Ces dernières années, le paysage du cloud a connu un changement radical. Après avoir pleinement exploité le potentiel des services de cloud public, de nombreuses entreprises réévaluent désormais leurs stratégies et transfèrent leurs charges de travail vers des infrastructures sur site. Cette tendance, connue sous le nom de cloud repatriation ou « rapatriement depuis le cloud », est motivée par l'augmentation des coûts et la complexité croissante des environnements de cloud public. De plus en plus de projets de rapatriement sont en cours, car les entreprises continuent de recevoir des factures exorbitantes. Beaucoup réalisent à présent que les coûts élevés et inattendus des services cloud ne sont pas viables à long terme.

A ce titre, la décision de la compagnie d'assurance Geico de rapatrier de nombreuses charges de travail vers des solutions sur site a fait les gros titres. Dans une interview récente, Rebecca Weekly, vice-présidente de l'ingénierie des plateformes et des infrastructures chez Geico, a déclaré que « alors que le premier objectif du passage au cloud était de réduire les coûts et la complexité, il a finalement eu l'effet inverse ». Après une décennie d'investissements dans le cloud, les factures de cette société ont été multipliées par 2,5 par rapport aux coûts prévus et l'entreprise a été confrontée à des problèmes de fiabilité accrus. Ces problèmes sont typiques d'entreprises ayant adopté une stratégie de migration aléatoire ne parvenant pas à aligner les systèmes existants sur l'efficacité du cloud. Et Geico n'est pas un cas isolé. Dans tous les secteurs, les entreprises découvrent que le stockage des données dans le cloud public peut être prohibitif, surtout quand leurs besoins opérationnels reposent sur de grandes quantités de données qui nécessitent une gestion efficace et abordable. Pour les entreprises opérant dans des secteurs comme la finance ou l'assurance, la conformité réglementaire complique encore les choses. Les entreprises doivent conserver d'énormes volumes de données sensibles pendant de longues périodes, ce qui se traduit souvent par des dépenses de stockage dans le cloud très élevées. Autrefois considérées comme révolutionnaires, les approches cloud sont aujourd'hui perçues comme un handicap potentiel.

De la nécessité de repenser le cloud

En premier lieu, il ne s'agit pas d'un rejet de la technologie cloud en tant que concept. Le cloud fonctionne et a fonctionné au cours des 15 dernières années. Mais cette tendance au rapatriement met en évidence les préoccupations concernant les coûts élevés et inattendus des services cloud, en particulier quand les entreprises estiment qu'on leur a promis une réduction des dépenses IT lors des précédentes révolutions « exclusivement cloud ». Il faut que les dirigeants adoptent une perspective plus stratégique sur leur architecture cloud. Il ne s'agit plus seulement de transférer des charges de travail dans le cloud, mais d'adapter efficacement les applications pour tirer parti des capacités natives du cloud, une leçon que Geico a apprise trop tard. Une approche holistique de la gestion des données et des stratégies technologiques qui s'aligne sur les besoins uniques d'une entreprise est la voie du succès et de la réduction des coûts.

Les entreprises explorent désormais des environnements hybrides combinant des capacités de cloud public avec une infrastructure privée. Cette double approche, qui n'est pas nouvelle, permet de mieux contrôler les données, de réduire les coûts de stockage et de traitement et d'améliorer la fiabilité des services. Mme Weekly a fait remarquer que des solutions sur site permettaient tout à fait de gérer les dépenses d'investissement dans un modèle de dépenses opérationnelles. Les systèmes sur site sont généralement plus prévisibles et plus rentables au fil du temps. De plus, l'essor des technologies open source offre une voie aux entreprises qui cherchent à moderniser leur infrastructure. L'approche open source permet d'éviter les coûts élevés associés aux fournisseurs traditionnels de cloud public. En s'appuyant sur des frameworks comme Kubernetes pour l'orchestration de conteneurs et OpenStack pour les déploiements de clouds privés, les entreprises peuvent reprendre le contrôle de leurs données et de leurs ressources tout en minimisant leur dépendance à l'égard des offres de clouds publics. Bien entendu, cette approche s'accompagne d'une série de mises en garde. Les conteneurs coûtent plus cher que le développement traditionnel. Cependant, lorsqu'ils sont déployés sur du matériel appartenant à l'entreprise, les coûts relatifs aux excédents de mémoire, de processeur et de ressources de stockage qu’ils utilisent ont déjà été acquittés.

Vraie tendance ou cas isolés ?

La vague actuelle de rapatriements vers le cloud rend compte aussi d’une réévaluation plus large de leur infrastructure technologique par les entreprises. L'ère de l'adoption aveugle du cloud cède la place à une approche plus nuancée et plus pragmatique. Elles ont appris qu'il est payant d'intégrer les coûts opérationnels, les exigences de conformité et les cas d’usage spécifiques de l'entreprise dans la conception de l'infrastructure. Un grand nombre de fournisseurs de cloud ne savent pas qu'ils ont un problème de rapatriement parce qu'il n'a pas encore eu d'impact sur les revenus. Ils sont également occupés par la quantité d'expériences d'IA en cours, qui ont un impact massif sur les services des fournisseurs de cloud public. Cependant, si les fournisseurs de cloud ne se rendent pas compte de l'aide dont leurs clients ont besoin pour réduire les coûts du cloud, il y aura de plus en plus de rapatriements au cours des prochaines années.

Aujourd'hui, plus que jamais, les leaders technologiques doivent comprendre de manière exhaustive le paysage de données unique de leur entreprise et tirer parti de solutions rentables qui renforcent leur activité. Cela semble relever du bon sens, mais je suis troublé par le nombre d'entreprises qui adoptent aveuglément le cloud sans en comprendre correctement l'impact. Nombre d'entre elles se heurtent aujourd'hui à un mur pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les limites de cette technologie. C’est tout simplement le résultat de mauvaises décisions métiers. Alors que l’on entre bientôt dans l’année 2025, il faut s'attendre à ce que d'autres entreprises suivent l'exemple de Geico.