La séparation comptable d'Intel entre ses activités de fonderie (fabrication de puces) et ses activités de vente de processeurs montre qu'il y a toujours plus d'argent à gagner en vendant les puces qu'en les fabriquant, même après plusieurs années de baisse dans les ventes de PC. Par rapport à l'année précédente, Intel a annoncé un chiffre d'affaires global en baisse de 14 %, à 54,2 milliards de dollars, pour l'exercice fiscal se terminant le 30 décembre 2023. Le bénéfice net s'est élevé à 1,7 milliard de dollars, la majeure partie provenant de gains d'investissement, d'intérêts et de remboursements d'impôts, le bénéfice d'exploitation ne représentant que 93 millions de dollars. Mais ce petit chiffre cache deux résultats extrêmement différents pour les activités de fabrication et de vente de puces d'Intel, comme l’a révélé mardi le document publié par la nouvelle structure d'information financière de l’entreprise. Le bénéfice d'exploitation d'Intel Products (y compris les puces pour les ordinateurs portables, les ordinateurs de bureau, les centres de données, les applications d'IA, les réseaux et l'informatique edge) s'est élevé à 11,3 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 47,7 milliards de dollars. En revanche, Intel Foundry, la division qui fabrique les puces propres à Intel et celles de certaines autres entreprises, a enregistré une perte d'exploitation de 7 milliards de dollars, contre 5,2 milliards de dollars un an plus tôt, tandis que son chiffre d'affaires a diminué de 31 %, à 18,9 milliards de dollars.
Encore des pertes à venir
Mardi, le CEO d'Intel, Pat Gelsinger, a clairement indiqué aux investisseurs et aux analystes qu’ils devaient s’attendre à des pertes significatives dans le secteur de la fonderie en 2024, et que l’activité n'atteindra probablement pas le seuil de rentabilité avant au moins 2027. « 2024 marque un creux dans les pertes d'exploitation de la fonderie », a-t-il déclaré aux investisseurs après l'annonce des résultats d'Intel ce même jour. « Nous sommes déterminés à être le deuxième fondeur d'ici à la fin de la décennie. D'ici là, nous atteindrons le seuil de rentabilité de notre marge d'exploitation à peu près à mi-parcours, puis nous améliorerons notre marge d'exploitation tout au long de la période ». Selon M. Gelsinger, deux facteurs majeurs expliquent les difficultés persistantes d'Intel : la baisse des ventes de PC équipés de puces Intel après la hausse des achats pendant la pandémie de COVID-19, et la faible part de marché de l'entreprise pour les puces destinées à accélérer l'entraînement des modèles d'IA. « Nous pensions également que nos gains de parts de marché dans le domaine des accélérateurs seraient plus importants que ce que l’on voit aujourd'hui », a-t-il déclaré. « Ces deux grands facteurs n'ont pas été pris en compte auparavant ».
Optimisme prudent sur l'avenir de la fonderie
Cependant, M. Gelsinger s'est montré d’un optimisme prudent sur l’impact des mesures prises par l’entreprise pour stimuler la croissance des bénéfices dans le secteur de la fabrication, alors qu’Intel repositionne son activité de fonderie pour fabriquer non seulement ses propres puces, mais aussi des puces pour d'autres entreprises. « Nous avons préféré rester très raisonnables et modestes sur notre activité principale, qui demeure en quelque sorte le cœur de notre activité, avec un taux de croissance à un chiffre moyen ou faible », a-t-il déclaré aux investisseurs et aux analystes. « De plus, certaines améliorations ou une croissance supplémentaire du chiffre d'affaires pour notre activité de fonderie que l’on peut également observer au cours de ce cycle, nous amènent à un taux de croissance global à un chiffre compris entre le milieu et le haut de la fourchette de notre prévision ».
AMD, rival de longue date d'Intel dans le domaine des puces, a séparé son activité de fabrication sous le nom de GlobalFoundries en 2009, et a vendu le reste de sa participation en 2012. Au contraire, plutôt que de se séparer de son unité de fonderie, Intel a décidé, en 2021, de rassembler son activité de fabrication et de processus dans une entité de fonderie distincte au sein de l'entreprise, dans le cadre de son projet Integrated Device Manufacturing (IDM) 2.0. Gaurav Gupta, analyste vice-président de l'équipe des tendances et technologies émergentes du Gartner Group, estime que c’était une bonne décision, et qu’elle devrait contribuer à augmenter les marges futures d'Intel à mesure que l'entreprise gagne en efficacité dans cette activité.
Cette stratégie « offre également plus d’options aux groupes de produits qui développent des processeurs pour diverses applications, d'avoir un choix ouvert de fonderie et d'être plus efficaces en termes d’exigences en matière de tests et d'échelonnement des wafers », a ajouté M. Gupta. Pareekh Jain, CEO de Pareekh Consulting, est du même avis. Le plan d'Intel en matière de fonderie est bon, mais son succès dépendra de sa mise en œuvre, en particulier de la rapidité avec laquelle l'entreprise pourra construire de nouvelles capacités et améliorer l'utilisation. « La marge de fonderie d'Intel s'améliorera avec l'amélioration de la technologie, l'augmentation de l'utilisation et l'efficacité du capital et des coûts dans les nouvelles fabs », a déclaré M. Jain.
Des stratégies contradictoires ?
« Cependant, même si Intel développe son activité de fonderie, elle continuera à externaliser la fabrication de certaines puces, soit pour des raisons de coût/performance, soit simplement parce que la firme de Santa Clara ne fabrique pas tout ce qui est nécessaire à ses produits », a fait remarquer M. Gupta. « Cette situation pourrait entrer en conflit avec le plan ultime d'Intel qui vise à augmenter son empreinte de fabrication et à se recentrer sur la fabrication afin de réduire sa dépendance à l'égard des fonderies externes et de regagner ainsi la confiance des clients », a-t-il ajouté. « L'une des préoccupations actuelles concernant l'externalisation vers des fonderies externes est qu'elle témoigne d'un manque de confiance dans sa propre fabrication, ce que certains clients potentiels d'Intel remettent en question », a pointé M. Gupta. En effet, le fait qu'Intel continue de faire appel à des partenaires externes comme TSMC, à Taiwan, « contredit la position de l’entreprise qui consiste à développer une chaîne d'approvisionnement nationale résistante pour les clients sans usine aux États-Unis », a-t-il déclaré, d'autant que, pour ce faire, le fabricant de puces « reçoit des sommes considérables au titre du Chips Act ». 20 milliards de dollars pour la dernière aide !
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