« Un des objectifs du TGV M, c'est de diminuer les coûts globaux de 30% », indique d'emblée Joël Muller, responsable système train TGV M, à propos du nouveau train que la SNCF exploitera à partir de 2025. Pour commencer, comme le M de son nom l'indique, ce TGV fabriqué par Alstom repose sur une conception modulaire, à partir de composants standards. Mais, par ailleurs, pour lui permettre d'afficher des coûts inférieurs de près d'un tiers par rapport à ses prédécesseurs, la SNCF a aussi décidé de passer d'une maintenance prédictive, avec des inspections régulières préprogrammées, à une maintenance conditionnelle qui s'appuie sur des données réelles remontées par autodiagnostic, grâce à des capteurs installés sur tous les sous-systèmes du train.
« Il s'agit d'avoir en continu un état de ce qui se passe sur le train », précise Joël Muller. La maintenance dite conditionnelle n'est en effet déclenchée que lorsque la probabilité de survenue d'une panne devient trop importante. Pour cela, la SNCF doit disposer de données prélevées en temps réel. Elle a donc installé des capteurs sur tous les sous-systèmes, qu'il s'agisse des sièges avec leur système d'inclinaison ou leurs prises de courant, des vitres, de la climatisation, des composants du moteur ou encore des essieux. Ces capteurs ont été développés par les équipes du département ingénierie, avec l'appui d'Alstom et des différents équipementiers sous-traitants.
Eviter l'arrêt et le démontage des sous-systèmes
« Aujourd'hui, pour connaître l'état d'un sous-système, il faut l'arrêter, le décâbler, enlever son capot si besoin, précise Fabrice Hickenbick, responsable vie série TGV M. C'est long, fastidieux et coûteux. » C'est cette étape fastidieuse que les capteurs contribueront à remplacer. L'ensemble des données issues de ces dispositifs seront envoyées vers un système centralisé appelé Train Control Monitoring. « Il héberge environ 25 000 variables rafraîchies toutes les 100 ms, précise Joël Muller. Elles sont ensuite envoyées en 4G vers l'agent de maintenance concerné lorsqu'une demande d'intervention est nécessaire. Un filtrage est indispensable pour que cet agent ne réceptionne que les éléments les plus pertinents pour lui. »
« Avec le télédiagnostic, c'est le train qui va désormais nous dire quelle opération de maintenance doit être lancée, et quand », résume Joël Muller, responsable système train TGV M à la SNCF. (Photo ED)
A l'occasion du salon Vivatech de Paris, l'équipe en charge du développement a présenté deux exemples concrets d'utilisation de ce nouveau système : la projection de graisse entre les boudins de roues et les rails et la projection de sable sous pression sur les rails pour améliorer l'adhérence du train. Le premier a pour objectif de limiter les frottements et donc l'usure des roues. Le second projette sur les rails du sable contenu dans de grands réservoirs installés dans la motrice. Ce sable se retrouve entre le rail et la roue pour assurer l'adhérence au niveau de la zone de contact et éviter qu'une roue ne se bloque ou ne devienne inutilisable. Deux dispositifs auxiliaires essentiels dont le dysfonctionnement peut coûter très cher puisqu'il pourrait exiger de reprofiler une roue, voire de la remplacer. Leur maintien en conditions opérationnelles est donc primordial.
Des capteurs sur mesure développés par la SNCF
« Aujourd'hui, des agents se déplacent régulièrement pour vérifier sur le train si les réservoirs sont pleins, s'ils ne sont pas bouchés et si le système fonctionne encore, explique Joël Muller. Nous avons donc décidé de mettre en place des dispositifs de télédiagnostic sur ces sous-systèmes pour passer à de la maintenance conditionnelle. » La SNCF a équipé les réservoirs de capteurs spécifiques, qui mesurent le niveau de sable ou de graisse, en donnent une image à l'instant t, surveillent la consommation réelle de ces éléments en temps réel, etc. Ces informations seront, par ailleurs, traitées par des algorithmes pour estimer ce qu'est réellement une consommation normale de sable ou de lubrifiant afin de prévenir l'arrêt des systèmes. Cette surveillance permanente doit ainsi permettre de déclencher en temps réel des opérations correctives, mais uniquement à bon escient.
La SNCF a déjà développé la plupart des capteurs destinés aux équipements du TGV M, mais il lui reste d'autres pans du projet à traiter. L'équipe ingénierie n'a, par exemple, pas encore décidé de l'emplacement du système de traitement de données et de prise de décision. Pour l'instant, il demeure « au sol », mais l'idée d'un serveur spécifique à bord n'est pas écartée. « Le système génère et remonte énormément d'informations, précise Joël Muller. Nous travaillons donc à optimiser les algorithmes et limiter le volume de données à traiter, pour éventuellement embarquer un serveur dans le train. »
Aujourd'hui, la SNCF exploite encore ses rames à grande vitesse sur la base d'un plan de maintenance prédéfini, qui s'appuie sur un modèle de départ conçu en 1981. « Avec le télédiagnostic, c'est le train qui va désormais nous dire quelle opération de maintenance doit être lancée, et quand elle doit l'être », conclut Joël Muller.
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