Promise à révolutionner l’informatique telle qu’on la connaît aujourd’hui, l’informatique quantique n’apparaît encore souvent que comme un lointain objectif au bout d’un long chemin. Pour embarquer le plus de monde dans ce périple, IBM cherche à concrétiser les étapes qui y conduisent en présentant ses feuilles de route, démarche qu’il qualifie lui-même d’audacieuse. Une première roadmap matérielle, mi-septembre, traçait la voie vers un objectif à plus de 1000 qubits en identifiant les défis qui vont se poser en cours de route et en proposant des solutions. Cette fois, c’est sa roadmap pour bâtir un écosystème ouvert de logiciel pour le quantique qu’IBM présente. « En tant que scientifiques, ce n’est pas une décision facile de rendre publique une feuille de route aussi transparente », reconnaît Jay Gambetta, vice-président IBM Quantum, dans un billet. Mais l’effort vers l’informatique quantique est « gargantuesque », souligne-t-il. « Nous devons intégrer les 50 dernières années de leçons tirées de l’informatique classique pour accélérer l’intégration des systèmes quantiques et classiques à un rythme astronomiquement rapide ».
Pour bénéficier d’un développement collaboratif, IBM table sur la contribution de la communauté open source mondiale et s’attend à ce que les développeurs travaillent sur trois segments-clés : d'abord le noyau quantique, au niveau le plus bas, puis les algorithmes quantiques et, enfin, les modèles quantiques pour appliquer ces algorithmes au cas d’usage réels. Parmi les acteurs engagés à ses côtés, IBM cite notamment CQC, Cambridge Quantum Computing, Aliro Quantum, Unitary Fund, Strangeworks et l’Institut d’architecture des systèmes d’application à l’Université de Stuttgart. En livrant sa feuille de route de développement logiciel, IBM dit vouloir donner aux développeurs de ces trois segments les outils dont ils ont besoin pour produire les meilleurs circuits, algorithmes et modèles en maximisant les opportunités de collaboration.
Un millier de Qubits pour le processeur Condor. (Crédit : IBM) Agrandir la roadmap
Accélération par 100 des workloads sur l'exécution itérative de circuits
En ce moment, IBM réalise des mises à jour importantes sur le développement d’API de circuits pour les développeurs de noyau quantique qui écrivent du code de bas niveau. Cette année, il prévoit de lancer Qiskit Runtime, un environnement d’exécution qui permettra d’exécuter plus de circuits à un rythme beaucoup plus rapide avec la capacité de stocker des programmes quantiques pour que d’autres utilisateurs puissent les exécuter en tant que services, explique Jay Gambetta. « Le runtime de Qiskit repense la charge de travail quantique classique afin que les programmes soient téléchargés et exécutés sur du matériel classique situé à côté du matériel quantique, en réduisant les latences provenant de la communication entre l'ordinateur de l'utilisateur et le processeur quantique », décrit le vice-président d’IBM Quantum. Les améliorations attendues devraient multiplier par 100 la vitesse des charges de travail qui exploitent l’exécution itérative des circuits. Des tâches qui demandent aujourd’hui des mois ne devraient prendre que quelques heures. Le système développé par IBM va non seulement accroître ses capacités mais également prendre en charge une plus grande variété de circuits, ce qui permettra d’aborder des problèmes aujourd’hui inaccessibles.
En 2022, la feuille de route d’IBM prévoit que des interfaces logicielles, telle la mise à jour d’OpenQASM3, langage assembleur annoncé en décembre, et d’autres avancées techniques, permettent aux développeurs travaillant sur le noyau quantique d’exécuter des circuits de façon dynamique. « Ceux qui incorporent à la fois les instructions classiques et quantiques et qui ont besoin d’être exécutés dans le temps de cohérence des qubits », détaille Jay Gambetta. En 2023 et au-delà, IBM prévoit de lancer des bibliothèques de circuits et des systèmes de contrôle avancés pour manipuler d’importants fabrics de Qubits. « Cela offre à nos développeurs de noyaux quantiques de tirer pleinement avantage du matériel avec un millier de qubits ou plus », projette l’IBM fellow (distinction accordée par IBM à des ingénieurs ayant atteint un très haut niveau d’expertise).
En 2023, des environnements d'exécution prédéfinis pour divers domaines
Les développeurs d’algorithmes quantiques ont pour leur part d’autres préoccupations. Pour eux, IBM travaille sur d'autres outils de mise en oeuvre des circuits quantiques et sur des modules d’applications qui faciliteront leur exploration dans les domaines des sciences naturelles, l’optimisation, l’apprentissage machine et la finance. En 2023, la feuille de route prévoit de leur apporter des familles entières d’environnements d’exécution prédéfinis pour ces différents domaines qui pourront être appelés à partir d'une API cloud à l'aide des frameworks de développement courants.
IBM estime qu’en 2025, l’informatique quantique pourra s’opérer sans friction sur un matériel qui ne posera plus de problèmes aux développeurs. « Nous espérons que d’ici 2030, les entreprises et les utilisateurs exploiteront des milliards, si ce ne sont des milliers de milliards de circuits quantiques par jour, peut-être sans même se rendre compte qu’ils le font », conclut Jay Gambetta.
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