Après les années noires sous la présidence de Didier Lombard, la situation sociale montre de nouveau des signes de dégradation chez Orange. C’est ce que révèle l’enquête triennale lancée à l’initiative du comité national de prévention du stress (CNPS) et présentée le 20 février dernier par la CFE-CGC. Cette instance créée à la suite de la crise sociale de 2008 comprend un représentant de la direction et 12 membres des organisations syndicales. Les résultats de l’étude réalisée par le cabinet d’expertise Secafi sont basés sur l’analyse d’une soixantaine de questions. Cette année, les salariés d’Orange se sont exprimés en masse, fournissant plus de 32 000 réponses en France, soit un taux de participation de 55 % signe d’une libération de la parole. Tous les indicateurs de risques psychosociaux étudiés sont à la baisse que ce soit le sentiment d’insécurité professionnel, la fierté d’appartenance à l’entreprise ou l’autonomie au travail tandis que la surcharge des tâches augmente.

Sur ce point, l’étude souligne qu’en raison du recours à la délocalisation, les missions confiées aux salariés de l'opérateur télécoms en France sont de plus en plus complexes en raison de procédures mal définies ou d’un manque de coopération entre services. À ces difficultés organisationnelles, s’ajoute un dépeuplement lié aux départs en pré-retraite non remplacés et donc une surcharge de travail pour ceux qui restent. L’insécurité professionnelle en légère croissance en 2021 connait une chute spectaculaire de 33 points, ce qui le ramène en deçà des résultats de 2009. 67% des salariés considèrent « être en train de vivre ou s'attendre à vivre un changement indésirable dans leur situation de travail ».

Retour des suicides sur fond de restructurations

Même constat sur la fierté d’appartenance à Orange qui est en recul de 19 points en 2024. Le cabinet Secafi l’explique en partie par la mise en place d’un plan de départs volontaires sur le périmètre OBS-SCE en France. De plus, Orange a également connu un certain nombre de situations suicidaires, soit quatre depuis octobre 2024 dont un reconnu en accident du travail. Cela aurait généré une légitime émotion dans l’entreprise. L’étude met également en évidence des réorganisations plus nombreuses sur la période de 2021 à 2024 et perçues comme moins bien accompagnées. La proportion des répondants ayant connu plus de deux restructurations a triplé tandis que le score d’accompagnement aux changements a diminué de 12 points. Le rapport précise que les suicides des dernières années ont eu lieu dans les périmètres où les réorganisations ont été les plus nombreuses.

Autre score en recul : celui de l’autonomie au travail 2024 qui retombe au même niveau qu’en 2012 « Cet indicateur est largement corrélé au niveau de diplôme. Or, l’amélioration continue du niveau de qualification des salariés d’Orange entre 2012 et 2024 aurait dû générer mécaniquement une amélioration », pointe l’étude en parallèle. Sur le plan individuel, la reconnaissance au travail et les perspectives d'évolution s’ancrent elles aussi dans le rouge. La rémunération demeure insatisfaisante pour 68% des répondants. 44% estiment que les entretiens individuels ne présentent aucune utilité. 20 000 collaborateurs sont toujours non promus depuis plus de 10 ans et les NAO 2024 sont perçues comme « caricaturales ».

Le soutien hiérarchique s'améliore 

Parmi les quelques point positifs, l’enquête indique que les rapports sociaux au travail restent favorables. L'indicateur du soutien hiérarchique progresse régulièrement depuis 2012 et s’améliore encore en 2024. Au quotidien, les managers de proximité sont toujours appréciés. Globalement, ils considèrent être écoutés de leur propre hiérarchie, mais leur ressenti de pouvoir influencer les transformations se réduit. Seulement 61% pensent que « leur avis est réellement pris en compte ». Face a ces éléments, la direction d’Orange a déclaré : « tout d’abord, nous souhaitons rappeler la signature à l’unanimité du premier accord de Gestion pour l’Emploi et des Parcours Professionnels (GEPP) pour le groupe Orange en France qui vise à accompagner l’évolution des métiers et des compétences. Cet accord est le résultat de plusieurs mois de négociations, avec 16 réunions menées dans le dialogue et l’écoute avec les partenaires sociaux.

Des plans d'actions à venir, selon Orange

Concernant l’enquête Secafi, le groupe précise qu’il s’agit de la 6ème enquête triennale sur les conditions de travail et de stress qui structure nos engagements en évaluant régulièrement les conditions de travail et les facteurs de stress. « L’existence de cette enquête est un outil très important dans la vie de l’entreprise, nous y portons une attention particulière. Elle vient en complément de tous les dispositifs de prévention que l’entreprise met en œuvre depuis 2010 et qui n’ont jamais diminués ». L’opérateur télécoms souligne également : « comme après chaque enquête, des plans d’actions s’en suivront pour répondre aux principales préoccupations. La GEPP négociée avant l’enquête apporte d’ailleurs déjà plusieurs réponses. En outre, l’ouverture d’une négociation sur la QVCT qui va débuter mi-mars pendant 3 mois ».