L’unique objectif du groupe Advanced Technology and Projects (ATAP) de Google, est d’explorer et de proposer des innovations technologiques. Selon le mot de sa vice-présidente Regina Dugan, les projets de recherche et de développement menés par son équipe sont tout simplement « épiques ». Le groupe ne lésine pas sur les moyens : pour développer l'expérience cinématographique de prochaine génération, l’ATAP a engagé Justin Kin, réalisateur, producteur et scénariste de « Fast and Furious ». Au mois de mai dernier, au cours de la conférence annuelle Google I/O, la dirigeante de l’ATAP avait impressionné des milliers de développeurs, montrant des technologies appliquées qui dépassaient l'imagination de la plupart des humains.
Vice-présidente chez Google en charge du groupe Advanced Technology and Projects (ATAP), Regina Dugan travaillait auparavant pour la Darpa.
Quand on tape le nom de Regina Dugan dans Google, les 36 pages de résultats témoignent de sa réputation, si bien qu’il est inutile de s’en faire l’écho ici. Mais il est néanmoins utile de rappeler son parcours car il explique le rôle de l'ATAP au sein de Google : avant d’arriver à la tête du groupe de recherche et d’innovations de Google, Regina Dugan dirigeait la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa), un département de recherche créé il y a 50 ans par le ministère américain de la Défense. Doté d’un budget de 3 milliards de dollars, le rôle du en surface est de protéger les Etats-Unis contre toute attaque stratégique inattendue, mais aussi de travailler sur des systèmes de défense inédits. L’agence a la réputation de produire rapidement des ressources dont l’impact peut être très élevé. Au nombre des innovations que l’on doit au Darpa, il faut citer l'Internet, les satellites de positionnement géostationnaires (GPS), les drones et les systèmes micro-électro-mécaniques (MEMS).
Premier défi l'interface utilisateur
Le Darpa n’est pas un organisme gouvernemental monolithique. Il ne dispose pas de ses propres laboratoires ni d’un énorme département de R&D. L'Agence recrute les meilleurs techniciens, en général des PhD et des experts dans leurs domaines de compétences pour travailler sur des projets de trois à cinq ans avec des partenaires universitaires et industriels. Les objectifs sont parfois très ambitieux : par exemple, le Darpa a essayé de développer un véhicule hypersonique capable de voler à Mach 20 (21 000 km/h). L’agence ne construit pas de produits - elle confirme ou infirme la faisabilité de solutions qui pourront éventuellement être transformées en produits. Ce distinguo est important, car il explique le rôle de l’agence : si la viabilité du prototype est avérée, il a une chance de devenir un produit stratégique.
Regina Dugan a rejoint Google pour créer le groupe ATAP et pourrait y appliquer le modèle de Darpa pour accélérer les projets de recherche stratégiques de Google. Elle a quitté son poste au Ministère de la défense pour diriger le groupe de Google, deux entités bénéficiant de budgets conséquents. Son rôle n’est plus de lutter contre les adversaires de l'Amérique mais de relever des défis de développement pour créer les produits les plus innovants possibles. Pour commencer, Regina Dugan s’est attaquée aux problèmes posés par l'interface utilisateur unique (IU) des smartwatches : pour ces dispositifs portables de toute petite taille, dotés d’écrans minuscules ou sans écrans du tout, il était nécessaire d’inventer de nouvelles interfaces.
Des prototypes présentés à Google I/O
L’ATAP s’est servi des technologies radio utilisées dans les radars pour envoyer des commandes à un appareil distinct en passant par une interface sans contact capable de comprendre avec finesse le mouvement des doigts et des gestes de la main dans l’espace. Le prototype montré lors du Google I/O 2015 était capable de détecter le signal radar d'un mouvement et d’utiliser l’apprentissage machine pour une reconnaissance précise. Tout mouvement interprété par l'interface utilisateur du radar peut servir à effectuer des commandes du type « en haut », « en bas », « passer un appel » ou « prendre une photo ». Par exemple, lors de la conférence, Regina Dugan a montré comment mettre à jour l’affichage de l’heure sur l'horloge numérique en faisant virevolter le pouce et l'index dans l'air. Le concept est expliqué en quelques mots dans une vidéo d’une minute et demie.
Le projet Jacquard
Dans une autre démonstration - nom de code Project Jacquard - les participants à Google I/O 2015 ont pu voir comment l’ATAP avait transformer un genre de tapis de souris en tissu en surface tactile utilisant les procédés de l'industrie textile actuelle. Expérimenté pour la première fois par IBM dans les années 1960, le multi-touch est utilisé aujourd’hui pour tous les écrans tactiles. Et l’ATAP n’a pas besoin de mobiliser un grosse équipe d’experts pour cela. Par contre, faire en sorte que l’industrie textile puisse produire à grande échelle un support équivalent au multi-touch est tout à fait dans ses compétences. Ivan Poupyrev de l’ATAP a décrit le parcours de ce projet qui a démarré par le tissage à la main de fils conducteurs pour aboutir à un panneau multi-touch prototype. Ensuite, en collaboration avec des partenaires de l'industrie textile, son équipe a cherché à adapter le prototype pour produire à grande échelle un tissu conducteur en usine sans transformer les équipements qui servent habituellement pour le filage et le tissage.
La faisabilité du Project Jacquard a été établie quand une usine textile a pu livrer un tissu multi-touch au tailleur londonien Saville Row, lequel l’a utilisé pour en faire une veste. La preuve finale a été apportée quand un appel téléphonique a été passé avec un smartphone par simple effleurement de la manche de la veste. Ivan Poupyrev a encore insisté sur le fait que le projet Jacquard démontrait une faisabilité et non des applications spécifiques. Il revient maintenant aux développeurs de logiciels et aux concepteurs de mode de créer de nouvelles applications pour ces e-textiles. Ivan Poupyrev a prouvé que, à l’image du Darpa, si Google le voulait, il pouvait utiliser ce projet de l’ATAP et le reproduire à grande échelle.
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GPS: Global Positionning System. Rien à voir avec une orbite géostationnaire...
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