Travailler en mobilité, en ubiquité plutôt, cela va, aujourd'hui, de soi. Ou, plus exactement, cela va de soi pour les utilisateurs. Dans la pratique, de nombreux freins existent : réglementaires, sécuritaires, techniques associés au Legacy... Les disparités entre attentes et pratiques mais aussi entre types d'usages sont bien soulignées par les résultats de l'étude Quelle digitalisation du travail en 2019 ?, réalisée par CIO. Les résultats de celle-ci ont été présentées en ouverture de la conférence « Digital Workplace - Du Digital Workplace au travail collaboratif ubiquitaire » organisée par CIO à Paris le 3 décembre 2019. Les experts des partenaires de la matinée, Fujitsu, Fuze, Insight, Klee Group / Jalios, LogMeIn, Nexthink, NFON, Poly et Sennheiser, se sont exprimés aux côtés des témoins d'entreprises et d'administrations, en présentant les meilleurs outils et pratiques à adopter, mais aussi les difficultés résiduelles.
Florian Monier, Solution Consultant chez Nexthink, a plaidé « Expérience numérique : Comblez le fossé entre les attentes des collaborateurs et la réalité »
L'adoption de la digital workplace n'est parfois pas si idéale, rapide et facile que l'on souhaiterait. Partant d'une anecdote lors de sa délicate découverte du golf, avec une première journée consacrée d'abord à un long apprentissage théorique et des échecs, Florian Monier, Solution Consultant chez Nexthink, a ainsi enjoint : « c'est la même chose pour réussir une expérience numérique et envoyer une balle de golf dans un trou, il faut se focaliser sur l'objectif et le reste se met en place de manière naturelle. » Innovation et changement des habitudes ne peuvent qu'entraîner des perturbations. Il faut que les utilisateurs dépassent ces perturbations pour adopter les nouveaux outils et pratiques en respectant les règles.
L'un des problèmes évoqués est que l'expérience vécue par les collaborateurs dépend de chaque collaborateur. Et la moitié des collaborateurs se déclarent insatisfaits de leur environnement numérique de travail. Quand on parle de 22 minutes perdues par jour à cause de dysfonctionnements, il faut prendre conscience que cela représente plus de dix jours par an... de quoi proposer quinze jours de congés en plus ! Pour améliorer le Digital Experience Score, il peut donc être intéressant de s'équiper d'une plate-forme proposant à la fois une mesure de la qualité perçue et des outils d'auto-remédiation.
Comment la Société Générale a transformé son fonctionnement en améliorant l'expérience collaborateur a été expliqué par Edouard Marteau d'Autry, Directeur Expérience Utilisateurs du Groupe Société Générale.
Premier témoin de la matinée, Edouard Marteau d'Autry, Directeur Expérience Utilisateurs du Groupe Société Générale (Société Générale, Boursorama, Crédit du Nord... pour 140 000 collaborateurs dans 67 pays), est précisément revenu sur les évolutions menées au sein du groupe bancaire en matière d'expérience collaborateur. Au delà du déploiement d'Office365, d'un réseau social d'entreprise qui marche sous Jive, du Flex Office dans le nouveau site des Dunes (Val-de-Fontenay), la Société Générale a adopté une démarche globale. Pour les clients, il s'agit d'une digitalisation notamment via les apps. En interne, pour les collaborateurs, Edouard Marteau d'Autry estime que « c'est le Digital Workplace qui fait que la révolution numérique est vécue dans le quotidien et pas seulement dans le discours. »
« Les Dunes a été la première de nos expériences à grande échelle -5000 collaborateurs- avec le Flex Office, du Wi-Fi et nous avons voulu la piloter par l'expérience utilisateurs en se demandant ce que nous mettions en place signifiait concrètement pour les gens travaillant dans les locaux » s'est-il souvenu. La société générale a donc déployé ses différents outils comme des « produits » avec des « products owners » à partir de cas d'usages. Une des difficultés est, dans l'environnement très contraint d'un groupe bancaire, de maintenir une bonne expérience utilisateurs. « Il faut trouver le bon équilibre entre les contraintes, notamment de sécurité, et la facilité d'usage car si la sécurité est une gêne, les gens be vont pas utiliser l'outil mais risquent de passer par un outil tiers non-sécurisé » a reconnu Edouard Marteau d'Autry.
Sandrine Deblais, Senior Manager, Responsable du Pôle Accompagnement au Changement chez Klee Group et Jean-Francois Pellier, directeur commercial de Jalios, ont pointé : « Digital Workplace : accompagner le changement ou subir »
« Si les collaborateurs n'adhèrent pas, même au meilleur outil du monde, vous avez jeté votre argent par les fenêtres » a d'ailleurs soutenu peu après Sandrine Deblais, Senior Manager, Responsable du Pôle Accompagnement au Changement chez Klee Group. Elle intervenait en compagnie de Jean-Francois Pellier, directeur commercial de Jalios. Pour assurer le succès du digital workplace, il faut donc embarquer les utilisateurs, définir avec eux ce que sera l'environnement numérique de travail et leur montrer les avantages.
La démarche doit commencer par la planification de l'accompagnement au changement. Ensuite vient le temps de la co-construction avant que ne débute celui de la communication. Il faut alors adapter le discours à chacun. Enfin, il faut persévérer et s'appuyer sur les primo-adoptants. La direction des Douanes a d'ailleurs témoigné de l'application de cette stratégie en vidéo lors de l'événement. « La digital workplace agrège tous les outils que peuvent utiliser les collaborateurs » a rappelé Jean-Francois Pellier.
Richard Ramos, General Manager d'Insight, a stipulé : « Transformation digitale : s'assurer de l'adoption multigénérationnelle »
Faciliter l'adoption des outils est donc (et évidemment) essentiel. Mais pas seulement par quelques early adopters ou happy fews. Toutes les générations, tous les profils, doivent adopter les outils et ceux-ci doivent leur plaire car, sinon, le risque est que les meilleurs, dépités, quittent l'entreprise. Richard Ramos, General Manager d'Insight, a ainsi tonné : « vous qui êtes dans la salle, on va vous accuser d'être responsables du départ des talents. »
Il faut donc fournir les bons outils aux collaborateurs. Intelligence artificielle et machine learning peuvent fournir de véritables apports à la digital workplace. Et de bonnes pratiques peuvent également contribuer. Typiquement, il convient par exemple de réduire le volume de mails grâce à des outils collaboratifs ou de déployer des assistants personnels pour accéder aux outils de l'entreprise.
Comment digitaliser la profession d'avocat a été explicité par Michel Truong, DSI du Conseil National des Barreaux.
S'il y a une digitalisation qui n'était pas simple à mener (et qui n'est d'ailleurs pas terminée), c'est bien celle des avocats. Michel Truong, DSI du Conseil National des Barreaux (CNB), en a témoigné. Le CNB est l'organe professionnel représentatif des 70 000 avocats en France qui a notamment pour mission de mettre en place les outils numérique pour dématérialiser les échanges entre avocats et avec tous les tribunaux en France. Les relations ne sont d'ailleurs pas forcément très bonnes entre le Ministère de la Justice et le CNB. Il faut aussi que les avocats soient plus accessibles pour le commun des justiciables au travers des outils digitaux. Depuis 2018, une transformation numérique a été initié au CNB avec, en ligne de mire, une plus grande cohésion entre les différents outils.
Malgré tout, il y a des conflits récurrents autour de la digital workplace et plus précisément de la vidéoconférence : beaucoup d'avocats protestent contre son usage pour des audiences judiciaires sans extraction des détenus. « Le premier problème est l'appropriation, même si les 80 avocats élus du CNB l'utilisent régulièrement » a souligné Michel Truong. Mais c'est très loin d'être la seule limitation. Au delà des incidents liés à la qualité médiocre des équipements, la vidéoconférence telle qu'entendue par le Ministère de la Justice ne permet pas une bonne communication, incluant les éléments non-verbaux par exemple à cause d'une image trop petite. Michel Truong a aussi dénoncé une « déshumanisation de la justice » et la sortie des « lieux de justice ».
Pour Matthieu Courtois, Directeur Régional Europe du Sud de Fuze, « Les UCaaS sont au coeur de la digital workplace »
De fait, en termes d'outils, la satisfaction des utilisateurs est loin d'être la règle générale. « 89 % des collaborateurs veulent des outils de flexibilité, 51 % n'ont pas ceux dont ils ont besoin » a ainsi dénoncé Matthieu Courtois, Directeur Régional Europe du Sud de Fuze. Pourtant, la digitalisation des usages s'accroît mais souvent avec de multiples outils dont certaines fonctionnalités sont redondantes. Le principe des communications unifiées est, au contraire, d'adopter un outil unique pour tous les types de communications numériques hors e-mail : téléphone, collaboratif, centre de contacts... Il reste bien sûr toujours possible d'adopter un outil de communication unifié mais de conserver malgré tout un outil tiers déjà implémenté.
Plusieurs facteurs peuvent jouer comme déclencheurs de l'installation d'un outil de communications unifiées. Il peut s'agit ainsi de déménagements, de fusions/acquisitions, de mise en place de flex office ou du télétravail... La réduction des coûts peut avoir un rôle. Le recours aux communications unifiées simplifie la maintenance du parc installé lorsque le nombre de sites s'accroît. Le cabinet Hays et la marque de cosmétique Nuxe ont ainsi témoigné en vidéo.
Tim Leroy, Senior Solutions Consultant GoTo chez LogMeIn, a exposé « Comment les responsables informatiques envisagent de moderniser et révolutionner leurs forces de travail »
Tim Leroy, Senior Solutions Consultant GoTo chez LogMeIn, a renchéri en se basant sur une étude réalisée pour la marque de communications unifiées de l'éditeur auprès de 2000 décideurs IT dans le monde. Les répondants attendent ainsi de l'amélioration de l'efficacité opérationnelle, de la productivité et une amélioration de l'expérience utilisateur. Il faut aussi se souvenir que les communications unifiées concernent autant les communications internes à une organisation que les communications externes (avec les clients par exemple).
« La tendance est d'aller vers des solutions dans le cloud, faciles à utiliser et managées » a indiqué Tim Leroy. L'adoption des outils suppose en effet un alignement à la fois sur les besoins de l'entreprise mais aussi sur ceux des collaborateurs.
Morad Fernane, Key Account Manager chez Sennheiser, a souligné « L'importance du choix du device audio adapté aux évolutions de l'espace de travail »
Mais les nouvelles solutions de communication et de collaboration ne sont pas nécessairement toujours bien adaptées. « Pratiquement 100 % des entreprises ont adopté un environnement de type open-space » a pointé Morad Fernane, Key Account Manager chez Sennheiser. Or le bruit environnant est une gêne considérable pour travailler, ce qui est à l'origine de nombreuses plaintes, la grande majorité des utilisateurs se déclarant plus productifs quand ils sont seuls. Pour Morad Fernane, il faut donc traiter la problématique de l'acoustique au travail.
Au delà, le digital workplace permet un travail ubiquitaire, dans tout type d'environnements. Donc y compris en zone bruyante. Il est donc nécessaire de doter les collaborateurs de micro-casques adaptés à ces types d'environnements pour qu'ils profitent réellement des communications unifiées.
Grande témoin de la matinée, Caroline Desmaretz, Directrice de l'Expérience Utilisateur et des Fonctions Supports chez Nexity, a aussi présenté les travaux réalisé au Cigref.
La Grande Témoin de la matinée, Caroline Desmaretz, intervenait à un double titre. Tout d'abord, elle est Directrice de l'Expérience Utilisateur et des Fonctions Supports au sein du groupe immobilier multi-activité Nexity. Mais elle a également contribué au groupe de travail du Cigref « Evolution de l'environnement de travail à 5 ans - La DSI au service de l'expérience salarié ». Elle a ainsi pu constater, par les partages au sein du groupe de travail, que « nous avons tous en gros les mêmes problèmes. L'environnement de travail était fixe mais il devient de plus en plus flexible et mobile avec des problématiques de sécurité croissantes et des exigences des utilisateurs également croissantes ». Les enjeux relèvent donc à la fois de la mobilité mais aussi du déploiement qui doit être accompagné pour que les outils soient adoptés.
Nexity a ainsi déployé Office365 depuis plusieurs années. Et les usages ont de fait changé. Certains outils ont été laissés en adoption libre et ont ainsi pu séduire progressivement avant qu'une généralisation ne soit mise en oeuvre. Sur septembre 2019, 25 % des 8000 utilisateurs ont ainsi utilisé Teams (non-généralisé à ce jour) et 15 % Skype (outil déployé mais en voie d'extinction).
Fabien Maillet, CTO Digital Workplace France chez Fujitsu (à gauche), a fait témoigner Frédéric Czajkowski, Global Service Delivery Manager chez L'Oréal, sur « Digital Workplace : Réinventons l'expérience collaborateurs »
Fabien Maillet, CTO Digital Workplace France chez Fujitsu, a voulu insister sur la nécessité pour les DSI de profiter de l'opportunité de la valeur apportée à l'expérience collaborateur. Et, pour convaincre, il a choisi de s'appuyer sur le témoignage d'un client, Frédéric Czajkowski, Global Service Delivery Manager chez L'Oréal. « C'est sur la valeur employés que nous avons voulu travailler ensemble » a ainsi confirmé ce dernier. Il s'agissait de déployer des projets qui soient des solutions, d'accroître l'autonomie et la collaboration et aussi la facilité d'usage.
L'adhésion au déploiement de Teams a été forte alors même que ce déploiement a duré moins d'une semaine. De même, les collaborateurs peuvent recevoir des terminaux (ayant évidemment un certain prix) dans des smart-lockers (consignes électroniques) et se faire aider par des techniciens présents dans des kiosques sur les différents sites.
La table ronde « Les bonnes pratiques face aux besoins métiers » a réuni, de gauche à droite, le Colonel Claude Chary (Officier Général Chargé du Numérique et de la Coordination de l'Innovation au sein de l'Armée de Terre), Fabrice Chevron (Responsable Digital Workplace chez Chantelle Lingerie) et Lionel Del Aguila (Directeur du programme Environnement Numérique de Travail au Ministère de l'Intérieur).
La table ronde « Les bonnes pratiques face aux besoins métiers » a ensuite réuni le Colonel Claude Chary (Officier Général Chargé du Numérique et de la Coordination de l'Innovation, Armée de Terre), Fabrice Chevron (Responsable Digital Workplace, Chantelle Lingerie) et Lionel Del Aguila (Directeur du programme Environnement Numérique de Travail, Ministère de l'Intérieur). Ce dernier a débuté en expliquant comment la collaboration ne devait pas être sacrifié devant la sécurité et la souveraineté. Le Ministère de l'Intérieur a donc déployé sur son propre cloud, baptisé Pi, la solution libre NextCloud. Le Ministère de la Défense a, lui, réussi à concilier le BYOD avec ses propres impératifs en utilisant un store applicatif privé développé avec Pradeo. Enfin, Fabrice Chevron a détaillé une politique d'usages numériques ayant bien sûr beaucoup moins de contraintes, ce qui lui a notamment permis de déployer les solutions Google.
Edouard Joulie, Responsable Avant-Vente chez NFON France, a défendu : « La téléphonie d'entreprise, un outil essentiel pour un travail collaboratif »
Dans la collaboration, un point ne doit pas être négligé : la téléphonie d'entreprise. Celle-ci est appelée à une refonte avec la fin du RTC. Une des possibilités est de renoncer à toute solution « on premise » au profit d'une solution « as a service ». « La téléphonie devient une commodité et il n'y a plus besoin de compétences internes dédiées, d'infrastructures complexes mais sans renoncer à conserver la maîtrise opérationnelle » a ainsi soutenu Edouard Joulie, Responsable Avant-Vente chez NFON France.
Une solution « on premise » s'amortit en 5 à 7 ans. Il est donc nécessaire d'anticiper les évolutions des besoins de l'entreprise sur cette période. Très souvent, cela se traduit par du surdimensionnement. Avec une solution cloud, la téléphonie devient flexible, à la demande, et sécurisée à partir d'une simple connexion Internet.
Nicolas Debray, Responsable de l'Equipe Grands Comptes chez Poly France, a averti les participants sur « Les périls de l'open-space »
Dernier expert à s'exprimer, Nicolas Debray, Responsable de l'Equipe Grands Comptes de Poly France, a d'abord rappelé les promesse de l'open-space : réduction de l'espace immobilier, amélioration de la collaboration... « Mais ce sont des métiers différents qui se croisent » a-t-il relevé. Il en résulte la première nuisance : le bruit.
Pour tenter d'accroître les usages et de faciliter cette collaboration, beaucoup d'entreprises ont déployé des solutions de communications unifiées. Malheureusement, trop souvent, ces solutions sont plaquées sur des usages existants alors que leur avantage est de permettre de nouvelles pratiques. Il faut donc savoir mesurer les usages et adapter les outils aux besoins individuels. Et, au final, ne pas se contenter d'équiper en technologies les humains mais aussi les espaces de travail.
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