Pour ce qu’il nomme son « point d’étape », Emmanuel Macron a choisi le site d’Airbus à Toulouse. Le président de la République a donc tenu un discours qui évoque le « cap de la nation » dans ce lieu emblématique de l’industrie française. Energie, santé, plein emploi, réindustrialisation, transition écologique, économie, innovation, décarbonisation de l’industrie, hydrogène, ressources, spatial, … Les sujets évoqués ce 11 décembre sont nombreux et variés. Et sur la thématique de l’intelligence artificielle, Emmanuel Macron ne mâche pas ses mots. « Cette réglementation européenne fait qu’on est le premier endroit au monde où sur les modèles dits fondationnels d’IA, on va beaucoup plus réguler que les autres. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je le dis en toute honnêteté ». Et le message est, on ne peut plus clair : « Je demande que l’on évalue de manière régulière cette réglementation. Et si l’on perd des leaders ou des pionniers à cause de cela, il faudra y revenir », affirme-t-il.
Bénéficiant d’une enveloppe d’1,5 milliard d’euros, l’IA a en effet la cote auprès du gouvernement. Le président a d’ailleurs rappelé l’importance des laboratoires créés à cet effet, des organismes de recherche comme l’Inria, et le développement en cours d’IA dans des centres publics – qui bénéficient par ailleurs de 500 millions d’euros – ainsi que le supercalculateur Jean Zay, bien évidemment cité en référence. Mais, selon lui, la clé réside dans deux points : le premier est l’IA open source. Il n’hésite pas à appuyer sur ce qu’il juge essentiel : « Continuer à investir, y aller, foncer ». Le second point concerne « les briques qui sont en dessous ». « Pour réussir la bataille de l’IA, il faut avoir des capacités de calcul et des composants et architectures de système qui nous permettent d’être compétitifs. Si l’on perd la maîtrise de base, nous sommes fichus. La maîtrise de base, c’est d’avoir des datacenters chez nous, un vrai cloud européen et d’avoir des capacités à maîtriser les chaînes de valeur », a-t-il déclaré.
Une proposition de feuille de route élaborée par la communauté scientifique ?
Grâce au programme de recherche « électronique et IA » de France 2030, les équipes de recherche travaillent sur des concepts novateurs, assure Emmanuel Macron. « La communauté scientifique française, avec les entreprises de l’électronique et les différents acteurs du secteur, élaborera une proposition de feuille de route permettant de faire émerger des composants et des architectures système pour le traitement massif de données par l’IA avec l’objectif d’une consommation énergétique qui soit divisée par 100 ou 1 000 par rapport aux standards actuels des processeurs et des cartes graphiques ». L’objectif, à terme, étant de « maîtriser les puces et les semi-conducteurs de l’AI beaucoup plus petites que ce qu’on a aujourd’hui » et « gagner la bataille de l’IA sobre, et super sobre ». « C’est clé, c’est là où l’on peut être différenciant », assure le président de la République.
De son côté, la première ministre Élisabeth Borne s’est exprimée sur X (ex Twitter) à ce sujet : « L’intelligence artificielle est déjà partout dans notre quotidien. Avec Olivier Véran, nous lançons une consultation pour recueillir vos idées et comprendre vos attentes. Éthique, travail, économie, souveraineté, l’IA bouleverse nos vies et suscite des interrogations majeures pour notre avenir ». La consultation est disponible sur l’application Agora du gouvernement et s’inscrit dans la continuité de la stratégie nationale IA portée par Emmanuel Macron depuis 2018 et avec l’appui de la Commission dédiée à l’IA créée en septembre dernier, précise Élisabeth Borne. « Ensemble, continuons d’écrire la feuille de route IA pour les années à venir ! », conclut-elle.
21 milliards d'euros déjà engagés en deux ans
L’IA n’est bien évidemment pas le seul sujet qui préoccupe le gouvernement. Pour rappel, le plan France 2030 a été annoncé il y a un peu plus de deux ans. À peine sortie de la crise du Covid-19, la France avait besoin de se relever. Pour l’aider, Emmanuel Macron a donc fait le choix d’un plan gargantuesque, censé répondre à la fois aux défis auxquels est confronté le pays et enclencher une transformation radicale de plusieurs secteurs. L’objectif : faire de la France un leader ou, à minima « être en tête du peloton » comme le précise le président de la République. Le plan d’investissement est impressionnant : « 30 milliards d’euros sur les cinq prochaines années » annonçait Emmanuel Macron le 12 octobre 2021. Aujourd’hui, force est de constater que le plan avance, mais pas à la vitesse rêvée par le président. Le budget a été revu à la hausse, porté à 54 milliards d’euros, et 21 milliards d'euros ont déjà engagés en deux ans. Un premier bilan « anniversaire » réalisé le 16 octobre dernier a permis de montrer l’état d’avancement des chantiers engagés. Au total, 4 370 projets ont été accompagnés, donnant lieu à 2 000 dépôts de brevets, 40 000 emplois directs créés ou maintenus, ainsi que 34 000 nouvelles formations diplômantes aux métiers d’avenir ouvertes en 2022 et 2023.
Si cet investissement massif s’est concrétisé dans des secteurs-clés comme les transports, la santé et la décarbonation, d’autres avancent au ralenti. Ainsi, lors de l’annonce du plan France 2030, Emmanuel Macron avait fait part de son projet de réunir le monde de l’industrie et les start-ups, « pour faire émerger au moins 100 sites industriels par an ». Pourtant, 24 mois plus tard, force est de constater que l’Etat peine encore à faire sortir de terre ces fameux sites. Pour relancer cet effort, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, est d’ailleurs intervenu, rappelant les besoins de l’Etat à ce sujet : « Pour réindustrialiser la France, nous avons besoin de foncier. J’appelle l’ensemble des intercommunalités à nous faire remonter leurs terrains disponibles. Objectif : avoir 50 nouveaux sites clés en main pour accueillir efficacement de nouvelles industries dès 2024 ». Les premiers sites sélectionnés devraient bénéficier d’un accompagnement dès janvier prochain.
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