Encore aujourd'hui, les promotions sur catalogue représentent un quart du chiffre d'affaires alimentaire de Carrefour dans ses supermarchés et hypermarchés. Ces deux formats de magasins pesant un CA total d'un peu plus de 5,3 Md€ sur les 94,1 Md€ du groupe en 2023. Un constat simple qui montre l'importance centrale de cet outil marketing spécifique pour le grand distributeur et qui le conduit à continuer de s'y intéresser avec de la data et de l'IA. Cela passe par un outil d'aide à la décision spécifique appelé Carrefour promo optimizer (CPO), qu'il a lui-même développé et déployé.
À l'occasion du salon Big Data et IA 2024, Arnaud Grojean, european chief data and analytics officer, et François Morand, directeur métiers au sein de la digital factory de l'enseigne, ont rappelé que Carrefour exploitait déjà, depuis plusieurs années, non seulement la data, mais aussi l'IA. Pour la prévision des ventes, la gestion des approvisionnements et des stocks en magasins, l'optimisation des rayons, les prévisions au plus juste sur les produits frais, l'aide au pilotage des caisses, etc. « 80% des produits présentés au consommateur sur carrefour.fr sont issus d'une recommandation par l'IA », précise par exemple François Morand. « Mais aujourd'hui, nous voulons porter un effort plus important sur l'animation commerciale. Or, l'un des principaux leviers en la matière, ce sont les promotions en catalogue ».
Un cycle de décision annuel à optimiser
Le processus décisionnel qui conduit au plan de promotions catalogue de Carrefour est un cycle qui se répète chaque année. Et c'est bien celui-ci que les équipes data de Carrefour ont cherché à optimiser avec l'outil CPO. Ce process comprend l'orientation de la stratégie promotionnelle, les recommandations de cadrage du plan promotionnel, le choix des promotions proprement dit, la définition du modèle prédictif de performance, la recommandation d'optimisation de performance et l'analyse post-mortem de celle-ci. « Et nous avons réussi à introduire notre outil CPO à toutes les étapes de ce cycle », insiste François Morand. En commençant par l'analyse post-mortem et en terminant par les recommandations d'optimisation de la performance.
Chaque catalogue est ensuite conçu en 4 étapes également à partir de ces data. La détermination du thème (Pâques, Noël, Italie, etc.) pour sa structuration, la définition du nombre de promotions et leur répartition, le choix des promotions les plus performantes en fonction entre autres de la connaissance globale des clients et, enfin, la construction de l'offre proprement dite (mécanique et prix) avec les fournisseurs. Le groupe édite 150 catalogues par an comportant au total 32 000 promotions. Beaucoup de catalogues arrivant encore sous forme papier dans les boîtes aux lettres des consommateurs.
Machine learning et expertise métier
Comme le précisent Arnaud Grojean et François Morand, pas de deep learning, ni de transformeurs complexes pour cette solution, mais des techniques classiques de machine learning ou de la bonne vieille régression linéaire, par exemple. Sans oublier des années, voire des décennies, d'expertise des équipes marketing. Celles qui savent que, lorsqu'un consommateur achète un produit en promotion, cela induit bien entendu des effets de volume et de prix, mais aussi des effets secondaires. Le client ne va par exemple pas acheter l'équivalent du produit qu'il consomme habituellement, et ce, peut-être pendant un certain temps. « Une promotion est aussi un moyen d'attirer les consommateurs, en particulier les nouveaux, en magasin », comme le rappelle François Morand. Autant de variables à mesurer et prendre en compte. Autre exemple, les équipes Carrefour ne calculent pas le chiffre d'affaires brut résultant d'une promotion, mais son apport dans un catalogue produit, un magasin et une enseigne spécifiques.
Qui plus est, dans ce contexte global, comme François Morand l'indique : « plus que l'algorithme, c'est la data qualifiée en entrée qui importe. Il s'agit des référentiels de produits, bien sûr, mais aussi d'un historique très granulaire des ventes, d'informations détaillées sur les promotions les plus efficaces (localisation, contexte, etc.) ».
La preuve par l'exemple pour embarquer les métiers
Enfin, Arnaud Grojean a rappelé qu'il s'agissait d'une démarche progressive, en particulier parce que la face cachée de l'iceberg d'un tel projet, comme souvent, réside dans la façon d'embarquer les équipes. « Il faut s'assurer d'une adoption totale à chaque étape », insiste le chief data and analytics officer. Et pour cela, il faut démontrer à ces professionnels qui connaissent la promotion catalogue sur le bout des doigts que le CPO, la data et l'IA apportent une réelle valeur ajoutée. Si le CPO n'a « rien inventé en matière d'analyse des promotions », comme le reconnaît Arnaud Grosjean, il a amélioré les modèles d'analyse et la mesure post-mortem de performance, par exemple. En donnant aux utilisateurs accès aux mesures des promotions passées et à leur analyse,
Les équipes data et métiers ont aussi conçu des modèles apprenants à partir des mesures de performance du passé pour que les utilisateurs puissent jouer des scenarios de nouvelles promotions similaires et en évaluer le potentiel. Aujourd'hui, Carrefour optimise l'ensemble de ses promotions avec l'IA et en a déjà modifié 5000 sur les 32 000 qu'il propose dans ses catalogues chaque année.
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