avec une consommation électrique de 20 W. Une puce Intel Xeon D-2100 gravée en 14 nm (Skylake DE) - destinée au monde de l’embarqué et à l’edge computing - reste toujours plus performante mais avec une consommation de 86 W pour la D-2191 avec 18 cœurs cadencés à 1,6 GHz (3 GHz en mode turbo). Sans oublier les Xeon Phi qui sont également massivement parallèles avec 72 cœurs x86 pour le 7290.
Intel a soigné l'intégration de sa puce Xeon D-2100 pour séduire les marchés de l'hyperscale mais également de l'embarqué.(crédit : Intel)
Si Intel a affiché de grandes ambitions sur le marché des systèmes embarqués depuis le rachat de Mobileye pour un peu plus de 15 milliards de dollars et Nvidia de sérieux progrès dans ce même secteur avec la sortie de sa carte Drive PX Pegasus qui embarque plusieurs GPU Volta, le plus grand concurrent de Kalray reste ARM qui vent le design de ses puces à Apple, Qualcomm, Samsung, Texas Instruments... Reste qu’avec un tour de table qui se monte aujourd’hui à 21 millions d’euros selon Crunchbase, on voit mal comment le petit poucet français réussira à faire son nid face à des géants comme Intel, Nvidia et ARM, désormais dans le giron de Softbank. Et, ce, même avec le soutien de Renault-Nissan et du ministère des Armées.
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