Dans le domaine de la technologie, nous avons tendance à nous énerver quand les entreprises nous privent de choses gratuites. Par exemple, nous avons tempêté contre Google quand le fournisseur a supprimé des services qu'il offrait gratuitement auparavant. Et dans le monde de l'open source, nous réclamons justice quand CentOS, l’alternative gratuite à Red Hat Enterprise Linux, ne permet plus d’éviter de payer pour RHEL. Je ne sais pas pourquoi Red Hat a choisi de mettre fin à la version traditionnelle de CentOS Linux, actuellement en version 8, et de ne conserver que la plateforme de développement CentOS Stream. Le contributeur Steven J. Vaughan-Nichols a évoqué quelques raisons possibles, et Chris Wright, directeur technique de Red Hat, a expliqué la décision de l’entreprise. Mais de nombreux utilisateurs de CentOS sont furieux, comme on a pu le voir sur Hacker News.
Chris Wright est peut-être sincère quand il écrit que « Red Hat pense que le transfert de l'intégralité de son investissement vers CentOS Stream est le meilleur moyen de stimuler davantage l'innovation Linux en permettant à la communauté de l'écosystème au sens large d’entretenir un lien plus étroit avec le développement de RHEL ». Une autre explication serait que Red Hat cherche tout simplement des moyens de faire adopter plus largement l’option payante de RHEL. Cependant, compte tenu du solide soutien manifesté de longue date par Red Hat à l’égard des communautés open source, il semble malvenu et peu clairvoyant de blâmer l'entreprise de faire ce qu'elle estime le mieux pour son activité. Après tout, ses intérêts commerciaux n'ont-ils pas toujours été étroitement liés aux intérêts de la communauté ?
Les choses gratuites et les portes à sens unique
Mais d'abord, parlons des portes à sens unique. Mon collègue et ami, Tom « spot » Callaway de Red Hat, a récemment écrit sur le concept des portes à sens unique et à double sens : Une porte à sens unique est une action qui, une fois lancée, ne peut être annulée (en aucune manière, ou alors au risque de provoquer des perturbations majeures). Cela ne veut pas dire que l’on ne franchit jamais de porte à sens unique, mais on ne le fait jamais sans y avoir sérieusement réfléchi. Pressé d'exemples, Tom Callaway en a suggéré deux : « des quotas illimités pour les services gratuits de Google, un accès illimité aux conteneurs gratuits dans le Docker Hub ». L'idée n'est pas de ne jamais franchir ces portes à sens unique, comme l'a souligné M. Callaway, mais plutôt d’être très prudent avant de le faire. Par exemple, le code open source est une porte à sens unique : Une fois que vous avez livré le code en open source, il n’est plus possible de revenir en arrière et de le reprendre. Il en va de même pour CentOS Linux, l’alternative gratuite à Red Hat Enterprise Linux (RHEL).
On peut voir, d’après les commentaires postés sur Hacker News, que l’affaire est importante pour certains. En voici un un exemple : « Imaginez que vous dirigiez une entreprise et, parce qu’on vous a promis une durée de vie de 10 ans, vous aviez choisi de déployer CentOS 8. Vous êtes maintenant complètement foutu, et Red Hat le sait. Pourquoi diable ne pas avoir pris cette décision à partir de CentOS 9 ? Disons les choses clairement : Red Hat a trahi ses utilisateurs ». Vraiment ? Quand je regarde la FAQ de CentOS, je lis ceci : « CentOS Linux n'est pas du tout supporté par Red Hat, Inc. » Ou encore, sur le site de support de Red Hat, il est indiqué que : « Vous ne pouvez pas obtenir de support pour CentOS ou les paquets CentOS de Red Hat ».
Bien sûr, certains (beaucoup ?) de ceux qui se plaignent le plus bruyamment ne veulent pas vraiment de support. Ils veulent simplement une stabilité de type RHEL sans payer pour RHEL. Comme cette personne : « Moi et beaucoup d'autres, nous avons utilisé CentOS parce que c'était un bon moyen de profiter des avantages de Red Hat sans avoir à payer pour ça ». En d'autres termes, ils veulent bénéficier du travail que Red Hat fait pour améliorer et empaqueter Linux mais sans avoir à payer pour cela. C'est un peu comme moi avec Google Search : Je veux juste la fonctionnalité de recherche sans rien payer pour cela. En fait, j'utilise un bloqueur d'annonces pour ne pas avoir à payer, même indirectement, en cliquant sur les annonces. Je profite à 100 % des investissements de Google dans Chrome, Search, etc. Mais revenons aux portes à sens unique. Red Hat peut-il retrouver sa capacité à faire payer plus efficacement la valeur qu'il fournit avec RHEL ? Si l’on considère l'histoire de RHEL elle-même, la réponse devrait être « oui ».
Les gens paient pour les produits
Red Hat n'a pas commencé avec RHEL. Comme beaucoup d’éditeurs de logiciels libres, il a démarré en priant pour que les gens décident de payer pour le support. Je peux dire, sur la base de mes années d'expérience, que ce modèle commercial du « prier pour payer » ne fonctionne pas. Il est même effroyable. C'est pour cette raison qu’en mars 2002, il a annoncé Red Hat Linux Advanced Server, rebaptisé Red Hat Enterprise Linux en 2003. Quelques années plus tard, j'avais écrit, à propos du modèle de Red Hat, que le fournisseur rendait difficile, voire impossible, l’obtention de la version binaire compilée de son logiciel testé/supporté/prêt pour l'entreprise sans le payer. (Une reconnaissance du fait que, si le code source était gratuit, peu de gens voulait réellement ce code, et encore moins payer pour cela).
Ainsi, Red Hat a conditionné les utilisateurs à payer pour RHEL. L'industrie pensait obtenir Linux, et Red Hat Linux, gratuitement. Mais personne ne pensait pouvoir obtenir RHEL gratuitement. En tout cas, jusqu'à l’arrivée de CentOS. Quelques années après la naissance de RHEL, CentOS a agrandi le cercle Linux, en suivant RHEL de près, sans la bénédiction manifeste de Red Hat. Mais tout a changé en 2014, quand l'équipe de CentOS a rejoint Red Hat suite à son acquisition par l’éditeur. C’est peut-être à ce moment-là que les gens ont imaginé qu'ils pouvaient obtenir tous les avantages de RHEL (moins le support) sans payer, à partir de la même source que RHEL. Après tout, c'était toujours Red Hat, n'est-ce pas ?
Aujourd’hui, il semble que la firme tente à nouveau de mettre une certaine distance entre RHEL et CentOS, ce qui me paraît raisonnable. Red Hat est une entreprise, et non une œuvre de charité, et sa capacité à financer le développement de Linux dépend de sa capacité à monétiser RHEL. Oui, Red Hat a du travail à valoriser la construction de RHEL, mais comment ?
Une bascule vers Windows plus onéreuse
Voilà le commentaire de quelqu’un qui regrette d'avoir opté pour CentOS plutôt que pour Windows et qui devra désormais payer pour RHEL : « L’ironie de la chose, c'est que j'ai pris des risques avec mon équipe en nous forçant à opter pour Linux plutôt que pour Windows et pour les rassurer, je leur ai demandé d'attendre de voir ce qui se passerait, dans l'espoir que le différentiel de performance deviendrait négligeable. Après réflexion, il semble que le passage à RHEL pourrait nous coûter moins cher et nous imposer le minimum de temps d'arrêt possible ».
Vous comprenez ? Ils voulaient que ce soit « gratuit », mais ils découvrent que RHEL ne leur coûtera pas trop cher. Plus important encore, ils dépendent clairement de ce système d'exploitation pour leur activité, il semble donc peu clairvoyant de chercher des moyens pour supprimer des coûts qui pourraient simultanément augmenter le risque, comme le montre un autre commentaire : « Pourquoi accepteriez-vous un risque supplémentaire sur le système d'exploitation si vous pouvez facilement réduire le risque, et le coût final, en optant pour un système d'exploitation dont le support du fournisseur est inscrit dans le contrat réel ? Voilà 11 à 13 ans que RHEL existe… CentOS est, et a toujours été, le « meilleur effort » de la communauté, avec parfois de sérieux retards (pas souvent, mais c'est arrivé). Le tarif d’une licence Red Hat Enterprise Linux Server démarre à 349 dollars HT. Je suppose que cela représente une fois (ou deux ou trois fois) moins que le coût de votre logiciel, en fonction des technologies utilisées (pour une solution d'entreprise). En d'autres termes, ce n’est guère plus qu’une erreur d'arrondi globale ».
Oui, certaines personnes vont se réorienter vers Debian, fermement accrochés à l'idée de ne pas payer pour leur système d'exploitation. D'autres réaliseront que le coût du paiement de RHEL est relativement faible par rapport au logiciel qu'ils pourraient utiliser (Oracle ?). Tout va s'arranger. Il faudra peut-être faire un tri. Et c’est peut-être la faute de Red Hat, qui a créé une porte à sens unique en acquérant CentOS. Mais Red Hat a déjà été confronté à cette situation auparavant, lors de la création de RHEL, et l’on peut supposer que l’éditeur saura gérer cette nouvelle transition. En attendant, les utilisateurs de CentOS se souviendront peut-être de la réputation bien méritée de Red Hat en matière d'open source. Alors, s’il y a eu de nombreuses raisons de s'indigner en 2020, celle-ci n'en fait pas partie.
Je pense que vous ne savez pas ce qu’est le logiciel libre et penser dans ce monde seul payer peut amener de la qualité revient à remettre en cause ce modèle qui pourtant se développe plus chaque (probablement pas grâce à des gens comme vous). Le propre du logiciel libre est que les auteurs abandonne une part de leur propriété pour que cela serve un dessin plus collectif, vous ne payez pas une RedHat comme vous l’écrivez mais vous souscrivez à une offre de support pour vôtre distribution. RedHat bloque le modèle en rajoutant sont logo dans la distribution qui était le seul package non licence libre de la distribution, il y a encore quelques années. Maintenant, je vous invite à réfléchir, même si RH est probablement le plus gros contributeur aux LL, ils n’ont pas du développer plus de 3% des lignes de codes de leur distribution ... on comprendre que certains peuvent être furieux qu’ils veulent s’octroyer 100% des bénéfices.
Signaler un abus@Visiteur15234
Signaler un abusCe n'est pas pour dénigrer openSUSE ;-) Ça serait d'ailleurs pas très honnête de ma partcar je ne crois pas l'avoir utiliser un jour. Leap est certainement une très bonne distrib.
Mais, 2 choses :
- le support de Leap est me semble t-il de seulement 3 ans. Cela est un peu court pour pas mal d'entreprises.
- Quand on se renseigne sur Leap, je n'ai jamais vu nul part indiqué que c'était un rebuild ISO de SUSE. Or c'est *précisément* la force de CentOS vis-à-vis de RHEL.
Pour rappel la définition de CentOS c'est :
- rebuild ISO de RHEL
- gratuité
Et c'est tout ! Casser un seul des 2 principes et vous détruisez l'intérêt de CentOS. Bravo à Red Hat qui vient de réussir ce pari...
@Visiteur15233 Pourquoi sites vous que OpenSUSE n'est pas au niveau de CentOS? Je sais de première mains que tous les dev fait pour SLES passent par les OpenSUSE Leap?
Signaler un abusMouais... article avec une vision non réfléchie de la réalité.
Signaler un abusComme-ci chaque personne qui utilise CentOS aurait payé pour RHEL si CentOS n'existait pas... Vous croyez qu'on va utiliser RHEL pour déployer des services à la con (genre petit serveur Web, DHCP, NTP...). Sachant que le prix d'une souscription annuelle RHEL pour un serveur de prod est 799 $ ! (Pas 349 $, vérifier vos sources ;-) Non ! Par contre on va peut-être vouloir déployer du RHEL sur les trucs à très grosses plus-value oui.
Et le fait de pouvoir déployer du CentOS gratuit à côté de cela apporte un gros avantage d’homogénéisation.
Voir CentOS comme une épine dans le pieds de Red Hat (ce que Red Hat voit peut être comme ça d'ailleurs...) est monstrueusement irréfléchi... Le fait que CentOS soit dispo librement permet à tous les admins sys /dev de se former/tester du RH et donc elle sera plus facilement déployée plus tard automatiquement en RHEL plutôt qu'en Ubuntu, Debian, SUSE ou autre...
Bizarrement SUSE, qui est pourtant reconnu professionnellement, est complètement marginale. En 13 ans de carrières d'admin sys, j'ai quasiment jamais vu une seule annonce de job avec du SUSE demandé. Et j'ai quasiment jamais touché à du SUSE d'ailleurs. Étonnamment SUSE n'a pas d'équivalent à CentOS.
Chez mon employeur, pourquoi j'irais pousser une distrib que je n'aurais jamais pu toucher auparavant ? C'est complètement con.
Si Red Hat est très stupide de supprimer CentOS, les managers de chez SUSE sont diablement encore plus cons de ne pas avoir sorti d'équivalent à CentOS depuis tout ce temps, ni de rebondir sur cette annonce pour sortir leur "CentSUSE".
Et openSUSE ne peux pas prétendre à remplacer CentOS...
Oracle Linux oui cela dit... Je n'aurais même pas imaginer installer de l'Oracle Linux il y a un encore un mois. Et puis avec cette histoire, je me rends compte en analysant les faits que même avant ça, Oracle Linux était un meilleur produit que CentOS finalement : les releases/màj sont plus rapides, les errata de sécurité sont disponibles (donc intégrable nativement dans RH Satellite contrairement à CentOS) et on peut choisir de basculer sur une offre de support n'importe quand, sans réinstallation.
Et pourtant je peux pas dire que j'apprécie Oracle dans les autres domaines...
L'article aurait pu être résumé à quelques mots : qualité et gratuité sont des concepts orthogonaux et à qualité égale, les gens choisiront la chose gratuite. La seule manière pérenne de financer de la qualité, c'est de diminuer l'assurance de qualité de la chose gratuite. Je comprends parfaitement la position de RH.
Signaler un abusDe plus en plus de mes serveurs sont sous Debian, on va juste quitter CentOS c'est tout.
Signaler un abusIl reste toujours openSUSE Leap pour ceux qui veulent une distro stable et gratuite avec possibilité de migrer simplement vera une version payante avec support :)
Signaler un abusArticle très partial ne mettant en avant comme argument uniquement le fait que les utilisateurs ne veulent pas payer. La communauté reproche plutôt la volonté de tuer de manière lente est progressive centos. le rachat en 2014 n était que la première etape, la seconde la creation de centos stream en 2019, la troisième la fin de la distribution centos en 2021 alors que le board de centos s était engagé a maintenir sa version 8 jusqu'en 2028 il y a tt juste un an avec la mesquinerie de conserver le support de la 7 jusqu'en 2014. Le tout contre la volonté d un de ses fondateurs. La réalité moins glamour est que RedHat progressivement devient un editeur qui se referme sur lui-même depuis plusieurs années. Il a repris la technique des grands éditeurs propriétaires du marché en cessant l innovation et en passant son temps a racheter des solutions et a chercher a les faire fructifier depuis 10 ans. Le rachat par IBM, passé par le même chemin il y a 20 ans, n est pas rassurant pour la suite... affaire a suivre et vive RockyOS s'il arrive a se lancer sur les cendres de CentOS.
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