Europe First ? Cela pourrait être le cri du coeur d'une petite centaine de signataires d'une lettre ouverte destinée à la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen ainsi qu'à sa vice-présidente exécutive Henna Virkkunen. Ainsi regroupés, les membres de cette initiative (Airbus, Bpifrance, Clever Cloud, la CNLL, Dassault Systèmes, Nextcloud, OVHcloud, Proton, SiPearl, Sdwan Solutions, Scaleway...) portent ainsi l'espoir d'un engagement fort au plus haut niveau de l'Europe en faveur d'une infrastructure numérique autonome. "L'Europe doit reprendre l'initiative et devenir plus indépendante sur le plan technologique à tous les niveaux de son infrastructure numérique critique : de l'infrastructure logique - applications, plateformes, médias, cadres et modèles d'IA - à l'infrastructure physique - puces, informatique, stockage et connectivité", affirment ses signataires parmi lesquels on retrouve une myriade de petits acteurs et une poignée de grandes entreprises.
Mais quels sont les objectifs recherchés avec cette lettre ? Faire en sorte que l'Europe aille de l'avant pour prendre des mesures fortes et industrielles proactives : "elle dispose de talents, de capacités, d'actifs et de références commerciales considérables dans l'espace numérique, mais l'héritage de notre fragmentation structurelle (telle que décrite dans le rapport Draghi) a conduit notre continent à prendre un retard considérable par rapport aux États-Unis et à la Chine", pointe la lettre. "Même avec les annonces positives du sommet de Paris sur l'IA, l'Europe sera perdante en matière d'innovation numérique et de croissance de la productivité si elle ne procède pas à des changements radicaux et urgents - notre dépendance à l'égard des technologies non européennes deviendra presque totale dans moins de trois ans au rythme actuel." Passée la phase de diagnostic, les co-signataires de ce document mettent en avant une série de buts à atteindre parmi lesquels de formaliser la nécessité du secteur public à "acheter européen", "créer une offre viable [...] permettant d'apporter des alternatives européennes à l'échelle" ou encore "développer des exigences harmonisées (par exemple, un système de certification) pour que les utilisateurs de clouds publics/privés puissent opter (sur une base volontaire) pour des services de clouds de confiance pour leurs données sensibles." Le nerf de la guerre étant l'argent, pas de surprise à voir apparaitre comme objectif "la création d'un fonds d'infrastructure souverain pour supporter les investissements publics [...] en particulier dans les parties de la chaîne de valeur à forte intensité de capital (par exemple, les composants quantiques et les puces) avec un engagement supplémentaire significatif de fonds alloués et/ou souscrits par la BEI et les organismes de financement publics nationaux."
Un objectif louable mais compliqué à atteindre
Ce n'est pas la première fois qu'une initiative pour soutenir le développement d'un numérique souverain en Europe est poussé : cela avait déjà été le cas il y a quelques mois avec EuroStack. Si l'objectif est louable, il apparait cependant compliqué (voire quasi impossible) à atteindre quand on connait le poids des acteurs - asiatiques et américains en tête - dans tout le secteur informatique tant grand public qu'à destination des entreprises. Et surtout leur mainmise dans tous les composants clés, des processeurs aux unités de stockage et mémoire en passant par les contrôleurs réseaux...
La situation n'est pas à un paradoxe près : en regardant les quelques grandes entreprises ayant apposé leur signature au bas de cette lettre ouverte on voir par exemple que Airbus et Bpifrance n'ont ainsi pas manqué d'embrasser depuis des années des solutions américaines, que ce soit Google Cloud pour le premier et AWS pour le deuxième... Etonnamment, on notera aussi l'absence remarquée de MistralAI ou encore Tethris (XDR) pourtant reconnus et déjà implémentés dans de nombreuses entreprises notamment en France.
Commentaire