Ce n’est pas une nouveauté mais le rôle prend de plus en plus d’ampleur chez les éditeurs. Le ou la responsable du succès client, ou CSM (pour Customer success manager), est une fonction commune chez les plus grandes entreprises IT, pour accompagner les grands comptes dans leur déploiement de la solution. Mais il ne faut plus le limiter à ce simple rôle et aux fournisseurs les plus importants. Le CSM est en fait une sorte de conseiller centré sur les services apportés à un client particulier. Au sein d’une start-up, il va pouvoir aider l’entreprise à monter en puissance. A l’occasion d’une matinée dédiée, le Syntec numérique a organisé un tour d’horizon de cette fonction, en présence d’éditeurs de toute taille et de clients.
Le rôle d’un Customer success manager évolue donc au fur et à mesure que l’entreprise grossit. Quand ce n’est encore qu’une start-up, l’éditeur dispose de ressources limitées et se doit de traiter le mieux possible ses tout premiers clients. Le CSM est alors à la fois un avant-vente, intégrateur et formateur (l’outil étant souvent encore léger au moment du lancement d’une entreprise), et en charge du support et de la relation client.
Une partie de l'équipe d'Outmind, de gauche à droite : Grace Mehrabe, cofondatrice et CEO ; Arthur Caillaud, cofondateur et CTO ; Louis Gerigeon, chef des opérations (qui a quitté l'entreprise il y a peu) ; et Luis Arias, directeur de l'IA. (Crédit : Outmind)
C’est le cas chez Outmind, start-up vieille d’une petite année qui édite un moteur de recherche connectant tous les outils d’une entreprise (applications, bases de données, mails, etc.) pour faciliter la recherche d’information. Sa cofondatrice et directrice générale, Grace Mehrabe, et son co-fondateur et directeur technique, Arthur Caillaud, sont entourés de deux développeurs, un responsable de l’IA et une CSM et business developper. Les deux fondateurs assurent également ce rôle qui, pour l’instant, est un peu diffus dans toute l’équipe pour prendre en compte et traiter rapidement les retours de la dizaine de clients potentiels qui sont en PoC chez eux. Le suivi de l’expérience client est structuré, avec des points d’étapes sur l’utilisation après une semaine, un mois, etc. Ces retours leur permettent de faire évoluer leur plateforme. Par exemple, une société de conseil en test leur a suggéré de créer des collections agrégeant des éléments issus d’une recherche (documents, mails, etc.) pouvant être partagées en un clic. La fonctionnalité est ainsi en développement et proposée aux autres prospects et clients pour vérifier qu’elle serait utile plus largement.
Délaisser progressivement les fonctions opérationnelles
En phase d’accélération, l’entreprise dispose de ressources plus nombreuses, commence à être présente dans plusieurs villes, régions, et sa base de clients est en forte croissance. « A ce moment-là, il va falloir que le customer success se déleste des parties purement opérationnelles, de support et pre-sales qui seront données à des ressources dédiées », indique Sylvain Guerry, vice-président du customer success pour la région EMEA Nord de SAP. Le CSM va pouvoir alors se concentrer sur l’implémentation, en s’assurant que les meilleures pratiques de l’outil sont fournies aux clients, que l’intégration se passe bien en direct ou avec les partenaires du fournisseur. Il va aussi pouvoir commencer à créer une communauté d’utilisateurs.
La fonction de responsable du succès client commence à prendre aussi une dimension de conseil. Il va alors développer des connaissances métier et donc, dans une logique as a service, essayer de pousser son entreprise à modifier sa solution pour la standardiser en fonction des usages de son client. « Au fur et à mesure que le portefeuille de client grossit, le CSM permet de mieux remonter les retours clients sur le produit. Mais les CSM ne prennent parfois pas en compte la mutualisation du SaaS en voulant développer absolument une fonctionnalité spécifique à leur client » qui ne sera pas forcément utile à tous les utilisateurs de la solution, confirme Benjamin Cadars, directeur produit de PeopleDoc.
Chez PeopleDoc, 15 personnes sont chargés du succès client au sein des équipes de services de l'éditeur.
Les dirigeants de cet éditeur de solutions RH sont persuadés que le CSM booste la croissance de l’entreprise. Il y a six ans, PeopleDoc ne comptait qu’une trentaine de personnes, dont la moitié en R&D pour développer la solution et quelques personnes au commerce, au marketing et une équipe de trois personnes aux services client. Aujourd’hui, le métier qui a le plus évolué dans l’entreprise c’est le CSM, assuré par 15 personnes en Europe. « Plus on investit [dedans] plus on améliore la marge : le revenu augmente et les charges diminuent parce qu’un client formé sollicite moins le fournisseur, parce que des équipes support dédiées coûtent moins cher que des CSM qui font tout, parce que des chefs de projets implémenteront la solution plus rapidement. Donc oui c’est un investissement, mais nous sommes persuadés que c’est par ça que passera la croissance de l’entreprise », explique Philippe Raynaud, directeur Europe de l’Ouest de PeopleDoc.
Une fois que tout fonctionne bien, que fait-on ?
Enfin, pour les éditeurs les plus importants, ayant une large base de clients et de revenus récurrents (SAP, Microsoft, Salesforce, Box, etc.), le CSM reste – comme au départ – un investissement de la part l’entreprise, qui n’est pas payé par le client. Mais son rôle doit alors être bien séparé du service aux clients. Le conseil en stratégie prend alors de l’ampleur et le CSM va souvent s’adresser aux plus grands comptes. Il reste cependant toujours chargé de la gestion de la communauté de clients.
Chez SAP, le CSM intervient différemment selon l’avancée de l’intégration du produit chez l’utilisateur. A l’inscription, il ou elle va assurer la présentation des équipes opérationnelles et orienter le client vers les bonnes ressources SAP. Il est alors en lien direct avec les commerciaux pour vérifier que la solution correspond bien à l’activité du client. En phase d’adoption, le CSM s’assure que l’outil n’est pas laissé de côté par les utilisateurs. Ensuite, une fois que les bonnes pratiques sont répandues, le manager pourra faire appel à des équipes de consulting dédiées pour dresser un état des lieux de l’utilisation de la plateforme par les concurrents de son client, ceci afin de lui donner des clés supplémentaires dans l’utilisation de l’outil.
La dernière phase est souvent oubliée selon Sylvain Guerry : « une fois que tout fonctionne bien, que fait-on ? » Il s’agit alors de valoriser le client, via un programme de fidélité par exemple. Ou de placer l’utilisateur en tant qu’ambassadeur de l’outil. « Les clients deviennent eux-mêmes vendeurs des solutions SAP en témoignant de leur utilisation lors d’événements SAP », note le vice-président customer success. Et ce point se vérifie dans toutes les conventions d’éditeurs, qui font monter sur scène le plus de client possible pour vanter les mérites de leurs outils.
Un intermédiaire aussi en interne
En somme le CSM doit être polyvalent et surtout avoir une connaissance parfaite à la fois des besoins de son client en externe et, en interne, des process de son entreprise et du ou des produits qu’elle vend. Il agit donc comme intermédiaire entre l’éditeur et le client. Avec ce dernier, le manager du succès client vérifie que les bonnes pratiques de la solution sont acquises et utilisées dans les équipes, il est l’interlocuteur privilégié du client et s’assure que ce dernier reste fidèle à son employeur. Et en interne, il est la voix du client, remonte les retours aux équipes produits et est d’ailleurs un maillon clé dans le développement du ou des outils. « A mon sens, le customer success est quasiment mêlé à la gestion de produit », estime Grace Mehrabe. « Aujourd’hui, quand on fait un produit, on ne peut plus se permettre de parler à des dirigeants, faire des listes de fonctionnalités et les livrer sans tenir compte du fait qu’elles soient utilisées ou pas. Ca ne marche pas, parce que derrière, le client reviendra vers nous en disant qu’en fait ses collaborateurs ne l’utilisent pas et il arrêtera le projet. »
D’où un besoin d’avoir une connaissance entière de ce qu’attendent moins les entreprises clientes, que les utilisateurs finaux chez ces clients. Et de vendre les bons outils. Le CSM doit donc, en interne, savoir aussi faire le pont entre les commerciaux et les développeurs. « Ils permettent que tout le monde dialogue puisqu’ils peuvent comprendre les besoins business et les limitations techniques, sans forcément être compétents à 100% dans ces domaines », ajoute la directrice générale d’Outmind. Si bien que parfois, le CSM en vient à connaître davantage le produit que ces concepteurs, indique Benjamin Cadars, directeur produit de Peopledoc.
En tant qu'intermédiaire entre les commerciaux, les développeurs et les clients, le CSM doit avoir de multiples compétences pour dialoguer avec toutes et tous. (Crédit : Stux / Pixabay)
Le tout est donc de bien définir les rôles et missions du customer success pour qu’il ne soit ni trop commercial, ni trop « produit », toujours tourné vers l’utilisateur final. Certains recommandent, par exemple, que le CSM n’évoque jamais les sujets plus tendus du contrat ou de paiement avec le client, pour garder la relation de confiance avec ce dernier. Ces sujets étant réservés aux commerciaux justement… Mais il est aussi important de savoir pourquoi un client est parti. Le CSM doit enfin tenir compte des utilisateurs qui arrêtent d’utiliser la solution qu’il promeut, toujours dans l’optique d’améliorer l’offre et les revenus de son entreprise. Et le succès des autres clients, bien sûr.
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