Le DSI de Zeiss, Carsten Trapp, aimerait ne pas faire de la migration SAP une grande affaire pour l'informatique du groupe : « chez nous, c'est assez peu spectaculaire - comme toutes les autres entreprises, nous sommes en train de migrer parce que SAP va arrêter la maintenance - R/3 devient S/4 et un jour ou l'autre, il faut bien y aller ». Malgré tout, le passage de l'industriel, qui emploie 43 000 personnes dans le monde, à la nouvelle version du progiciel est bel et bien un projet structurant en interne. Le service IT de Zeiss a commencé à se pencher sur la question dès 2017. « En 2020, le sujet SAP est devenu pertinent pour le conseil d'administration, car il était clair que ce serait un grand et long projet avec un impact important pour le groupe », poursuit le DSI.

Coller aux standards

Le responsable informatique de Zeiss a délibérément opté pour une approche Greenfield, autrement dit la construction d'un nouvel environnement ERP. Carsten Trapp explique : « ce projet est aussi une chance de faire le ménage, car nous avons déformé notre système R/3 au cours des 30 dernières années ». En repartant de zéro sur S/4, son équipe peut dès le départ mettre en place tous les processus proprement, dans le respect maximum des standards SAP. Une condition impérative pour le DSI, qui insiste sur cette nécessité... tant que c'est possible.

Comme la migration SAP implique également une transformation métier, Zeiss travaille à ce stade avec un tandem de direction de projet, un responsable métier accompagnant un autre de l'IT. Pour la plateforme, l'industriel allemand a choisi le cloud Azure de Microsoft.

Anticiper le changement

Une fois que l'équipe du DSI a obtenu le soutien du conseil d'administration, le responsable informatique a dû faire face à une importante gestion du changement. « Dès qu'il a été clair que nous utiliserons le standard - nous ne sommes pas différents des autres -, une grande vague de changement organisationnel a commencé », se souvient Trapp. Objectif : expliquer aux différents services que les processus et le système allaient changer. « Mais en fait, tout reste pareil, sauf que maintenant, on clique peut-être en haut à droite et non plus en bas à gauche », tempère le DSI.

L'équipe a défini les différents rôles dans l'application (les personas) et a travaillé sur le changement en fonction du groupe cible. « Nous avons répondu à des questions telles que : qu'est-ce que cela signifie pour l'entreprise, pour le domaine spécifique et pour chaque processus individuel ? », raconte le DSI.

A-t-on besoin de 4 processus purchase-to-pay différents ?

En ce qui concerne l'harmonisation des processus, Carsten Trapp a adopté une ligne directrice similaire : « le groupe compte quatre divisions et je ne suis pas sûr que nous ayons besoin de quatre processus purchase-to-pay différents », illustre-t-il. Son équipe a donc entrepris d'uniformiser de tels processus. L'informatique ayant prouvé que cette approche fonctionnait la plupart du temps avec le standard de l'éditeur, le concept a donc été mis en avant pour l'ensemble du groupe.


Carsten Trapp, DSI du groupe Zeiss : « Nous avons choisi les quatre pilotes de manière à être confronté au moins une fois toutes les spécificités de l'entreprise ». (Photo : D.R.)

« C'est ainsi que nous sommes allés très loin dans la standardisation et l'harmonisation, nous avons construit un modèle dans le standard SAP et ne nous en sommes écartés que pour des choses absolument nécessaires », explique Carsten Trapp. Chacun de ces écarts a été contrôlé par une « Design Authority » et validé individuellement.

Des déploiements jusqu'en 2030

Jusqu'à présent, Zeiss a déployé trois sites pilotes, un quatrième est prévu en octobre 2024. « Nous avons choisi les quatre pilotes de manière à avoir été confronté au moins une fois toutes les spécificités de l'entreprise », résume le DSI. Y figurent une organisation qui n'avait pas SAP auparavant, une entité de vente et de service sur tous les segments de produits de toutes les branches ; une unité fortement marquée par la production ; et, enfin, une structure ayant un fort historique de services partagés.

L'équipe de Carsten Trapp a ainsi recueilli, étape par étape, la preuve que le nouveau modèle SAP standardisé fonctionne dans différents segments de l'entreprise. Sur cette base, Zeiss pourra commencer à déployer le modèle SAP dans plus de 150 entités à travers le monde à partir d'octobre 2024. Le projet doit s'étaler jusqu'en 2030 au sein de ce groupe ayant réalisé plus de 10 Md€ de chiffre d'affaires en 2023.

Préparer les utilisateurs au changement

Les six premières entités « early adopters ,» qui déploieront le modèle après la phase pilote, sont déjà prises en charge par l'équipe de projet, dans une phase dite d'initiation. « Grâce à une évaluation tant du côté métier que technique, la préparation au déploiement de chaque entité est évaluée avant le début du déploiement proprement dit. Par exemple, les systèmes environnants sont identifiés afin que nous sachions quelles données doivent être migrées à partir de quels systèmes », détaille le DSI de Zeiss.

Pendant la phase de déploiement, l'IT doit rendre l'environnement système 'S/4-ready', tandis que le système R/3 existant continue à fonctionner encore en parallèle. Cela signifie que les systèmes et les données doivent être prêts pour basculer sur la nouvelle solution et que les utilisateurs doivent être formés. Vient ensuite, après des tests, la mise en service technique et enfin la mise en service métier, à partir de laquelle l'ancien système n'est plus accessible. Selon le DSI, le transfert à l'équipe d'exploitation marque la fin du déploiement, une fois la phase d'hypercare, autrement dit de vigilance accrue suite au changement, achevée avec succès.

Les collaborateurs sont formés en interne avec des supports de formation qu'ils ont eux-mêmes créés. Le personnel dispose ainsi de formations en classe, individuelles, sur les processus et sur SAP, en présentiel et en vidéo. « Ces formations sont également gérées par le service informatique, et nous avons défini comme grille de qualification interne que seules les personnes formées avec un 'permis de conduire SAP' pourront utiliser le système », explique Carsten Trapp.