La treizième édition du Forum Teratec (les 19 et 20 juin) s’est ouverte ce matin sur le site de l’Ecole Polytechnique, à Palaiseau. L’occasion de faire le point sur l’innovation numérique au service du développement économique, comme l’a souligné en préambule le président de Teratec Christian Saguez. Si le HPC ne fait pas vraiment figure de nouvelle technologie dans les entreprises, comme peuvent l’être les frameworks IA en mode PaaS ou les plateformes big data, il se retrouve aujourd’hui à la confluence de ces nouveaux territoires pour dépasser les seuls marchés de la simulation et du calcul scientifique. L’accumulation de données via les capteurs mais également issues du calcul intensif auxquelles on peut ajouter les données historiques, les très fortes capacités de calcul disponibles reposant sur le parallélisme et les architectures hybrides (CPU/GPU/FGPA), sans oublier l’arrivée prochaine du Qbit, les progrès considérables dans le parallélisme, et les initiatives très fortes pour rendre accessibles des technologies comme le cloud ou la blockchain marquent une étape importante pour la recherche et l’industrie. « Teratec propose une structure pour fédérer tous ces acteurs et assurer un travail en continu entre la recherche et l’industrie, avec une approche système globale – de l’avant-projet à sa fabrication et même sa mort grâce aux digital twins et à la maintenance prédictive », a souligné Christian Saguez.
Lors de cette première matinée, le président de Teratec est revenu sur les initiatives de l’association comme le Cesimat (centre d’expertise pour la simulation de matériaux) lancé avec le concours de Total, Faurecia, Michelin, L’Oréal et Safran, mais également le démarrage de nouveaux groupes de travail sur les systèmes autonomes (drones, voitures, sous-marins ou encore chariots), la conception et l’utilisation de nouveaux matériaux (avec étude du vieillissement et évolution dans le temps), la santé (avec Genopode) autour de la médecine personnalisée et enfin le développement de la simulation dans les TPE/PME avec la prolongation des programmes Simseo et DataPoc. 160 PME dans le BTP qui n’avaient jamais eu recours à la simulation ont franchi le pas avec le concours de Simseo. Et dans le cadre de l’initiative DataPoc, 10 PME ont validé l’usage de nouvelles technologies (big data, objets intelligents, prototypage et impression 3D) avec le concours de grands groupes. Enfin, avec un peu de retard, Teratec annonce le lancement d’un centre de compétences sur le calcul quantique sur son campus avec le soutien de Total, Dassault-Aviation, EDF, Atos, le CEA ou encore l’IEPEN. Trois thématiques ont été retenues pour commencer : Méthodes de résolution EDP (équations des ondes), Optimisation des variables continues et discrètes et enfin modèle de programmation.
L'intelligence artificielle à la française
La matinée s’est conclue avec l’intervention de Cédric Villani qui est revenu sur les enjeux liés au développement et à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les entreprises et les services publics. « L’intelligence artificielle s’est faite à rebonds. Alors que certains tentaient d’avoir accès à une réelle intelligence, on est passé à l’efficacité. On tente de comprendre les modèles (depuis les années 1600), mais on a mis de côté les modèles pour raisonner avec les données et l’exemple. Mais les vraies solutions efficaces passeront par l’exemple et les modèles ». Systèmes experts avec base de connaissance et moteur de décision contre modèles statistiques inspirés des neurosciences qui suit les recettes du deep learning pour travailler (apprentissage supervisé, apprentissage non supervisé et apprentissage par renforcement). Et le HPC est aujourd’hui au cœur de ce débat. « Si on fait des calculs sans avoir les idées claires sur les modèles, on arrive à des absurdités », souligne le député mathématicien. Le débat sur l’intelligence artificielle et ses compléments big data et HPC n’est toutefois pas prêt d’être clos alors que le débat se poursuit autour de l’utilité du plan IA présenté par le député. Ce saupoudrage de l’argent public n’est pas sans rappeler celui effectué pour le cloud souverain avec l’insuccès que l’on sait. « Le calcul comme le reste des travaux humains se font dans le rassemblement au niveau de l’Europe et avec des acteurs européens. Cette évolution n’est pas facile pour la France où on met chaque acteur dans sa propre case ».
Combien de divisions pour l'intelligence artificielle ?
Reste que les 52 experts au sein du conseil IA de la Commission Européenne, chargés de rédiger les lignes directrices en matière d'éthique de l'intelligence artificielle, d'anticiper les défis et les opportunités en matière d'intelligence artificielle et de piloter les investissements européens (2,6 milliards d'euros jusqu'en 2020) dans le domaine de l'apprentissage machin, ont été choisis chez Bosch, BMW, Bayer, Orange ou AXA, mais aussi Google et IBM. Je ne connais pas d'experts européens conseillant l'administration Trump dans ce domaine. Loin de cette polémique, Cédric Villani a rappelé la création de centres de recherche 3IA. Ces centres interdisciplinaires serviront de têtes de pont pour faciliter les recherches à l’international avec les autres réseaux IA qui se mettent en place. « Une sorte de fédération de l’IA ». Mais le marché européen est déjà ouvert aux acteurs chinois comme Alibaba Cloud ou Tencent et américains (IBM, Microsoft, GCP et AWS) qui ne ménagent pas leurs efforts pour percer dans les entreprises françaises. La bonne volonté manifeste de Cédric Villani n’arrive-t-elle pas trop tard quand on connait, par exemple, les projets des banques françaises avec big blue pour aider les chargés de clientèle à développer des opportunités commerciales ou faciliter le travail de la conformité aux prises avec des monceaux de textes juridiques.
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