Alors que la ruée vers le déploiement de la 5G se poursuit, les opérateurs américains de téléphonie mobile pensent que la 5G pourrait leur permettre d’étendre leur activité sur le marché des entreprises. Mais selon les analystes du secteur, il n'est pas certain que leur stratégie sera suffisante pour atteindre cet objectif.
Une mise en œuvre qui coûte cher aux opérateurs
Même si Verizon, AT&T et T-Mobile sont des piliers de l'infrastructure Internet américaine, le rôle historique de fournisseurs de pipelines de ces opérateurs a été largement limité au transport de données et les efforts qu’ils ont déployés pour monétiser leurs réseaux au-delà de la simple fourniture du transport de données d'autres entreprises ont rencontré, au mieux, un succès mitigé. « Il faut comprendre que la mise en œuvre de la 5G représente un énorme investissement pour un opérateur de réseau », a déclaré Christian Renaud, directeur de recherche en pratique IoT chez 451 Research. « Chacun tente d'accélérer la courbe en faisant appel à l'entreprise », a-t-il ajouté.
La 5G, propice à de nouveaux services
Selon Patrick Filkins, analyste principal de la recherche chez IDC, « les caractéristiques de la technologie 5G créent de l’attractivité ». L'une d’elles concerne le découpage du réseau, qui permet de diviser une seule connexion en plusieurs connexions virtuelles, chacune fournissant des ressources différentes adaptées aux besoins du client. Une autre caractéristique concerne la fonction d'exposition au réseau qui permet de rationaliser les API des services réseau pour simplifier la création de nouveaux services. Celles-ci pourraient permettre aux opérateurs d'offrir un accès très spécifique à leurs réseaux, de la même manière qu'un service cloud offre des portions de sa plate-forme à ses clients pour créer des applications. « Même si ce modèle de monétisation n'existe pas nécessairement aujourd'hui dans le secteur des télécommunications, des proxies existant pourraient permettre à un opérateur de téléphonie de s’appuyer sur des entreprises PaaS adjacentes et de facturer des frais à un développeur pour accéder à ces données de réseau », a-t-il déclaré. « C'est un domaine dans lequel une entreprise de télécommunications pourrait s’orienter et sortir de ce rôle de transporteur de données ».
C’est justement parce qu’ils craignent de ne pas pouvoir sortir de ce rôle de simples fournisseurs de pipelines de données que les opérateurs sont si pressés de déployer la 5G. En témoignent, les milliards de dollars qu'ils ont dépensés pour acheter de la bande passante 5G au cours de la récente mise aux enchères des fréquences de la bande C par le régulateur américain des télécommunications, la FCC (Federal Communications Commission), et la course actuelle pour déployer des points d'accès 5G à plus forte densité sur les principaux marchés américains. Selon Glenn O'Donnell, vice-président et directeur de la recherche de Forrester Research, les opérateurs ont eu la possibilité d'élargir leur base de revenus plus tôt dans l'ère du cloud, mais ils n'ont pas su comprendre assez vite certains éléments fondamentaux du cloud. « Au début, ils n'ont tout simplement pas vu que le modèle commercial du cloud n’était pas un modèle de réseau, mais de l'hébergement d'applications », a-t-il déclaré. « C'est différent, mais en général, AWS et les autres fournisseurs ont réussi parce qu'ils offraient une plateforme d'applications, et pas seulement une infrastructure ».
« Aujourd’hui, avec le démarrage de la 5G, les opérateurs télécoms sont confrontés au même problème », a ajouté M. O'Donnell. Cette fois, il s’agit d’exploiter les nouvelles fonctionnalités de la 5G pour offrir des services comme de l’IoT à bande étroite et, de manière un peu plus ambitieuse, des services edge, plutôt que de se contenter de vendre un nouveau type de connectivité, ce qui ramènerait les opérateurs à leur point de départ. « Ils ont la possibilité de faire quelque chose cette fois, sauf que toute l’industrie IT risque de s’orienter vers l’edge, et c’est un secteur qui sera longtemps hypercompétitif », a-t-il ajouté.
Pourquoi l’edge est une opportunité
Même si l’IoT à bande étroite représente un gain potentiel évident pour les opérateurs - car il leur permet d'offrir un service sans complication, presque omniprésent, pour connecter des appareils IoT ayant de maigres besoins en données dans un certain nombre de secteurs potentiels - il est probable que la technologie edge est celle qui permettra le mieux aux opérateurs d'offrir un service compétitif capable de séduire le client d'entreprise. Une fois que la 5G sera réellement opérationnelle dans une plus grande partie du pays, l'avantage clé des opérateurs réside indéniablement dans leur présence écrasante. Transformer une station de base 5G en un point de présence edge sera aussi simple que d'ajouter des nœuds de calcul et de stockage, et permettrait à AT&T, Verizon et T-Mobile de vendre des services edge à n'importe quel client selon différentes plages de réseaux.
L'attrait, bien sûr, variera selon l'industrie, mais M. Renaud a déclaré que les services publics seraient un bon marché cible potentiel. « Il y a de fortes chances que les opérateurs de téléphonie captent une grande partie du marché de la relève automatique des compteurs », a-t-il déclaré. « Toute la communication et toute la signalisation sont des fonctions localisées, donc, soit les services publics peuvent faire des offres sur ces fréquences comme tout le monde, soit ils peuvent passer par les opérateurs sans fil. Qu’est-ce qui est mieux : exploiter un réseau sans fil ou avoir la possibilité de communiquer avec ses appareils ? Ce genre d'appel d'offres ne se limite pas au secteur des services publics. Un grand nombre d'entreprises pourraient passer le relais à un opérateur de téléphonie mobile pour éviter les investissements et les casse-têtes liés à l'exploitation d'un réseau en interne.
Les partenariats sont la clef du succès
Mais l'astuce serait d’arriver à s’introduire dans les entreprises habituées à faire affaire avec certains fournisseurs. Et selon M. O'Donnell, pour y parvenir, il faudrait créer des partenariats avec des entreprises ayant une expérience du secteur, comme GE Digital ou Honeywell pour le secteur de l’IoT, par exemple. « Les opérateurs de télécommunications ne devraient pas s’imaginer que ce monde leur appartient », a déclaré M. O'Donnell. « Si je dirige une grosse multinationale, et que je m'associe avec ABB, et si AT&T offre de meilleurs partenariats que Verizon, alors c’est vers AT&T que je me dirigerais », a-t-il ajouté. Selon Christian Renaud, les entreprises devraient suivre avec intérêt les efforts entrepris par les opérateurs de téléphonie mobile. La possibilité d'acheter des services edge avec connectivité intégrée dès le départ et de consacrer moins de temps à gérer leur réseau pourrait mettre les opérateurs en position de force s'ils parviennent à conclure de bons partenariats. « C'est un combat qu’ils ne doivent pas perdre. Ils ont la fréquence, les tours de téléphonie mobile, mais tout repose sur le modèle économique », a-t-il déclaré. « C'est l’opportunité à ne pas louper ».
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