Nantes est une ville importante pour l'USF. En ouvrant la Convention 2019 à la Cité des Congrès de cette ville, Gianmaria Perancin, président de l'association des Utilisateurs SAP Francophones, l'a rappelé. C'est ici même que la première commission régionale (Grand Ouest) a été inaugurée, en 2010. La Convention 2019 se déroule les 9 et 10 octobre 2019 et accueille en cumulé 2500 personnes inscrites sur les deux jours, confirmant la place de l'événement au coeur de l'écosystème SAP en zone francophone. Des délégués du Cigref, du Medef et de clubs utilisateurs étrangers sont présents.

L'USF représente 450 entreprises avec 3300 adhérents, soit 75 % du CAC 40 et 66 % du SBF 120 avec un fort dynamisme de la commission régionale en Suisse francophone. Dans l'enquête de satisfaction menée récemment parmi les adhérents, 96 % se sont déclarés satisfaits des activités de l'USF. Les objectifs restent de faciliter la mise en relation entre utilisateurs, défendre les intérêts des membres et influencer les pratiques de l'éditeur. Quatre livrables ont été publiés à l'occasion de la Convention : une note de perspective sur la migration S/4HANA, un livre blanc sur le process mining, un autre sur la gestion budgétaire publique dans SAP et, enfin, la note juridique sur les accès indirects.

Les utilisateurs réclament des efforts à SAP

Même si Gianmaria Perancin s'est réjoui des discussions positives avec l'éditeur SAP, il regrette que le nouveau modèle de licence ne soit « toujours pas transparent, équitable et acceptable, orienté vers l'avenir et l'agilité. L'USF attend un modèle soit à la consommation réelle soit à l'utilisateur nommé. » L'autre grand sujet du moment est la localisation : le périmètre est désormais clair suite au Livre Blanc de l'éditeur. Mais l'USF va faire une réponse pour demander une V2 plus complète. Côté adoption de S/4HANA, la question du calcul du ROI reste toujours délicate. « Il ne faut pas que la migration soit un projet technique de plus mais une vraie valeur pour les métiers », a souligné Gianmaria Perancin.

Comme chaque année, la Convention comprend d'une part les plénières en matinée et d'autre part les ateliers l'après-midi. 92 partenaires sont présents dans l'espace d'exposition et de convivialité. Les plénières du matin ouvrent classiquement sur des thématiques plus générales voire parfois philosophiques autour d'un fil rouge. En 2019, ce fil rouge est « L'IA, nouveau vecteur de la transformation des métiers ».

Négocier grâce à l'IA

Le premier conférencier de la matinée du 9 octobre 2019 n'était pas destiné a priori à parler d'IA. Ancien officier du RAID, négociateur en situation de crise, Laurent Combalbert est ainsi intervenu sur le thème « Négociations complexes et IA ». Partant sur les erreurs majeures commises lors de la prise d'otage aux Jeux Olympiques de Munich, à une époque où personne n'était prêt à gérer ce genre de situation, Laurent Combalbert a rappelé que c'était le point de départ de la création des forces d'intervention et des équipes de négociation. En 2001, le RAID a travaillé sur un système informatisé de profilage des adversaires mais sans résultats probants. De même, les méthodes linéaires du FBI sont dépassées par les faits.

Il faut capter des informations nombreuses, saisir les paramètres multiples d'une situation, avec une capacité humaine très limitée surtout en situation de stress. On peut estimer ses capacités en la matière par des tests sur adninsider.com a indiqué Laurent Combalbert. Il a rappelé que le conflit, c'est à dire la confrontation entre idées différentes, peut être positif et créateur de valeur. Or négocier repose sur une masse considérable de données. Et c'est là où l'IA peut transformer le métier de négociateur. « La machine est capable de reconnaître les émotions même fugitives sur un visage » a souligné Laurent Combalbert. Le travail de négociation peut ainsi utiliser l'IA pour faciliter un rapport fondamentalement humain. Il reste à mettre en oeuvre les techniques expliquées par ce conférencier pour négocier avec SAP...

Comment les start-ups créent de la valeur avec l'IA

L'IA provient souvent des start-ups. Le directeur de SAP.iO Foundry Paris, l'incubateur de SAP en France, Sébastien Gibier, est donc ensuite intervenu sur « Comment capitaliser sur l'innovation des startups ? » aux côtés de trois sociétés : Energiency (optimisation énergétique par IA), Heuritech (amélioration du recyclage grâce au data mining et à l'IA) et Brennus Analytics (optimisation du prix de vente par IA). L'incubateur vise à faciliter les interactions entre SAP et les start-ups dans l'optique d'une meilleure création de valeur dans les entreprises clientes de l'éditeur. Sébastien Gibier a expliqué : « vous avez tous un smartphone mais y verriez-vous autant de valeur sans les apps ? De la même façon, SAP veut soutenir les start-ups pour enrichir l'offre de SAP. » L'éditeur intervient avec ses huit incubateurs dans le monde mais aussi avec une participation aux levées de fonds.

Les start-ups sont d'abord cherchées avec un large spectre avant d'être sélectionnées en fonction de leur pertinence puis d'être effectivement accompagnées, notamment pour être présentées aux entreprises, et éventuellement rachetées. Les « cohortes » (séries de recrutements de start-ups) sont en général autour d'un thème comme les finances ou bien l'expérience client. La dernière cohorte de huit start-ups est sur le thème de la GreenTech et de l'entreprise durable : asset management, recyclage et traitement des déchets, pilotage énergétique... Bien entendu, le pilotage énergétique peut être facilité par l'IA reposant sur les données de l'IoT (capteurs, compteurs...) comme avec le SaaS d'Energiency qui promet 15 % d'économie aux industries.

Le management à l'heure de l'IA

Dernière conférencière de la première matinée, la philosophe Julia de Funès s'est interrogée sur « Comment repenser le management à l'heure de l'IA ? ». Ancienne chasseuse de tête, auteure de plusieurs ouvrages de management et animatrice télévisuelle (« Le Bonheur selon Julia » sur France 5, chronique philosophique sur BFM Business...), elle intervient aujourd'hui en entreprise pour y introduire la réflexion philosophique, c'est à dire la recherche de sens. A l'heure du développement d'angoisses et de peurs, les philosophes qui, depuis 2500 ans, cherchent à maîtriser les peurs, sont pour le moins challengés. « Nous sommes, à l'heure du dévoiement du principe de précaution en idéologie précautionniste, poussés à l'inaction », notamment par une législation intrusive et tatillonne, a dénoncé Julia de Funès. Pour elle, « le poison est dans la dose, pas dans la chose. » Le process est positif sauf en cas de surdosage. Par exemple, les slides devant habiller toute présentation ont une tendance à échauffer la philosophe.

Le management est devenu procédural à l'excès, conformiste, tout en étant soumis à la dictature du fun et du ludique. Or, comme disait Sigmund Freud, le jeu s'oppose au réel. La dictature du jeu, notamment en formation, est donc contre-productive car il est complexe de transcrire dans le réel quelque chose par nature irréel. Pour elle, « ce ne sont pas les babyfoots et les tomates cerises qui rendent les gens heureux en entreprise ». Le problème est l'injonction paradoxale : la procédurisation immobiliste et l'exigence d'innovation permettant l'amélioration continue. L'IA peut accompagner la procédure mais il faut savoir la dépasser, rester humain, comme il faut savoir dépasser la procédure pour innover et prendre des risques.