Hewlett Packard Enterprise (HPE) et le géant de l’équipement automobile Continental lanceront cette année une plate-forme basée sur la blockchain qui permettra aux constructeurs de voitures de partager et de vendre leurs données. Grâce à cette capacité de partage sécurisé d'informations, les industriels du secteur pourront « monétiser leurs données et différencier leurs marques », mais aussi offrir des services aux conducteurs, comme des alertes en temps réel sur les conditions de circulation et la localisation de places de stationnement. « Plusieurs écosystèmes numériques existants permettent le partage de données sur la base d'un modèle intermédiaire, où les propriétaires de plates-formes coordonnent de manière centralisée les flux de données et la monétisation. Basée sur une architecture blockchain décentralisée, la plate-forme de HPE et de Continental offre une approche complémentaire », ont déclaré les deux entreprises au Mobile World Congress de Barcelone (25 au 28 février).
Les constructeurs automobiles continuent de stocker les données dans leurs propres datacenters et partagent uniquement certaines d'entre elles en direct avec un acheteur particulier. HPE et Continental font valoir que leur approche étend la souveraineté des données à tous les participants de l'écosystème, tout en offrant une procédure « hautement efficace et sécurisée pour la monétisation des données des véhicules », ajoutent-ils. Les deux partenaires ont insisté sur le fait que l'échange de données sur les véhicules ne se ferait qu’avec le consentement du conducteur. Ils prévoient de doter la plate-forme d'un système intégré de gestion des consentements avec, pour les conducteurs, un système d’acception et de rétractation (opt-in/opt-out) facile à gérer, le tout conforme au RGPD et aux autres obligations réglementaires de protection des données.
De la blockchain « on the road »
L'activité de services de HPE, Pointnext, et la division Interior de Continental fourniront également des services supplémentaires pour faciliter l'échange de données et intégrer les informations des véhicules dans les systèmes back-end des constructeurs automobiles. D’après ce qu’ont déclaré les deux entreprises, la plate-forme permettra « l'interconnexion de multiples écosystèmes, centralisés et décentralisés ». Par ailleurs, « le partage entre les fournisseurs de données sur les véhicules pourrait contribuer à résoudre certains problèmes de circulation complexes et améliorer l'expérience du conducteur en tirant parti de la puissance de l'intelligence distribuée », a déclaré Phil Davis, président de l’IT hybride chez HPE. « Avec Continental, nous fournissons la clé pour débloquer la valeur de ce trésor d'informations, non pas en prenant le contrôle sur les données, mais en donnant le contrôle aux conducteurs et aux constructeurs automobiles », estime M. Davis.
Le potentiel des systèmes liés à la blockchain pour l’exploitation des données des véhicules est reconnu depuis un certain temps, mais la mise en œuvre ne fait que commencer. Depuis plusieurs années, Toyota travaille sur une technologie de type blockchain pour transmettre en toute sécurité des informations entre les véhicules et les réseaux routiers. À la fin de l'année dernière, General Motors a déposé un brevet pour gérer les données des véhicules autonomes. Selon le brevet, le système « utilise la blockchain pour distribuer entre plusieurs entités des informations sur des événements liés au fonctionnement du véhicule ». L'an dernier, BMW, General Motors, Ford et Renault ont fondé MOBI (Mobility Open Blockchain Initiative), un groupe dont l’objectif est « d'utiliser la blockchain et les technologies associées pour rendre la mobilité plus sûre, plus écologique et plus accessible ».
Etablir les responsabilités en cas d'accident
Certains envisagent aussi d’utiliser la technologie blockchain pour établir les responsabilités en cas d'accident impliquant des véhicules autonomes. En effet, ces derniers sont bourrés de capteurs et enregistrent beaucoup de données, suffisamment pour établir de manière juste la responsabilité en cas d’accident - des intérêts sont en jeu sur la disponibilité, le partage et l'exactitude de ces données. La blockchain « peut permettre de définir un nouveau cadre de responsabilité pour les véhicules autonomes car elle fournit un consensus dit ‘trustless’ », ont pointé Raja Jurdak, directeur de la recherche de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO), et ses co-auteurs, dans un article intitulé « A Blockchain Based Liability Attribution Framework for Autonomous Vehicles », publié en 2018.
Le terme « trustless », qui peut paraître ambigu, signifie que le mécanisme de la blockchain introduit un système de confiance distribué qui permet à toutes les parties d’atteindre un consensus basé sur une « vérité canonique ». Le framework proposé - basé sur une blockchain autorisée - rassemble les différentes parties impliquées dans l'« écosystème automobile autonome » comprenant par exemple le constructeur automobile, le fournisseur de logiciels, le technicien d'entretien et le propriétaire du véhicule. En cas d'accident, la blockchain pourrait fournir les « preuves complètes » nécessaires pour établir la responsabilité. HPE et Continental affirment avoir reçu des « avis extrêmement positifs » sur leur nouvelle plate-forme de la part des constructeurs automobiles. « Nous sommes sûrs que notre plate-forme résout le nœud gordien du partage et de la confidentialité des données », a déclaré Helmut Matschi, de la division Interior de Continental.
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