L'entreprise publique Svevia est la plus grande société de Suède dans le domaine de l'exploitation et de l'entretien des routes et ponts. Elle gère plus de 50 % du réseau routier, mais, comme le secteur de la construction dans son ensemble, elle reste relativement en retard en matière de numérisation. Un retard que Svevia s'emploie à combler via des projets de numérisation multi-activités, dans le cadre desquels sont testées de nouvelles technologies visant à accroître la sécurité des travailleurs et des usagers de la route.
« Lorsque je suis arrivée il y a trois ans, j'avais pour mission de numériser l'entreprise », résume Maria Wester, directrice informatique de Svevia. « Pour ce faire, une transformation numérique était nécessaire. Or, en matière de fourniture d'informations, il n'y avait à l'époque pas grand chose, alors nous avons mis en place des plateformes de base pour traiter les données, et développé une architecture cloud pour l'infrastructure et les applications. »
Une source de données pour toute l'entreprise
En l'espace d'un an, 150 applications ont ainsi été transférées vers les services cloud et SaaS de Microsoft, ce qui a permis une évolutivité et la mise à niveau des environnements techniques, avec des API connectées aux applications. « Avoir accès aux données afin de numériser l'ensemble d'une entreprise est crucial », tranche la DSI. « Souvent, un métier, un service ou un produit est numérisé, mais pas l'ensemble de l'entreprise. De notre côté, nous voulions créer une source d'information pour l'ensemble de l'entreprise. »
Permettre ce flux de données et l'accès à celles-ci n'a pas été une mince affaire si l'on considère que la division qui gère l'exploitation et l'entretien des routes, appelée Drift, cohabite avec une division Industry, pour les opérations dans les gravières, la production d'asphalte et le marquage de lignes thermoplastiques, ainsi qu'avec la division Construction, qui mène de petits et grands projets de construction dans des domaines tels que les terrassements, les routes, les ponts, les tunnels, et l'éolien.
Architecture à plusieurs couches
La plateforme est construite en plusieurs couches, de la couche technologique à la couche de données et d'intégration, en passant par la couche d'application et la couche de service, où se résident les fonctions d'analyse des données. Enfin, une couche de présentation permet d'accéder au monde extérieur à l'entreprise afin d'échanger des données avec les clients. Avec les bonnes données disponibles et la plateforme Power de Microsoft, l'objectif est de fournir de manière proactive et continue des rapports et une aide à la décision. Le tout à l'échelle du groupe.
Svevia est une entreprise très décentralisée, composée de trois divisions, d'une centaine de bureaux fixes et de plus de 100 bureaux de projet pour les plus grands chantiers à travers le pays. Les bureaux ouvrent et ferment en permanence en fonction de l'emplacement des principales missions. « Nous sommes très efficaces sur le plan opérationnel », explique la DSI. « Nous voulons passer rapidement de l'idée à la livraison afin de rationaliser au maximum nos processus. »
Svevia ne travaille toutefois pas de manière totalement agile et conserve une démarche traditionnelle pour ses grands projets, mais dans le domaine de la numérisation - et de l'innovation en particulier - des méthodes de travail novatrices sont indispensables. « Les projets avec une méthodologie en cascade peuvent sembler plus faciles à comprendre d'un point de vue global, mais lorsqu'il s'agit d'innover en permanence avec un client pour produire de nouveaux bénéfices, nous nous devons de travailler en mode itératif, même dans les projets complexes », estime Maria Wester. « En même temps, nous devons toujours veiller à impliquer les métiers dans ces projets. Cela peut être un défi, car l'organisation a tendance à toujours se concentrer sur son coeur de métier. Mais nous faisons de notre mieux pour obtenir ensemble les résultats attendus ».
Vider les poubelles intelligemment
La division Drift a joué un rôle clé dans la numérisation de Svevia grâce à l'internet des objets (IoT), à la collecte et l'analyse de données. L'un de ces projets consiste, en effet, à optimiser la relève des grandes poubelles en partie souterraines que l'on trouve sur les aires de repos le long des routes suédoises. Traditionnellement, ces poubelles étaient vidées selon un calendrier précis : certaines l'étaient le mardi et le vendredi, d'autres le mercredi et le lundi, par exemple.
Désormais, les itinéraires sont optimisés en fonction des niveaux de remplissage des conteneurs, qui appartiennent à l'administration suédoise des transports, mais que Svevia est chargée de vider par l'intermédiaire d'un certain nombre de sous-traitants répartis dans tout le pays. « Nous plaçons des capteurs dans ces conteneurs et, grâce aux données que nous recueillons, nous pouvons visualiser leur niveau de remplissage et planifier les itinéraires en conséquence », détaille Andreas Bäckström, responsable du développement au sein de la division Drift. Depuis que l'optimisation des itinéraires a été mise en place, le nombre de vidanges nécessaires a diminué, note-t-il. Cela se traduit par une réduction du nombre de transports et des bénéfices environnementaux.
Un jumeau numérique pour le salage des routes
Un autre projet concerne les véhicules lents, qui augmentent le risque d'accident sur les routes. En utilisant les données de positionnement GPS des véhicules d'entretien - un processus de maintenance imposé par les autorités routières -, il est possible d'envoyer des alertes au lieu de se contenter d'utiliser ces données pour assurer le suivi des questions correctives et pour enquêter sur les cas d'indemnisation en cas d'accidents, par exemple. Le fournisseur de systèmes BM System, avec lequel Svevia travaille, est impliqué dans le projet, de même que Scania et Combitech. Les mêmes données peuvent également être utilisées pour rémunérer les conducteurs en fonction de leur conduite et pour contrôler les capacités.
Un troisième domaine d'optimisation via la donnée concerne le salage des routes pendant l'hiver. Dans certaines régions, Svevia teste l'utilisation de capteurs routiers, combinés à des données météorologiques et d'autres données provenant des véhicules. La création d'un jumeau numérique de la surface de la route permet d'élaborer des itinéraires dynamiques pour les camions de déneigement et de salage. Le système d'optimisation des itinéraires leur propose ainsi des itinéraires personnalisés toutes les heures. « Il s'agit d'une technologie relativement récente et nous sommes à l'avant-garde », assure Andreas Bäckström. « Mais nos tests ont montré qu'il est possible de réduire la consommation de sel de 15 à 25 %. »
Miser sur la coopération sectorielle
Pour une entreprise comme Svevia, il n'y a pas de place pour l'expérimentation, souligne Maria Wester. « Nous devons savoir que ce que nous obtenons est utilisé à bon escient au sein de l'organisation et que nous serons en mesure de créer une organisation assurant le déploiement et la gestion des solutions de rupture », dit-elle. Pour y parvenir, il est nécessaire de bien planifier l'introduction d'une nouvelle technologie, de réfléchir en amont à son architecture et à l'existence ou non de données supportant le scénario d'utilisation. « L'intégration coûte cher, la mise en qualité des données coûte cher, le stockage des données et le fait de savoir comment les nettoyer coûtent également de l'argent », ajoute la DSI. « Il faut toujours évaluer le coût par rapport à l'effet produit. »
Andreas Bäckström et Maria Wester soulignent encore l'importance de la coopération, même avec des concurrents, lorsqu'il s'agit de domaines tels que la sécurité routière et la durabilité. Les progrès réels de l'industrie et la mise en oeuvre efficace de nouvelles technologies correspondent à des périodes où la coopération autour de nouvelles normes, méthodes de production et technologies fait figure d'objectif principal, sans laisser la concurrence devenir un obstacle. Ce sont des directions dans lesquelles Svevia a choisi de prendre les devants, souvent en menant des projets d'innovation avec l'ensemble d'un écosystème, projets qui peuvent, par exemple, être financés par des programmes de subvention de l'administration suédoise des transports ou par le programme d'innovation stratégique du pays, InfraSweden2030.
« Chez nous, beaucoup de choses sont dictées par [les lois régissant les marchés publics] et l'accent est souvent mis sur le prix le plus bas », explique Maria Wester. « Souvent, c'est également ce qui contrôle l'innovation. Dans le meilleur des cas, l'efficacité ainsi recherchée permet également d'améliorer l'impact environnemental. Mais si les niveaux de rentabilité deviennent trop faibles, l'accent mis sur la numérisation et l'innovation est limité au profit d'une focalisation sur les revenus. Cependant, avec les bonnes incitations et le bon niveau de coopération, des routes plus sûres, l'environnement des usagers de nos infrastructures et la durabilité de nos activités peuvent être placés au centre de la numérisation dans l'entreprise. Ce qui, in fine, profite à tous les citoyens. »
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