Entretien avec François Boucher, DSI de la Société Générale CIB (Corporate & Investment Banking, banque de financement international de la Société Générale, 10 000 collaborateurs environ). Ce dernier entend renforcer son département avec 200 personnes d'ici à la fin de l'année. Il insiste la nécessité d'avoir des collaborateurs qui soient capables de comprendre et de répondre aux besoins métier des utilisateurs. Quels profils composent la DSI que vous dirigez ? Le département que je dirige regroupe 2000 collaborateurs dans le monde, dont 1300 en France. Nous visons à accroître nos effectifs d'environ 10% d'ici à la fin de l'année pour atteindre 2200 personnes. Nous avons essentiellement des ingénieurs de niveau bac+5 qui occupent les métiers classiques que l'on trouve dans une direction des systèmes d'information: des spécialistes du support, de la production, des infrastructures, des architectes, des chefs de projet, des « business analysts » qui travaillent en maîtrise d'ouvrage. Nous avons également des pôles d'expertise sur des sujets comme « les données et les flux de marché », « l'accès aux bourses et aux marchés électroniques », « le Grid Computing », etc. La moyenne d'âge du service est de 32,5 ans avec une grande dispersion. Quelque soient les spécialités de nos collaborateurs, nous ne leur demandons pas d'être des experts techniques, mais d'avoir un intérêt pour les métiers de la banque. Ils doivent pouvoir parler le langage des utilisateurs pour comprendre leurs besoins et le traduire en solution informatique. Quelles sont les spécificités de l'activité informatique liées au métier de SG CIB ? Nous avons par exemple des activités qui démarrent sans que nous sachions à l'avance quels volumes de données seront traités. Dans chaque métier, des offres test sont régulièrement lancées. Si elles marchent et sont maintenues, nous devons créer leur chaîne de production en même temps qu'elles sont vendues, inventer le système qui permet l'industrialisation de leurs traitements, sachant que les volumes peuvent exploser très vite. Dans l'activité de courtage, nous sommes par exemple passés de quelques centaines de milliers à plus d'un million de passage d'ordres par jour sur la fin du semestre. Il faut donc savoir en peu de temps accroître la capacité de l'infrastructure, la performance des logiciels, etc. tout en gardant des temps de réponse qui soient acceptables et compétitifs. Ce contexte nous conduit à revoir constamment nos processus. Quels sont vos grands axes de travail ? Sur le plan technologique, l'un de nos principaux défis est d'améliorer en permanence nos capacités et nos performances de calcul. Cela se traduit par l'ajout de 1000 serveurs par an, la nécessité de résoudre les problématiques d'adaptation des infrastructures et de traitement des données associées, la maîtrise des risques liés à l'inflation des besoins, la capacité à trouver des solutions pour livrer le résultat attendu. L'autre défi est de renforcer nos systèmes de traitement des lignes métier, en livrant des systèmes mondiaux industriels, ce qui suppose d'intégrer et d'industrialiser davantage. Enfin, il nous faut apporter des réponses à l'ensemble de ces problématiques, tout en restant très réactif sans brider notre capacité d'innovation, et inscrire ces évolutions dans un cadre qui garantit une fiabilité et une sécurité sans faille. L'autre challenge est d'être à l'écoute des besoins des utilisateurs. Prenons l'exemple d'un métier que nous servons : les banquiers conseils. Ils constituent une population nomade qui a besoin de son environnement de travail informatique et d'accéder à des outils informatiques distants. Nous nous efforçons d'avoir un dialogue avec eux pour comprendre leurs besoins et leur proposer une package de services (par exemple comprenant PDA pour accéder à leur logiciel, bientôt la téléphonie sur IP, etc.) que l'on fait évoluer en permanence. Leurs demandes nous amènent à proposer des choses que nous n'aurions pas suggéré spontanément en raison des problèmes de sécurité que cela pose. Quelles compétences attendez-vous chez vos collaborateurs ? J'attends de mes collaborateurs qu'ils sachent comprendre des besoins, des enjeux, apporter des idées et faire preuve d'initiatives. Nous ne sommes pas dans une culture d'exécution. Nous avons besoin de personnes mûres, ayant le sens des responsabilités et qui savent expliciter les risques associés à leurs propositions. Nous gérons du risque en permanence. Lorsque nous n'avons pas le temps d'attendre pour une mise en production et que nous prenons un risque, alors nous le faisons en accord avec le client. Nous sommes à ce titre des vrais partenaires du business, nous travaillons dans une logique d'équipier, ce qui est passionnant. C'est pourquoi nous cherchons des collaborateurs qui ne soient pas des purs techniciens, mais qui aient cette ouverture à nos métiers. Quelle est votre politique de recrutement ? Traditionnellement, nous recrutions plutôt des personnes expérimentées car nous avions constaté que les jeunes ingénieurs ne savaient pas encore ce qu'ils souhaitaient faire. Aujourd'hui, nous remarquons au contraire, notamment via les stages, que les jeunes sont plus matures. Nous sommes donc plus agressifs sur le marché du premier emploi. D'ici à la fin de l'année, nous souhaitons recruter entre 30 à 50 jeunes diplômés et 60 à 70 jeunes expérimentés et experts. Les écoles d'ingénieurs et d'informatique constituent l'une de nos voies de recrutement privilégiées. Mais nous sommes aussi attentifs aux niches de compétences et aux profils issus des écoles de commerce par exemple, qui font partie des sources d'embauche de façon grandissante. Nous ne négligeons pas non plus la voix de nos prestataires informatiques, qui était historiquement majoritaire pour les recrutements. Ce n'est plus le cas à présent car nous ne souhaitons pas internaliser 100% de nos capacités informatiques. Il est intéressant d'avoir un équilibre entre des collaborateurs de SG CIB et des prestataires externes.
« Il faut savoir expliquer les risques liés à ses propositions d'action »
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