A quelques heures du vote par les deux chambres sur le projet de loi DADSVI, Richard Stallman, président de la Free Software Foundation et farouche opposant au texte, a livré ses réflexions (en français) à www.digitalworld.fr. digitalworld.fr : Richard Stallman, quelle est la raison de votre présence à Paris ? Richard Stallman : Je viens faire des réunions avec des députés dans le cadre d'une action contre la loi DADVSI. C'est une bataille que l'on poursuivra même si la loi est votée. On perdra peut-être cette bataille mais pas la guerre : la guerre du peuple contre les entreprises médiatiques continuera jusqu'à la victoire du peuple. Quel est le sens de votre rencontre avec Ségolène Royal ? J'ai rencontré Ségolène Royal, Nicolas Dupont-Aignan, Christine Boutin - et, le 11 juin, Martine Billard et Bernard Carayon - car ils sont opposés à cette loi. Mme Royal paraît s'intéresser au logiciel libre et le soutenir. De mon côté, je soutiendrai tous les candidats qui soutiennent le logiciel libre. Surtout, elle veut, si elle est élue, faire disparaître ce texte. Je suis très contente de voir la force d'opposition qui existe en France, et qui est bien plus forte qu'aux Etats-Unis. Le public américain est peu attaché à la liberté dans sa signification. Il l'attache davantage à la notion de libéralisme. Dominique de Villepin n'a pas accepté de vous recevoir à Matignon. Quel est votre sentiment ? Il a eu trop peur de nous. Nous n'étions pas munis d'armes mais seulement d'une pétition signée par 160 000 Français opposés à la DADVSI. Plutôt que de nous recevoir, il a envoyé la police pour nous bloquer le chemin, très loin des portes de Matignon. En réalité, le mensonge a peur de la vérité : le Premier ministre ne voulait pas que son mensonge soit comparé avec la vérité. Quel mensonge ? Celui qui consiste à prétendre que le texte élaboré par la commission mixte paritaire est légitime. Dominique de Villepin a fait le pari que le peuple et l'Assemblée nationale n'avaient pas assez de pouvoir pour le battre. Il est sur le point d'y parvenir grâce au soutien des entreprises, notamment de Vivendi-Universal qui ont exercé une pression énorme. Il faut les éliminer, ne plus acheter leurs produits. Dans le texte de la CMP, la saisine de l'autorité de régulation des mesures de restrictions numériques [expression que Richard Stallman préfère à mesures de protection numérique, NDLR] par les seules entreprises rend claire la position du gouvernement : il a pris le parti des entreprises contre le peuple. Le gouvernement est là pour soumettre le peuple aux entreprises. Pour que le gouvernement représente le peuple, et recouvrer davantage de démocratie, le peuple doit l'attaquer très fort. Le gouvernement doit être forcé à le servir. C'est partiellement la faute du système politique actuel, un système où les entreprises ont assez de pouvoir pour faire élire ceux qui les servent. A quelques heures du vote de la loi, quel message adressez-vous aux responsables politiques ? Il faut se battre jusqu'à ce que cette loi soit éliminée, et il faut éliminer les revenus des entreprises qui ont acheté ce texte car il est incompatible avec la démocratie. Si vous n'avez pas la liberté de copier une oeuvre numérique, ne l'achetez pas. Mais comment concilier ce principe avec la rémunération des auteurs ? Pour les oeuvres d'art, tout le monde doit avoir la liberté de la répartition des copies non modifiées. Ceci est compatible avec un système de droits d'auteur un peu diminué qui pourrait payer les auteurs. Ce système est à combiner avec deux autres méthodes. La première, c'est une idée que j'ai eue en 1992 et qui repose sur une autre forme de licence globale. Elle est basée sur un impôt qui est reversé aux artistes en fonction de leur popularité. Mais cette répartition ne se calcule pas linéairement : ainsi, avec dix fois plus de succès, on ne reçoit par exemple que deux ou trois fois plus d'argent et tout ne va pas aux stars. L'autre méthode fonctionne à partir de contributions volontaires. On pourrait imaginer la présence d'un bouton sur les lecteurs numériques. L'appui sur ce bouton en cours de lecture enverrait un euro à l'artiste. Si l'ensemble des sommes ne va pas aux entreprises mais aux artistes, ils recevraient globalement plus d'argent qu'actuellement. Aux Etats-Unis, les artistes reçoivent un vingtième des revenus de l'industrie musicale. L'idée du bouton marcherait aussi bien que le système actuel, même si les gens n'appuyaient dessus qu'une seule fois par an.
Droits d'auteur : Richard Stallman à Paris pour mener la bataille
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