Le fournisseur allemand de services de communication vidéo Alfaview a déposé une plainte formelle auprès de la Commission européenne contre son rival américain Microsoft ce 20 juillet. La raison ? Abus de position dominante. La plainte porte sur la vente liée de l’outil de visioconférence et de collaboration Teams et du logiciel de productivité Office de la firme de Redmond. Alfaview propose en effet un logiciel éponyme pour la vidéoconférence et la collaboration dans les entreprises et les institutions depuis 2010.
Seuls des datacenters certifiés ISO 27001 situés et ayant leur siège en Allemagne sont utilisés pour fournir les services. De plus, les flux vidéo et audio ainsi que les serveurs sont chiffrés selon les normes actuelles conformément aux dernières directives de l'Office fédéral allemand de la sécurité de l'information. Alfaview fonctionne de manière régulière et sans latence sur toutes les plateformes courantes – Windows, MacOS, Linux, iOS, iPadOS et Android ainsi que via différents navigateurs.
Alfaview est une solution de visioconférence proposant une communication audio et vidéo dans les grandes réunions et se concentrant sur la sécurité, la stabilité et la conformité au RGPD. (Crédit : Alfaview)
Microsoft use de subterfuges pour proposer Teams en même temps qu’Office
Seul hic, Alfaview, qui se retrouve en concurrence avec la solution Teams pour les clients professionnels, notamment dans le secteur de l'éducation et de la formation, indique ne pas se battre à armes égales. « Depuis 2017, Microsoft distribue Teams en même temps que sa suite logicielle Office, qui domine le marché (notamment Word, Excel, Outlook et PowerPoint), en tant que service de communication par défaut. Depuis lors, presque tous les clients du logiciel de productivité le plus utilisé, Office, reçoivent automatiquement le service séparé Teams également, sans avoir à payer un prix séparé pour cela ou qu'on leur demande s'ils souhaitent utiliser le produit du tout et sans leur donner le choix entre des fournisseurs alternatifs » indique Alfaview dans un communiqué.
Cette distribution combinée « affecte de manière significative et permanente la concurrence sur le marché de ces logiciels de communication, comme le montre la croissance exponentielle de l'utilisation de Teams » poursuit l’éditeur. Il ajoute qu’il serait beaucoup plus difficile pour les concurrents de maintenir leur position sur le marché, car chaque client d'Office « est censé recevoir gratuitement l'application Teams ». Microsoft finance les coûts élevés de Teams par le biais des applications Office. Et avec plus de 300 millions d'utilisateurs actifs mensuels dans le monde pour cette solution, on peut aisément croire que le géant bénéficie d'une longueur d'avance qu'il est difficile de rattraper sans l'intervention des autorités antitrust.
Une enquête formelle sur la concurrence demandée
En l'état, Alfaview demande une enquête formelle sur la concurrence contre Microsoft, dans laquelle l'abus de l'intégration de Teams dans la suite de produits Microsoft 365 est identifié et traité. « Le fait de lier Teams aux autres applications de la suite Microsoft 365 crée un avantage de distribution multipolaire pour le groupe américain » affirme Niko Fostiropoulos, directeur général et fondateur d’Alfaview. L’éditeur allemand avait déjà échangé avec la Commission sur ce sujet. Dans le même temps, le géant américain fait face à une enquête antitrust de l'UE après l'échec des recours. Cela fait suite à la plainte déposée par Slack portant sur l'ajout gratuit de Teams à Office 365 en 2017, l'application remplaçant finalement Skype Entreprise. Slack a allégué que son rival avait injustement intégré les équipes d'applications de chat et de vidéo sur le lieu de travail dans son produit Office.
Ici, la principale revendication de l’éditeur allemand est la tarification transparente de Teams sur la base des coûts réels. De son point de vue, il faut veiller à ce que des options de licence équivalentes sans Teams soient proposées pour toutes les configurations de produits Microsoft 365 pour tous les domaines d'activité, groupes cibles et segments de marché de l'entreprise. « Dans le contexte du marketing et de la distribution, Microsoft doit également s'engager à promouvoir ses suites de produits sans Teams de manière équivalente. De même, en ce qui concerne l'interopérabilité, il faut veiller à ce que les concurrents disposent également des mêmes options techniques » précise Alfaview.
Le lourd passif de Microsoft
Bien évidemment, Microsoft n’en est ni à sa première plainte ni à sa première enquête pour abus de position dominante. Par le passé et à plusieurs reprises, la Commission européenne a pris des mesures à l'encontre de Microsoft pour pratiques commerciales abusives. En 2004, elle a imposé une amende de près de 500 millions d'euros parce que la firme de Redmond avait techniquement lié son système d'exploitation dominant pour PC, Windows, à un autre produit, Media Player. En 2009, la Commission a constaté un lien similaire entre le navigateur Internet Explorer et le système d'exploitation Windows de la firme. Résultat ; une nouvelle amende d'environ 560 millions d'euros a été imposée. L'interdiction de la vente liée a même permis de relancer la concurrence dans le domaine des navigateurs web.
En 2022, en raison d'un transfert illégal de données vers des pays tiers, plusieurs commissaires allemands à la protection des données ont interdit l'utilisation de Teams dans les institutions publiques et les écoles. Cependant, en raison du lien technique avec Office, même les clients qui paient pour Teams ne peuvent ou ne veulent pas utiliser l'application pour des raisons de protection des données. Plus récemment, en mars 2023, l'Office fédéral allemand de lutte contre les cartels (Bundeskartellamt) a ouvert une procédure visant à désigner Microsoft comme une entreprise d'importance primordiale pour la concurrence sur les marchés et à soumettre ainsi l'entreprise à des obligations supplémentaires en vertu du droit allemand de la concurrence. En juin dernier, la firme a également été épinglée dans une autre affaire, l’opposant cette fois-ci à Google. Ce dernier lui reproche d’user de pratiques déloyales concernant son offre Azure. Dans une missive envoyée à la FTC, Google accuse Microsoft d’avoir trouvé le moyen d'enfermer les clients afin de prendre le contrôle du marché du cloud. L’affaire est désormais entre les mains de la justice américaine.
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