« 2020 est une année d'industrialisation et de mise à l'échelle de l'intelligence artificielle chez nos grands clients », a indiqué Jean-Philippe Desbiolles, vice-président mondial pour les données, les technologies cognitives et l’IA chez IBM pour les services financiers, lors d'un point presse à Paris fin février. « Ce modèle opérationnel, nous l'appelons la Cognitive Factory », a-t-il rappelé avant d'insister sur le fait que l'IA est avant tout un système apprenant. « On se gargarise des mots data et data scientists mais la véritable promesse de l'IA, c'est l'apprentissage. En France, lorsque l'on parle d'IA, on parle d'algorithmes, mais l'IA, ce sont des sciences cognitives, cela touche le langage, la voix, la reconnaissance visuelle, l'empathie, le raisonnement, la gestion d'information... Il faut donc en avoir une vision holistique », a souligné celui qui a dirigé IBM Watson au niveau mondial pour le secteur bancaire. « Oui, il y a de la technologie derrière l'IA, mais il faut aussi avoir une conduite du changement appropriée, avec une nouvelle collaboration homme-machine ». Pour Jean-Philippe Desbiolles, il faut comprendre les codes de l'IA qui nous met « dans des zones de confort, mais aussi d'inconfort extrêmes qui s'améliorent avec le temps ».
Après ce préambule, le vice-président pour les technologies cognitives a présenté les résultats français d'une étude sur l'adoption de l'intelligence artificielle. Dans l'Hexagone, deux tiers des grandes entreprises se sont déjà engagées dans de tels projets, selon l'enquête menée par IBM avec Morning Consult en octobre 2019. Sur 501 dirigeants de grandes entreprises interrogés en France 30% disent avoir déployé l’IA de façon opérationnelle et 36% avoir intensifié les phases exploratoires de tels projets - sans être encore entrés en phase opérationnelle - tandis que 26% n’ont encore rien démarré sur ce terrain. Sur le périmètre européen de l’étude, ce sont 3 sur 4 qui disent avoir un projet déployé ou être en phase d’exploration. « Il y a clairement une accélération sur l’adoption de l’IA chez nos clients », a commenté Jean-Philippe Desbiolles, vice-président pour les données, les technologies cognitives et l’IA chez IBM France, lors d'un point presse. Il ajoute que 45% des entreprises qui ont mis en oeuvre l’IA ont plus de 1000 employés et 29% moins de 1000, et souligne que « le sujet de l’IA peut être également embrassé par de toutes petites structures », pointe-t-il.
Un déploiement transversal dans l'entreprise pour 47%
Comment l’adoption se concrétise-t-elle ? Trois répondants sur dix disent que leur entreprise utilise des applications d'IA pré-construites, dont les chatbots ne sont qu'un exemple. Une proportion équivalente de répondants indique que leur entreprise analyse des données et met l’IA à l’échelle mais sans avoir encore déployé de projets. 23% travaillent sur des proof of concepts (PoC) pour des projets spécifiques basés sur l’IA ou assistés par l’IA. Pour 19%, la phase exploratoire de l’IA n’est pas encore allée jusqu’à l’achat d’outils ou d’applications. Enfin, seuls 18% ont déclaré avoir déployé l’IA sur l’ensemble des activités de l’entreprise. De façon générale, 44% des répondants pensent réserver l’IA à applications spécifiques, alors que 47% sont intéressés par son déploiement transversal dans l’entreprise afin qu’elle puisse impacter l’activité de manière plus globale. « Cela, nous ne le voyions pas il y a 3 ou 4 ans », relève Jean-Philippe Desbiolles en citant comme exemple de déploiement les analyseurs d’emails transmétiers. Il estime qu’à la fin 2020, ces sujets-là seront devenus « mainstream ». Il remonte à 2019 pour leur apparition, lorsque les comités exécutifs ont commencé à vouloir évaluer comment l’IA allait impacter les différents métiers, afin de déterminer par quelle filière commencer et identifier le bon modèle opérationnel pour la mettre en place. Parmi les clients l’ayant fait en France, il cite le Crédit Mutuel, la Bred ou Generali, notamment.
Dans ces contextes, lorsqu’IBM met en place avec ses clients une Cognitive Factory, cela recouvre 5 grands flux d’activité : l’innovation, l’industrialisation, la mutualisation de briques IA au sein de l'entreprise (délivrées sous forme de micro-services, appelées par des lignes métiers), l’amélioration continue et, enfin, le volet ressources humaines qui implique une conduite du changement et le recours à des profils très recherchés sur le marché. « Le système d’IA, c’est la fin du monde séquentiel, il n’y a jamais de fin, la promesse de l’IA, c’est l’amélioration avec le temps », rappelle Jean-Philippe Desbiolles. Dans l’amélioration continue, il y l’ingestion de contenus et l’apprentissage des modèles. « Il faut un lien fort avec l’utilisateur pour que le modèle ne dérive pas », insiste-t-il en soulignant l’importance des systèmes supervisés.
Un manque d'outils pour 22%
Les barrières à l’adoption de l’IA sont diverses. 27% des répondants citent le manque d’expertise ou de savoir en IA, 26% la complexité croissante sur les données et les silos de data, 22% estiment manquer d’outils et de plateformes pour développer les modèles et 18% évoquent le risque de verrouillage sur les outils proposés par les fournisseurs de cloud.
Sur les aspects compétences, près de 46% des professionnels interrogés pour l’étude ont confirmé que leur entreprise prévoyaient d’investir dans la formation et le renforcement des équipes sur ces sujets dans les 12 prochains mois. Du côté des technologies, 32% comptent investir dans des applications AI déjà constituées, tandis que 30% vont acquérir des outils pour bâtir leurs propres applications et modèles. Un quart prévoit d’intégrer l’IA dans les applications et processus actuellement utilisés et 22% vont se tourner vers des solutions propriétaires. Enfin, 13% vont investir en R&D.
La confiance, au coeur de l'adoption
L’un des aspects primordiaux de l’adoption de l’IA porte aussi sur la confiance. Deux tiers des professionnels interrogés disent qu’il est critique ou très important d’être en mesure de croire que les résultats de l’IA sont justes et fiables. Pour 76%, il est important d’être capable d’expliquer comment leur système d‘IA est arrivé à telle ou telle décision est important pour leur activité.
Sur l’usage du cloud, 40% des répondants utilisent un cloud privé, 12% des systèmes on-premise, 11% du cloud public, 22% des systèmes hybrides du même fournisseur et 6% s’appuient sur de l’hybride multi-clouds. Il est intéressant de noter que 59% des entreprises disent ne pas utiliser l’intelligence artificielle de leur fournisseur de cloud. « Ils choisiront l’IA par rapport à leur besoin », commente Jean-Philippe Desbiolles en évoquant le pick and choose tout en ajoutant qu’il faut néanmoins une logique de plateforme de réceptacle, un socle de transversalité pour l’industrialisation sous peine de rencontrer d'importantes difficultés.
La sécurité des données en tête
La sécurité des données est citée à 28% comme l’un des principaux domaines dans lesquels l’IA est actuellement utilisée, suivi à 21% de la prise en charge des clients, à 20% des assistants virtuels, à 20% de l’optimisation des processeurs métiers et dans les mêmes proportions de l’automatisation des processus. Viennent ensuite le marketing à 16%, la détection de fraude à 13%, la sécurité personnelle à 13%, l’analyse des données des capteurs à 11%, le traitement du langage naturel à 11%, les outils de recherche à 11%, la reconnaissance d’image à 10%, les recommandations à 9%, le trading financier à 7% et, enfin, les diagnostics médicaux à 5%.
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